
• De la SYNAVFL
• Que l’Etat dédie un marché spécifique
• Et des unités de transformation
Les Burkinabè sont réputés être de grands consommateurs de fruits et légumes. A ce titre, nos différents marchés et yaars, de même que les voies publiques, sont inondés de ces produits. Mais d’où proviennent les fruits et légumes pour la consommation ?

Et comment est organisé leur vente sur le terrain ? Pour des réponses appropriées à toutes ces questions, qui mieux que la Secrétaire générale adjointe du Syndicat national des fruits et légumes du Burkina Faso (SYNAVFL-BF), Salimata Zoungrana, pour en donner. Elle aborde aussi dans cet entretien accordé le mercredi 1er octobre 2025, à Ouagadougou, à la Rédaction de L’Economiste du Faso, les difficultés du secteur, les souhaits et les perspectives. Le SYNAVFL-BF qui compte plus de 3.000 membres est affilié à plusieurs organisations internationales qui interviennent dans le secteur des fruits et légumes. Lisez plutôt !
L’Economiste du Faso : Dites-nous, vendeurs de fruits et légumes sont-ils différents des importateurs. Ou bien vous vous considérez comme des importateurs de fruits et légumes ?
Salimata Zoungrana : Les vendeurs de fruits et légumes : il y a les fruits locaux et les fruits importés. Notamment, vous voyez les mandarines de couleur orange appelées les clémentines, qui proviennent du Maroc. Il y a les raisins, il y a les pommes. La plupart de nos produits sont importés du Maroc et de l’Afrique du Sud.
Donc, vous êtes des vendeurs et des importateurs ?
Nous importons aussi des légumes tels que les poireaux qui se présentent comme les feuilles d’oignon. Mais aussi les poivrons gros de couleurs jaune et rouge que vous trouvez sur le marché burkinabè. Tout cela est importé.
Et finalement, quels sont les fruits et légumes issus des jardins des maraîchers burkinabè que vous vendez ?
On prend tout ce qui vient du Burkina. Il y a les choux, il y a la tomate, il y a l’oignon, il y a l’aubergine, etc. Maintenant, c’est ce qui ne se trouve pas ici que nous importons. Et parfois aussi, il y a des périodes où il y a des ruptures, où il n’y en a pas. Par exemple, l’oignon, la pomme de terre, la carotte, le haricot vert…, il y a des périodes où on n’en trouve pas. Lorsque cela arrive, par exemple pour l’oignon, nous importons du Maroc.
Pourquoi avoir mis en place un syndicat, et dites-nous comment il est structuré?
Le syndicat a été créé en 2016 avec comme Secrétaire générale Elisabeth Koanda. Moi, je suis la Secrétaire générale adjointe du bureau. La structure est née d’un constat : unir les membres de la faîtière pour mieux défendre nos intérêts matériels et moraux. Depuis la mise en place du syndicat, nous avons eu à mener des actions de sensibilisation sur le rôle des vendeurs et importateurs des fruits et légumes. Sans être structurés, c’est difficile d’adhérer à des organisations internationales. Grâce au syndicat, nous sommes aujourd’hui partenaires du Street net International (USA) dont le siège se trouve en Afrique du Sud. A ce jour, nous comptons 3.700 membres répartis sur tout l’ensemble du territoire.
Concrètement, quand on est membre du syndicat, quels sont les avantages qu’on en tire ?
En étant membre du syndicat, vous êtes détenteur d’une carte de membres pour l’adhésion. Vous bénéficiez également des formations et des sensibilisations. Même les non membres bénéficient de nos formations et sensibilisations. Tout le monde peut participer. Hommes comme femmes, jeunes comme vieilles.
Comment êtes-vous structurés à Ouagadougou ?
Nos membres sont établis sur l’ensemble de la ville de Ouagadougou. Vous pouvez retrouver nos commerçants au marché de Zabre-Daaga, à l’aéroport de Ouagadougou, au grand marché et dans les différents marchés de la capitale ?
Faites-vous aussi de l’exportation des fruits et légumes de nos producteurs ?
Pour le moment, nous commercialisons uniquement au niveau national. Pour l’exportation, nous envisageons la transformation. Par exemple, s’il y a des produits périssables, au lieu de les laisser pourrir et prendre jeter, nous pouvons essayer de les transformer et exporter.
Ce métier-là nourrit-il son homme ?
C’est un métier vraiment pas facile. Il y a des difficultés et également des avantages ; parce que ce sont des produits alimentaires, hormis la vente qui procure des revenus financiers, il y a la matière première même que vous pouvez consommer. Dans la famille, il ne peut pas manquer de fruits ou de légumes à la maison ; parce que tu es déjà dans le métier. Donc ça déjà, c’est un avantage. Et côté financier, malgré quelques difficultés telles que la mévente ou la rareté des produits, nous arrivons à subvenir aux besoins de la famille : frais de scolarité ou de santé.
