Le Réseau national de lutte anticorruption (RENLAC) a dénombré 241 cas de corruption électorale durant la période allant du 2 août au 29 novembre 2015. Claude Wetta, secrétaire exécutif du RENLAC, qui a porté l’information le 12 janvier 2016, a précisé que «le travail de collecte a été conduit dans les 13 chefs-lieux de province par 32 observateurs dont 7 à Ouagadougou, 4 à Bobo-Dioulasso et 2 dans chacun des 11 autres chefs-lieux de région».
Nombre de cas d’irrégularités par partis
Cette observation directe sur le terrain a été complétée par les plaintes reçues à travers le numéro vert de la structure. «En définitive, on peut affirmer que très peu sont les partis politiques et autres candidats qui n’ont pas pratiqué de corruption électorale», poursuit-il.
Quels sont les partis qui se sont adonnés à ces pratiques de corruption ?
Le RENLAC constate que le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) totalise le plus grand nombre de citations de cas d’irrégularités. Avec un nombre total de 121, ces cas représentent 50,21% de l’ensemble des irrégularités relevées. Avec 13,69%, l’Union pour le progrès et le changement (UPC) se classe en deuxième position avec 33 cas. Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) avec 24 cas relevés, soit 9,96% de l’ensemble, arrive en 3e position. Ces trois partis totalisent 78 cas constatés, soit 73,85% de l’ensemble des irrégularités. Ce qui fait dire à Claude Wetta que ces irrégularités semblent proportionnelles au nombre de députés de chaque parti politique.
Après le trio de tête, suivent le Front des forces sociales (FFS) avec 3,32% de cas relevés le Parti pour le développement et le changement (PDC) et le Rassemblement des démocrates du Faso (RDF) qui totalisent chacun 2,90% des irrégularités, etc.
Les cas de corruption dont il s’agit
Avant l’ouverture de la campagne, le RENLAC a observé la tenue de meetings et des visites à des autorités coutumières et religieuses organisées par des responsables politiques. De l’argent et des motos ont été distribués à l’occasion.
Lors de la campagne électorale, un incivisme caractérisé des partis politiques a été observé par le RENLAC qui cite les affichages sauvages au mépris de la réglementation en vigueur. Ainsi, les espaces publics, privés, les panneaux publicitaires, les arbres, les murs ont été des lieux de pose d’affiches. Le port des tee-shirts, la distribution d’argent, de motos et de carburant se sont poursuivis durant cette période. Outre ces cas, le RENLAC a relevé des imperfections qui ont émaillé le déroulement du scrutin le jour des votes. Ainsi, des personnes en possession de leur carte d’électeur n’ont pas pu voter parce que leurs noms ne figurent pas sur les listes disponibles au niveau du bureau de vote. Aussi, des retards ont été observés à l’ouverture des bureaux de vote. Enfin, dans certains bureaux de vote, l’insuffisance du matériel et de documents électoraux a été relevée.
Toutefois, ces irrégularités n’entachent en rien la régularité du scrutin, conclut le RENLAC.
Elie KABORE
Plafonner les dépenses des campagnes
A l’issue de ce travail, le RENLAC a formulé des recommandations en direction de plusieurs acteurs. A la Cour des comptes, il a demandé de rendre publics les rapports relatifs aux contrôles sur l’utilisation des fonds publics mis à la disposition des partis politiques. Au gouvernement, le RENLAC formule la recommandation tendant à plafonner les dépenses des campagnes. A la justice, il pense qu’il est nécessaire de déployer des officiers de police judiciaire pour constater les pratiques constitutives d’infractions pénales afin de faciliter l’administration des preuves.
Loi N°005-PRES/CNT du 7 avril 2015 portant Code électoral
Article 68. Les pratiques publicitaires à caractère politique, l’offre de tissus, de tee-shirts, de stylos, de porte-clefs, de calendriers et autres objets de visibilité à l’effigie des candidats ou symbole des partis ainsi que leur port et leur usage, les dons et libéralités ou les faveurs administratives faits à un individu, à une commune ou à une collectivité quelconque de citoyens à des fins de propagande pouvant influencer ou tenter d’influencer le vote sont interdits quatre-vingt-dix jours avant tout scrutin et jusqu’à son terme.o
Des cas pratiques
Preuve à l’appui, le secrétaire exécutif du RENLAC indique que:
– le 11 août 2015 : secteurs 24 et 25 de Bobo-Dioulasso, des responsables du MPP ont distribué des pagnes et de l’argent à raison de 3.000 F CFA par femme pour qu’elles participent à leur meeting
– 28 août 2015: secteur 8 et 13 de Ouahigouya, des frais de carburant ont été remis à des jeunes pour l’accueil du président de l’UPC. Une enveloppe a été remise au Naaba Kiba et 25.000 FCFA offerts aux femmes, jeunes et anciens
– 25 octobre: le candidat Issaka Zampaligré a fait don de 8 motos à des chefs traditionnels pour obtenir leur soutien lors des élections
– 9 novembre : secteur 5 de Bobo-Dioulasso, des responsables du MPP ont assuré le paiement du carburant de tout véhicule voulant transporter des participants au meeting, avec obligation de coller les affiches et porter un tee-shirt aux couleurs du parti
– 9 novembre à Kaya : les responsables de l’UPC ont offert du carburant de 1.000 F CFA et des frais de restauration de 1.500 F CFA à chaque participant à leur meeting
– 27 novembre : Tenkodogo, l’UPC a distribué entre 1.000 et 5.000 F CFA à des carrefours
– 29 novembre : Bobo-Dioulasso, avec 2.000 F CFA, le MPP mobilisait les citoyens pour aller voter
– 29 novembre : Manga, le MPP distribuait de l’argent (entre 1.000 et 2.000 F CFA) à des personnes pour les inciter à voter.