Dossier

Boissons périmées: attention au cancer!

A la suite de l’entretien accordé à L’Economiste du Faso par le docteur Alfred Ouédraogo sur les dangers liés à l’eau de boisson vendue dans les sachets plastiques, le médecin biologiste revient dans cette nouvelle interview sur les risques sanitaires liés à la consommation de boissons prohibées et donne des conseils pratiques en cas d’ingurgitation de ces produits.  

– L’Economiste du Faso : Quels risques sanitaires court un citoyen qui a consommé des produits alimentaires prohibés ?

Docteur Alfred Ouédraogo, le médecin biologiste: Il n’y a qu’à voir le yaourt périmé. Si vous le consommez, vous pouvez avoir une diarrhée. En principe, la plupart des yaourts se périment au bout d’un mois. Quand vous prenez les tomates périmées dans les boîtes de conserves, plus la date de péremption est dépassée plus le produit prend du volume. A l’ouverture, le contenu d’une boîte de conserve peut même vous sauter au visage. Et quand vous les mangez, vous pouvez avoir des problèmes digestifs.  Cependant, au-delà des problèmes de santé que nous pouvons avoir immédiatement après avoir consommé ces produits, les conséquences invisibles sont plus inquiétantes.  En effet, que ce soit des boissons en canettes, les boîtes de tomate ou autres, ces produits une fois périmés se gorgent de radicaux libres. Quand ils sont en quantité minime, l’organisme humain arrive à les juguler. Mais quand ils sont importants dans le corps, l’organisme n’y arrive pas. Notons que ce sont ces radicaux libres qui constituent l’une des causes de cancers. Et le cancer ne se déclenche pas immédiatement, souvent c’est au bout de 5 à 10 ans qu’on le découvre.  Exemple, prenons la pâte d’arachide très consommée au Burkina. Savez-vous que si l’arachide est de mauvaise qualité, on peut y trouver de l’aflatoxine qui est à la base du cancer du foie? Nos collègues cardiologues nous le disent déjà, il y a de plus en plus de maladies telles que les infarctus, embolies, etc.  L’huile alimentaire est aussi incriminée, surtout quand on sait que ces produits peuvent entraîner une production en quantité excessive des radicaux libres qui peuvent nuire à la santé. Ensuite, il y a certaines boissons dont la composition n’est pas totalement connue, surtout qu’elles contiennent des extraits végétaux. Nous ne savons pas après péremption ce que ces extraits végétaux entraînent comme perturbations dans l’organisme. Malheureusement, actuellement, je ne sais pas si avec notre plateau technique nous sommes en mesure d’apporter un éclairage sur les contenants de ces boissons. Quand vous avez suivi le procès Obouf où le rapport de toxicologie a été réfuté par ses avocats sur des questions de procédures de réquisition et de signature, tout en demandant une contre-expertise, qui du reste fait partie des droits du prévenu, je présume que ce rapport l’incrimine.  Il faut donc une autre étude toxicologique dans le respect des procédures. A ce sujet, nous pensons que l’Etat se doit de mettre les moyens pour que cette étude puisse se faire dans un laboratoire neutre de telle sorte que nous puissions avoir un résultat assez clair sur la toxicité des produits périmés.  Cela, pas seulement pour inculper ou disculpe le groupe Obouf. La sanction dont le groupe a écopé aura sans nul doute une valeur pédagogique, mais ce qui nous préoccupe plus, c’est ce que ces produits peuvent causer comme conséquences sur la santé des populations. Si on effectue ces recherches dans des laboratoires crédibles et qu’il est révélé qu’il n’y a pas de toxicité dans ces boissons, nous serons soulagés.   – Envisagez-vous donc la possibilité d’une contre-expertise malgré le verdict du procès Obouf ? Que ce soit clair, notre objectif n’est pas de nous acharner contre un individu, nous voulons juste que l’Etat prenne des mesures et que l’on apporte des réponses à ces questions: après analyses toxicologiques, ces produits périmés ont des répercussions sur la santé des populations, à court, à moyen ou à long terme ?  De notre point de vue, en tant que syndicat  (Ndlr : il est membre du syndicat des médecins qui a fait une déclaration dans la presse par rapport à la consommation des produits périmés), l’un de nos objectifs est d’œuvrer à promouvoir la santé des populations en étant une sorte de vigie sur ces aspects, c’est la chose la plus urgente et nécessaire à effectuer.

– Vous ne pouvez pas faire cette analyse au Burkina ? Le Burkina Faso dispose d’une ressource humaine en toxicologie très enviée par beaucoup de pays de la sous-région et sollicitée très souvent dans les collaborations Nord-Sud. Le plus emblématique de ces spécialistes est le Pr Pierre Innocent Guissou qui, au-delà de l’équipe de qualité dont il dispose, forme des spécialistes en toxicologie à l’Université de Ouagadougou.  Les ressources humaines en histologie et histopathologie existent également en la matière.Il faut saluer le travail abattu par le Pr Robert Soudré afin que le Burkina Faso puisse disposer d’une équipe qui est à la tâche et qui forme aussi des spécialistes. Cette formation de spécialistes attire beaucoup de cadres de santé de la sous-région. Sans hésitation, oui l’expertise peut se faire ici, mais dans les limites du plateau technique et des moyens disponibles.

