
• Assainir les circuits de distribution
• D’un marché de la matière première complexe
• Les défis qui attendent le nouveau DG
La Société Nouvelle huilerie et savonnerie (SN CITEC) est désormais la propriété de l’Etat burkinabè. Elle est devenue une Société d’Etat, le gouvernement ayant racheté toutes les parts de l’actionnaire principal. À propos de cette nationalisation, le ministre du Commerce, Serges Poda, évoque « le contexte d’affirmation de la souveraineté ». Ainsi, pour lui, le gouvernement a procédé à la nationalisation de la SN CITEC, afin d’assurer la stabilité de la production, sécuriser l’approvisionnement en matières premières et renforcer la souveraineté industrielle et alimentaire du Burkina Faso.
Pour ce faire, après l’acte de nationalisation et l’adoption des statuts particuliers faisant de la SN CITEC une Société d’Etat, le Conseil des ministres du 4 décembre 2025 a procédé, la semaine dernière, à la nomination d’un nouveau Directeur général. Il s’agit de Nomandé Prosper Kola, un économiste, en remplacement de l’ancien DG, Ibrahim Traoré, qui a su maintenir jusque-là l’outil de production qui avait du mal à tourner en plein régime. Et le nouveau patron devra relever le défi de l’approvisionnement en matières premières de sa Société. Une question essentielle à régler dans la reprise en main de cette Société par l’Etat.
La bataille de la graine de coton ?
Début novembre 2025, le ministère du Commerce a annoncé dans une note signée de son SG, que le prix de cession de la graine de coton huilerie au titre de la campagne de trituration 2025/2026 est de 150F/KG hors taxes. Dans cette même note, le ministère interdisait les transactions spéculatives autour de la graine de coton destinée à l’huilerie et rappelait que son exportation était soumise à la délivrance préalable d’une Autorisation spéciale d’exportation (ASE). Toutes ces mesures rappellent la spéculation qu’il peut y avoir sur cette graine de coton. Maîtriser sa disponibilité sur le territoire nationale pour les huileries locales est donc un impératif pour le ministère qui entend renforcer la souveraineté industrielle et alimentaire du Faso.
Et pour le DG Kola, le défi sera de s’assurer d’avoir suffisamment de graines de coton pour répondre au besoin du marché en termes d’huile, de savon et de tourteaux. Sur les 3 dernières années, la part obtenue par la SN Citec n’a cessé de fondre. De 41.135 tonnes de graines en 2023, la Société n’a obtenu que 10.864 tonnes en 2025. Ce qui représenterait 27 jours d’activités sur l’an.
Assainir les circuits de distribution de la matière première
«La graine de coton, entre les usines de la Sofitex et les unités de production, doit passer par des intermédiaires qui brillent également par un certain nombre d’actions qui ne sont pas très orthodoxes, ça ne facilite pas l’accès à la matière première ». Ces propos du Premier ministre, Rimtalba Emmanuel Ouédraogo, à l’ALT, en mars 2025, témoignent qu’assainir les circuits de distribution n’est pas si simple. De plus, la valeur du produit a quasiment doublé au fil des années. Passant de 90.000 FCFA à 150.000 FCFA hors taxe la tonne {à raison de 150 FCFA/KG]. Plus ce produit prend de la valeur, plus des pratiques peu orthodoxes voient le jour. En 2021, le ministère du Commerce avait initié une enquête auprès des huileries. Il avait répertorié 85 unités de transformation, mais les données n’ont pu être récoltées qu’auprès de 53 unités. Sur ces entités, 44 étaient à jour d’un point de vue de la règlementation et pouvaient ainsi prétendre à la répartition de la graine de coton pour la campagne de transformation de 2022. Mais une fois le verrou de l’accès à l’approvisionnement levé, ces bénéficiaires deviennent pour certains des « acheteurs-vendeurs » de graine et des « vendeurs » de graine.
Ainsi, pour cette période, il ressort que seulement deux entreprises ont effectivement trituré la graine de coton sur 3 campagnes successives. Cela veut dire que deux tiers des unités ne fonctionnant pas normalement ont de la graine de coton qu’elles revendent à ceux qui fonctionnent effectivement et qui sont des acheteurs potentiels pour compléter leurs stocks et pouvoir fonctionner normalement.
Qu’en est-il des fournisseurs ?
3 au départ (Sofitex, Fasocoton et SOCOMA), actuellement seule la Sofitex continue d’assurer la fourniture en coton graine aux huileries. C’est la plus ancienne et la plus grande avec plusieurs unités d’égrenage. Les graines produites sont réparties entre les unités de trituration individuelles ou organisées, d’une part, et les autres utilisateurs des graines, notamment, les producteurs de coton (comme semence) et les instituts de recherche, d’autre part. Selon les données de 2021, les quantités de graine octroyées aux entités varient entre 5.000 tonnes et 55.000 tonnes, et la SN citec bénéficiait à elle seule de la plus grande part. Cette spécificité s’explique non seulement par le fait qu’elle est la plus grande industrie de trituration au Burkina Faso, mais également par le fait que la SOFITEX y est actionnaire à hauteur de 35 % du capital social.
Avec l’apparition de nouveaux acteurs sur son secteur, la proportion de graines de coton livrée à la SN Citec n’a cessé de décroître. Selon le rapport d’audit 2024 que L’Economiste du Faso a pu consulter, la nationale des huileries a vu le volume de matières premières passé de plus de 72.000 tonnes en 2020 à seulement 10.864 tonnes en 2025. [NDLR : la liste des Sociétés bénéficiaires de la graine à découvrir en encadré].
Quelles solutions ?
Des acteurs de l’écosystème préconisent de revoir la clé de répartition de la graine de coton. Servir effectivement ceux qui sont à jour d’un point de vue règlementaire et administratif. L’intensification des contrôles devrait permettre de débusquer ceux qui ont les papiers à jour mais qui, au cours de la campagne, ne transforment pas. Il y a aussi les enlèvements au niveau de Sociétés cotonnières fournisseurs de la graine de coton, une application stricte des règles de vente pourrait assainir la gestion de la graine de coton. D’autre part, il faudrait surveiller le nombre d’unités qui se créent, alors que le marché de la graine de coton n’est pas aussi élastique pour servir tous les demandeurs. C’est cela aussi qui accentue la spéculation, toute chose qui va menacer la viabilité et la rentabilité des unités.
ESS


