Chaque fois que les Forces de défense et de sécurité (FDS) démantèlent une base terroriste, des futs de carburant en stock sont découverts. Qui ravitaille les terroristes en carburant ?
Il est reconnu que les terroristes exploitent la contrebande sous toutes ses formes pour se financer. Certains actes terroristes visent à créer et entretenir des couloirs pour acheminer facilement leurs besoins en logistique. Des recherches menées, il ressort qu’un vaste réseau de fraude, impliquant diverses personnes, permet de ravitailler les zones occupées par les terroristes en carburant. Les circuits de ravitaillement, les localités de départ et de destination et les techniques utilisées ont été divulgués suite à la survenue de plusieurs incidents.
Niger : un des premiers pays pourvoyeurs de ce carburant
Des camions citernes se rendent dans ce pays pour transporter le carburant avec comme destination le Mali. Le Burkina Faso est utilisé comme pays de transit de ce carburant. Tous les documents sont établis en bonne et due forme. Toutefois, ce carburant n’arrivera pas à destination. Il est déversé sur le territoire burkinabè. Si Ouagadougou reste une localité de destination de ce carburant, une partie est déversée dans les zones d’occupation terroriste dans la région administrative de l’Est. Le second pays de provenance de ce carburant est le Bénin. Si une partie de ce carburant est achetée au port de Cotonou, l’autre partie vient directement du Nigeria avec les camions citernes. Une bonne partie de carburant subi le même sort que celui venu du Niger, c’est-à-dire, qu’il est déversé sur le territoire burkinabè. Certains fraudeurs se contentent de vider le carburant dans des futs sur le territoire béninois qu’ils transportent au Burkina Faso. Cette technique de fraude a toujours existé. Mais elle a pris de l’ampleur depuis la menace terroriste au Burkina Faso.
Un chauffeur de véhicules d’occasion, qui emprunte l’axe Ouagadougou- Fada N’Gourma- Cotonou, témoigne. La circulation sur l’axe Fada N’Gourma-Pama-frontière du Bénin a été interrompue pendant un bon moment à cause des attaques terroristes. Mais certains chauffeurs continuaient de le fréquenter. Il suffit de prévoir du carburant pour les groupes terroristes qui contrôlent la zone, parce qu’il arrive des moments où ils sont en manque de carburant.
Les contrebandiers ne restent pas là
Le carburant provenant du Niger et du Bénin est aussi réexporté vers le Ghana. Pourtant, ce pays est un producteur de carburant et abrite le port de Tema où le Burkina Faso se ravitaille en carburant. Comment se fait-il que le Burkina Faso soit un pays de transit de carburant à destination du Ghana ? Les recherches ont permis de comprendre que sur la base de faux documents, ce carburant qui entre en territoire ghanéen revient au Burkina Faso dans des futs ou dans des petits camions citernes. Un village situé à la frontière Burkina Faso-Ghana est réputé être la localité de transfert de ce carburant venu du Ghana vers le Burkina Faso. Cette pratique mafieuse et qui cause la perte de plusieurs milliards FCFA pour le budget national est alimentée par les leaders locaux au Ghana.
La fraude du carburant est une vieille pratique qui a pris de l’ampleur ces deux dernières années. On estime entre 400 et 500 camions citernes qui déversent de manière frauduleuse du carburant sur le territoire burkinabè. Ce qui engendre environ 10 milliards FCFA de perte de recettes pour la Douane uniquement.
Il n’est pourtant pas difficile de mettre fin à ce trafic. L’importation du carburant est un monopole d’Etat qui revient à la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (SONABHY). Il est vrai qu’elle délivre des importations spéciales pour certains grands consommateurs comme les entreprises minières, mais d’une manière générale, le monopole d’Etat facilite le suivi des importations.
Cette fraude fait perdre à la SONABHY des recettes. En effet, à l’Assemblée générale des sociétés d’Etat 2021, la SONABHY a présenté des résultats qui révèlent une détérioration des soldes significatifs de gestion entre 2018 et 2020. Le résultat d’exploitation a baissé respectivement de 14,592 milliards FCFA en 2018, de 15,187 milliards FCFA en 2019 et de 15,991 milliards FCFA en 2020. Cette situation résulte de la diminution du chiffre d’affaires au titre de l’exercice 2020. Le chiffre d’affaires passe de 693,995 milliards FCFA en 2019 à 651,937 milliards FCFA en 2020. Ainsi, le résultat net a régressé en passant de 41,875 milliards FCFA en 2019 à 32,503 milliards FCFA en 2020.
Dans ce trafic, la Douane burkinabè doit revoir son système de traçabilité des cargaisons en transit. Les camions passent devant ces agents et il revient à ces derniers de s’assurer que la marchandise est arrivée à bon port.
La situation est bien connue par les premiers responsables des Douanes burkinabè qui ont alerté à travers une correspondance officielle, la Douane ghanéenne sur la nécessité de bien vérifier les documents du carburant.
JB
Encadré
Carburant, l’économie du terrorisme
Les médias nationaux font régulièrement cas d’incendies de camions citernes dans des quartiers de Ouagadougou et dans d’autres localités comme Fada N’Gourma, Bogandé, etc. Une des raisons de ces incendies est le chiffonnage du carburant fraudé. Le dernier incendie qui a eu lieu dans un garage de Ouagadougou est survenu parce que la moto- pompe utilisée pour vider la citerne a pris feu. Quelle était la destination finale de ce carburant ?
La Police nationale a animé une conférence de presse pour présenter un réseau qui excellait dans l’utilisation de faux documents pour importer des marchandises au Burkina Faso. Cette piste est à prendre au sérieux pour vérifier la destination finale de ces produits, surtout pour le carburant. o