Ce n’est pas tous les jours que l’on prend une heure du temps du patron des banquiers du Burkina Faso. Diakarya Ouattara, par ailleurs Directeur général de Coris Holding, a reçu une équipe de la Rédaction de L’Economiste du Faso dans son bureau, le 24 janvier 2024. En plus des questions d’actualité sur le secteur bancaire au Burkina Faso, M. Ouattara s’est exprimé sur les nouveaux chantiers de Coris Holding qu’il dirige. L’impact de l’augmentation du capital social des filiales de la banque, les futures acquisitions et son quotidien en tant que DG d’une Holding à 10 filiales…. Il est notre homme de l’année sur ce secteur d’activité. Son engagement, implémenter le business modèle Coris Bank dans les pays qui les accueillent.
L’Economiste du Faso : Fin décembre 2023, la BCEAO a décidé que toutes les banques devraient augmenter leur capital social à 20 milliards FCFA minimum. Cette mesure concerne combien de vos filiales ?
Diakarya Ouattara, Directeur général de Coris Holding, patron des banquiers du Burkina Faso: Je voudrais tout d’abord vous présenter à vous et à toute l’équipe de L’Economiste du Faso mes meilleurs vœux pour 2024. Qu’elle soit une année pleine de santé, de joie, de succès, de paix et de sécurité pour notre cher pays le Burkina Faso, qui est dans une situation très difficile mais avec beaucoup d’espoir que cette année 2024 connaitra une meilleure évolution de la situation sécuritaire.
Concernant votre question, la mesure va concerner 3 de nos filiales sur les 10. Elles ont un capital entre 10 et 15 milliards FCFA. Mais je tiens à préciser qu’au niveau de Coris Holding, nous n’avons pas besoin de mettre de l’argent dans ces banques, parce que nous avons déjà des fonds propres très confortables. Notre politique a toujours été de conserver le résultat pour conforter la situation financière de nos banques, parce que notre ambition est de contribuer à financer et à marquer les économies dans lesquelles nous sommes installés. Ainsi, toute la rentabilité qui se dégage dans nos filiales bancaires est majoritairement conservée. Nous ne distribuons qu’entre 20 et 30% du résultat, et ce résultat est injecté dans le développement du Groupe. Nous sommes sur beaucoup de projets de développement et cela nécessite que l’on injecte de l’argent.
Aussi, vous l’aurez remarqué, nous nous endettons moins pour financer nos projets de développement. Cela se fait sur la base de nos fonds propres. Nous avons rarement sollicité des prêts pour faire des acquisitions et pour créer des banques.
Et s’il est vrai que depuis un certain temps, nous sommes en train de nous tourner vers les acquisitions, il faut noter que nous ne faisons pas des acquisitions à tout prix. Nous sommes très prudents. Nous sommes sur plusieurs dossiers, même si en fin de compte nous voulons acquérir des banques qui apportent un plus à l’économie.
Acheter une banque n’est pas facile, c’est un travail monstre sur lequel il ne faut pas se tromper. A Coris Bank, notre appétit est assez contenu, parce que nous avons déjà un groupe bancaire qui marche bien, qui est le 3e Groupe de l’Union et actuellement, nous avons deux possibilités. La première était de nous installer et nous bâtir notre banque de nous-mêmes dans le pays, et c’est ce que nous avons fait. Ainsi, l’ensemble de nos 10 filiales ont été des créations et non des acquisitions d’actifs. Ce n’est pas une stratégie que nous abandonnons, mais au gré de nos opportunités, nous avons de l’appétit pour les acquisitions. Mais nous achetons à nos conditions et seulement nos choix et nous achetons parce que ces actifs doivent nous apporter un plus. Notre nouvelle stratégie combine les deux: acquisition et création. Et aujourd’hui, nous n’avons pas besoin de mettre de l’argent dans une banque.
Cette décision donc d’augmenter le capital, pour nous, c’est une opportunité. Nous avons déjà un plan d’ici à fin premier semestre 2024 et nous allons les aligner sur les autres filiales à jour.
En 2024, Coris Bank sera-t-elle toujours dans la lancée d’acquisitions ?
Oui. Absolument. Nous avons beaucoup de projets sur lesquels nous travaillons en ce moment, dans différents pays. Nous avons des banques privées pour lesquelles nous sommes engagés dans des processus de due diligence et d’acquisition, etc. Ce sont des processus qui prennent du temps et nous sommes en train de travailler sur ces dossiers-là. En espérant qu’au cours de l’année 2024, nous allons finaliser un certain nombre de projets.
Déjà, on va finaliser l’acquisition au Tchad à la fin du mois de janvier, et nous sommes en train de travailler sur l’acquisition du portefeuille de la Standard Chatered Bank au niveau de la Côte d’Ivoire. D’ici le mois de juin, on pourra intégrer cette acquisition dans le portefeuille de la banque, avec 50.000 clients au moins qui vont intégrer la banque au niveau de la Côte d’Ivoire.
Et sur la Mauritanie, nous attendons toujours, nous sommes toujours en discussion sur les questions règlementaires au niveau de la Mauritanie. Je n’ai rien à vous cacher, vous savez que nous sommes confrontés à des difficultés là-bas qui ne sont pas d’ordre règlementaire ni technique. Nous aurons sûrement d’autres projets dans d’autres pays, en 2024.
Propos recueillis par Elza Sandrine SAWADOGO
Encadré
Quel est le quotidien d’un DG d’une Holding
«Il faut dire que la Holding représente une faîtière. Dans le cas de Coris, nous avons commencé avec Coris Bank Burkina Faso, avant de développer le modèle dans d’autres pays. En 2013, nous avons créé Coris Holding qui est le groupe bancaire de Coris. Ce groupe bancaire a 10 filiales aujourd’hui. Notre rôle est, en premier, de superviser toutes les entités bancaires sur le plan de la conformité règlementaire, prudentielle et aussi sur la stratégie commerciale, sur la démarche de certains clients spécifiques et nous avons également la gestion de la gouvernance d’une façon générale. C’est tout ce qui concerne les Conseils d’administration, les assemblées générales, etc. Au-delà de la supervision, il y a l’accompagnement technologique à fournir. Etant un groupe bancaire, nous devons mutualiser un certain nombre d’investissements (systèmes électroniques, de back up, sur la monétique, etc.). Il y a aussi le département de recherche qui travaille sur les innovations, les process, etc. Nous avons un centre dédié à cela au niveau du Burkina, sur lequel nous avons des ingénieurs, des Docteurs, des experts comptables qui travaillent ensemble dans la recherche.
Le deuxième volet de notre mission, c’est le développement du Groupe. Notre rôle sur ce volet est de travailler sur les opportunités qui s’offrent à nous, même si aujourd’hui, on ne part plus chercher les opportunités, elles viennent à nous. Nous avons été identifiés comme un acteur majeur, sérieux, donc tous ceux qui ont des projets de vente cherchent à nous rencontrer et à nous faire des propositions et nous, notre objectif, est de construire suivant la vision que nous avons, une banque de référence en Afrique, et notre objectif est d’aller très sûrement et très doucement, avec l’implémentation de notre business modèle, dans les pays qui nous accueillent. Cela fait énormément de travail. On passe toutes nos journées à faire des réunions, à voyager et à rencontrer des partenaires », a expliqué Diakarya Ouattara, Directeur général de Coris Holding.