En tant qu’acteur économique de ce secteur, quelles sont les principales difficultés que vous avez ?
Les principales difficultés, c’est, entre autres, le problème de stockage, la conservation et le manque des places de vente. Au niveau de la vente des légumes, nous nous en sortons mieux, car, les légumes sont disponibles dans les marchés, dans les hangars et autres lieux tels que devant les maisons, les femmes vendent. Mais côté fruits, en général, c’est au bord des voies que les femmes vendent ; parce qu’il y a une certaine catégorie de personnes qui s’en procure, tels que les fonctionnaires qui s’arrêtent prendre quelques fruits pour la maison. Les places publiques sont réservées mais à ce niveau, nous envisageons des discussions avec les Mairies pour trouver des places adaptées. Par exemple, un marché dédié aux fruits et légumes, où on peut tout retrouver. Ainsi, un étranger qui quitte l’extérieur, qui arrive au Burkina Faso, sait où il va aller payer.
Souhaitez-vous un marché à l’image de celui de légumes communément appelé « Leguema lôgô », à Bobo-Dioulasso ?
Effectivement. Cela permet de regrouper le maximum de vendeurs de fruits et légumes dans un même endroit. Que l’Etat pense à dupliquer ce type de marché dans chaque localité ou dans chaque secteur. Ainsi, les consommateurs savent désormais où aller se procurer les fruits et légumes sans difficulté.
Revenons à la conservation. C’est un problème de manque de camions frigorifiques ou bien c’est toute la chaîne logistique, c’est-à-dire, de la récolte au champ jusqu’à ce que ça arrive à votre niveau.
On ne peut pas parler de récolte au champ ; parce que nous, c’est la vente. C’est au niveau de la vente, les produits une fois arrivés, il faut avoir un espace approprié, peut-être des champs froids pour les stocker. Sans oublier le transport qui est souvent source de manipulation des produits, avec notre climat comme la chaleur, cela n’est pas approprié. Nous souhaitons que le transport se fasse avec des camions frigorifiques, même si ce sont des petits camions-fourgonnettes. Avec des espaces adaptés, chaque vendeuse peut se doter d’un réfrigérateur qui va lui permettre de pouvoir faire la conservation. Sinon, nous assistons à beaucoup de pertes.
Mais il y a un des reproches qu’on vous fait, nous les consommateurs, on a l’impression que vous utilisez de substances telles que le bicarbonate pour mûrir rapidement vos fruits et légumes. En d’autres mots, les produits sont-ils sains ?
À ce niveau, et dans toute activité, il y a des gens qui comprennent et il y a d›autres aussi qui peinent à comprendre. Et nous, notre rôle, c›est vraiment de sensibiliser les gens, leur montrer quelles mesures prendre, comment faire pour avoir vraiment des produits sains ; parce qu’avant de vendre, toi-même tu es consommateur. La plupart, des enfants sont là et tout le monde, vous allez consommer, vous manipulez. Et ce sont des produits, même sans les consommer, la manipulation peut nuire à la santé. Donc nous sensibilisons. Par exemple, pour la banane, il y a la production de bananes locales, ici au Burkina. Et une fois les producteurs ont produit, ils ont récolté, ce sont les acheteurs qui vont aller prendre. Et quand ils vont prendre, il y a toute une chaîne, il y a les mûrisseurs dont leur rôle est de faire pour que la banane soit mûre. C’est leur travail. Après cette étape, il y a les distributrices qui viennent prennent pour aller sur le marché vendre. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour éliminer tout ce qui peut nuire à la santé de la population.
Quel est le processus suivi de l’enlèvement du produit jusqu’au consommateur final ? Je prends, par exemple, le haricot vert.
Chaque produit, c’est d’abord le champ chez le producteur. Ensuite, il y a les grossisses qui vont prendre, envoyer sur le marché et les vendeurs, les distributeurs vont s’en procurer pour la vente. Et en général, avant de faire et mettre ça à la disposition du consommateur, évidemment, il faut le nettoyer.
Dans ce cas, les étrangers qui viennent acheter Bord-champs, rentrent-ils dans votre circuit de distribution ou bien ce sont vos concurrents ?
Ce problème aussi, c’est un phénomène vraiment que nous devons éradiquer, parce que ça ne profite pas. Normalement, dans tous les autres pays, ça ne se fait pas. Quand un acheteur vient, c’est là où les vendeuses vendent. C’est là-bas où ils doivent s’en procurer. Ils ne doivent pas avoir accès au champ normalement. Mais, nous constatons que des gens arrivent jusqu’au champ, parfois même ils imposent leur prix, ils font tout ce qu’ils veulent, ils font les choix et tout, après ils partent.
Avez-vous approché les autorités ou le ministère du Commerce pour dénoncer cette concurrence déloyale ?