– Quelles solutions pour prévenir les éventuels consommateurs de boissons périmées d’un cancer ?   Déjà, c’est de mettre en place une politique de prévention des cancers.  Si le rapport toxicologique nous dit que dans tels produits périmés il y a des substances cancérigènes par exemple, nous pouvons alors mettre en place une politique de veille sanitaire et dépistage des cancers que lesdites substances pourraient entraîner.  Quand les cancers sont détectés assez tôt, on peut les guérir, mais quand ils sont détectés tard on ne peut plus faire grand-chose. Dans cette lancée, nous pouvons mettre en place une politique de dépistage, certes, mais aussi une politique qui permettrait de prendre en charge les éventuelles victimes. Cela nécessite la prise d’un certain nombre de mesures pour renforcer la capacité des services de diagnostic para-clinique.

– Quels sont les cas de maladies causées fréquemment par la consommation des boissons prohibées ?  Dans la majorité des cas, ce sont les radicaux libres qui peuvent engendrer des cancers. Mais on sait également que dans ces produits, il y a beaucoup de sucre. Est-ce qu’il y a des interactions dangereuses dans les boissons périmées ?  Cependant en vertu du principe de précaution, il faut d’abord connaître la composition exacte des produits pour savoir quels risques on court en les consommant. Mais là, nous sommes en face de produits dont nous ne connaissons qu’une partie de la composition. Il faudrait donc faire des prélèvements et faire des colonnes de diagnostics pour connaître les types de composées que l’on y retrouve et comparer par exemple au Coca-Cola normal non périmé afin de voir la différence et d’en tirer une déduction.  Vous avez aussi l’apport qu’une étude histologique avec le modèle animale peut apporter en administrant les substances périmées aux animaux de façon comparative avec des lots de référence et des lots témoins.   – Ces maladies sont-elles en baisse ou en recrudescence ?  Il faut aller de façon schématique. En science, on ne peut pas faire une affirmation péremptoire. En science, pour établir une vérité il faut une étude fiable, donc reproductible et vérifiable. C’est du reste ce que nous demandons, il faut analyser ce produit et voir si les composantes chimiques ou organiques qui en résulteraient peuvent être nuisibles à la santé. Nous l’avons dit dans notre déclaration qu’ il faut faire une analyse impartiale pour connaître l’impact réel. On pourra donc en sus du modèle animal évoqué étudier le modèle humain en se posant un certain nombre de questions: est-ce que ceux qui ont des maladies cardiovasculaires et des maladies liées à certains types de cancers sont-ils de gros buveurs de produits incriminés ou pas?

– Quelles attitudes doit adopter un citoyen qui se rend compte qu’il vient de consommer un produit périmé ?  Dans notre déclaration, nous avons conseillé de consommer beaucoup de fruits, notamment des fruits qui contiennent la vitamine C, E et qui ont des antioxydants.  Ces antioxydants peuvent aider l’organisme à faire face aux radicaux libres (composantes chimiques qui perturbent le bon fonctionnement des cellules et qui peuvent dérouter la multiplication normale des cellules et aboutir éventuellement à un cancer).  Nous conseillons les populations de manger beaucoup de fruits bio. Ça peut aider l’organisme à faire face aux éventuelles conséquences qu’ils auraient eues et d’éviter de boire des boissons gazeuses dont on ne connaît pas vraiment la composition totale et de préférer nos jus dont on connaît la composition naturelle et qui aident à préserver notre santé.

– Il a fallu l’affaire Obouf pour que vous expliquiez ces risques à la population… C’est un problème mondial. Les médecins ont toujours attiré l’attention des populations dans leurs consultations, dans les divers fora qu’ils animent, en disant qu’il faut consommer peu sucre, peu de sel, peu d’huile. Il aurait fallu que nous ayons connaissance de cette affaire  pour nous exprimer là-dessus.

OS


 

Qui est le docteur Alfred Ouédraogo ?  

Rakissida Alfred Ouédréogo est né le 12 novembre 1977. Il est médecins-juriste publiciste de profession. En 2013 il obtient son Diplôme d’études spéciales (Des) : Biologie médicale, Sciences fondamentales et Biologiques ; option histologie, embryologie, cytologie, cytogénétique à l’université d’Abomey Calavi (Bénin) et à la faculté universitaire Notre-Dame-de-la-Paix (Belgique).  Il obtient son Master II en Droit public en 2010, option droit international et européen des droits fondamentaux (Thème : Quelle politique de santé pour promouvoir le droit à la santé de nos populations au Burkina Faso), à l’université de Nantes (France). Le Docteur Ouédraogo est responsable de l’Unité d’histo –embryo- cytogénétique du Chu/Yo depuis 2014.  Dans le volet associatif, il est membre du comité de pilotage du Front de résistance citoyenne (Frc) depuis 2015, membre de la Société burkinabè de sciences politiques (Sbsp), membre du groupe de travail des forces de résistances citoyennes pour la rédaction de la charte de la transition au Burkina Faso. En 2014, il a fait partie de la délégation restreinte de la société civile aux concertations avec la mission conjointe (Cedeao, Ua, Onu) sur la transition au Burkina. Il a aussi été membre du collège de désignation des 25 députés de la société civile au Cnt.

 

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