C’est vraiment une concurrence déloyale. Pour le moment, nous cherchons à nous faire connaître. Même le marché dont je parlais, entre autres, nous avons été dans différentes Mairies, nous avons demandé un terrain pour la construction du marché. Une fois cela mise en place, il y aura en ce moment une administration, un suivi, disons une meilleure organisation.
Sur les oignons, ça doit être l›un des produits les plus consommés au Burkina Faso. Aviez-vous le même constat ?
Oui, l’oignon est beaucoup consommé.
Pourquoi l’oignon manque-t-il à certaines périodes de l’année ? Pourtant, il y a quand même des magasins de conservation. Et le prix varie souvent du simple au triple entre deux, trois mois. On vous reproche de conserver l’oignon pour faire de la spéculation ?
Non, la spéculation n’est pas une méthode qui peut profiter. L’oignon se conserve, mais il y a des conditions, comme je viens de le dire. Si les conditions ne sont pas respectées, il y aura toujours des produits qui vont être avariés et tu seras obligé de jeter. Et puis, la production ne se passe pas toute l’année. Lorsque cette période de production passe, le prix commence à grimper. C’est comme quand le produit devient rare, les prix augmentent, à l’inverse, les prix baissent. Actuellement, sur le marché, vous allez toujours voir l’oignon du Burkina Faso. Mais dans les années passées, à cette période-là, c’est l’oignon blanc.
Ça va pour l›oignon, mais il y a un produit cette année qui marche plus dans les rayons, c›est la tomate venant du Maroc. Je veux savoir, cette tomate qui vient du Maroc, ça rentre directement en concurrence avec vous ou c’est vous qui faites venir?
Il y a la tomate issue des champs de nos producteurs. Il y a aussi la tomate qui est importée également. Pendant les périodes de ruptures, nous importons. Mais pendant la saison pluvieuse, la tomate est disponible sur le marché local. Pendant le mois de décembre et janvier, vous n’allez pas trouver de tomate importée, parce que le produit est disponible, de même que la carotte.
Comment vous appréciez aujourd’hui la politique du contenu local ? C’est-à-dire qu’aujourd’hui, quand on regarde, le gouvernement met l’accent sur la consommation locale. Comment appréciez-vous cette politique ?
Notre souhait, c’est de voir les produits locaux vraiment être à la portée de tous, être disponibles à tout moment pour tous les consommateurs. Les importations, ça donne même plus de coûts. Si vous remarquez, les produits importés sont plus chers, ça revient plus cher. Par exemple, le poivron et tout ce que j’ai cité. Le poivron rouge-jaune, l’unité fait 500 FCFA. Mais si c’est le poivron local, tu vas remplir le panier de la ménagère.
Le mois d’octobre est célébré comme mois du consommer local par l’UEMOA, vous êtes-vous approchés pour promouvoir la vente des produits locaux ? Le syndicat essaie-t-il de faire des démarches pour profiter du mois ?
Non. Pas pour le moment. Sinon, ce sont des activités vraiment qui nous intéressent. De même, il y a des foires de vente qui nous permettent de nous faire voir et de nous faire connaître, d’échanger sur nos difficultés pour trouver des solutions et améliorer le secteur.
En tant que vendeuse, quel est le produit le plus consommé ?
Côté légumes, il y a l’oignon, la tomate, l’aubergine, le chou, la courgette.
Côté fruits, c’est la banane surtout, l’orange, les mangues si c’est la période, la papaye, la pastèque. o
Interview réalisée par Ambéternifa Crépin SOMDA et Sandrine SAWADOGO
Quelles sont les activités que vous avez déjà menées à ce jour et quelles sont les perspectives ?
Chaque 14 novembre est consacrée Journée internationale des vendeurs de rue. A cette date, nous faisons des sensibilisations et des ventes promotionnelles. Nous menons aussi des activités le 1er mai, fête du travail, à la Bourse du travail, et le 8-Mars, parce que nous sommes affiliés à la Force ouvrière (FO).
En matière de chiffres, dites-nous si ce métier nourrit son homme. Aujourd’hui, une vendeuse de fruits et légumes, vous-mêmes vous êtes dans le domaine, par jour, combien peut-elle gagner dans le mois, l’année, en termes de bénéfice ?
La vente des fruits et légumes rencontre beaucoup de difficultés que j’ai mentionnées plutôt. Parce que les fruits et légumes, vous-mêmes vous savez, c’est quelque chose qui est vendu au kilo, donc la marge bénéficiaire n’est pas assez élevée, c’est en fonction de ce que tu as vendu que tu peux avoir des bénéfices. Et également, il y a les pertes qu’on vient de citer. Même s’il y a assez de bénéfices à engranger, si tu n’arrives pas à tout écouler, tu risques de perdre. N’oublions pas que ce sont des produits périssables. Pour y faire face, tu es amenée à diminuer les prix pour pouvoir écouler.

