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Dépolitisation de l’administration publique: un texte, des interrogations

• Un projet de loi transmis à l’Assemblée législative de transition

• Comment dépolitiser une administration qui met en œuvre un programme politique

• Et si la bagarre est ailleurs ?

Le Conseil des ministres du 30 novembre 2022 a adopté un avant-projet de loi portant dépolitisation de l’administration publique et renforcement de la méritocratie. Ce projet de loi, selon le gouvernement, vise à réduire les influences négatives de la politique sur le fonctionnement de l’administration publique et à renforcer la promotion par le mérite.

Il s’agit de la mise en œuvre des recommandations d’une étude réalisée en 2015, sur « la dépolitisation et le renforcement de la méritocratie au sein de l’administration publique au Burkina Faso ». Cette étude avait indiqué que le phénomène de la politisation de l’administration publique était majoritairement perçu comme un phénomène réel, anormal et dangereux, se manifestant par le favoritisme, les nominations de complaisance, l’existence de clans dans l’Administration et l’absence de conscience professionnelle et a pour effet l’incompétence et la mauvaise gestion des ressources publiques.

Le ministère en charge de la fonction publique a initié l’élaboration d’un avant-projet de loi portant dépolitisation et promotion de la méritocratie dans l’Administration en avril 2022. Un atelier national de validation s’est tenu le lundi 16 mai 2022, à Ouagadougou, avec l’implication des cadres du ministère de la Fonction publique, du ministère en charge de la justice, du ministère en charge de l’administration territoriale, des partenaires sociaux, des représentants des organisations de la société civile et des personnes ressources issues du monde universitaire….

Dans l’une des versions issues de ces rencontres,  sur la notion de la terminologie, il faudrait comprendre par « dépolitisation de l’administration publique : le fait de rétablir la distinction entre administration publique et politique, en soustrayant les décisions, fonctions organisation activités ou institutions administratives reconnues comme telles aux critères ou influence à caractères politiques idéologiques, religieuse, ethnique ou régionale ». Les principes traitent des obligations de l’agent public et de la neutralité de l’espace administratif. Par exemple, on peut y lire : « L’obligation de neutralité impose à l’agent de s’abstenir, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, d’user de son appartenance à l’administration publique à des fins de propagande politique, idéologique, religieuse et ethnique ». Concernant le renforcement de la méritocratie, la loi encadre les recrutements, les pouvoirs de nominations et les promotions dans l’Administration. Un article  indique que « les recrutements, nominations et promotions des agents publics obéissent à des critères liés à leurs compétences et à leurs aptitudes professionnelles. Ils se font selon des procédures transparentes et objectives assurant l’égalité des chances entre les agents ».

Et un autre article précise que  « nul ne peut prétendre à une fonction au poste technique s’il ne justifie pas de compétence et d’expérience professionnelle avérées, s’il n’est de la catégorie A, P ou équivalent ». Par fonctions techniques, il faut voir les autorités administratives chargées de contrôle ou de la régulation d’un secteur, les Secrétaires généraux des départements ministériels, les conseillers des missions diplomatiques et consulaires, les secrétaires d’Ambassades, les Secrétaires permanent et secrétaires techniques, les Secrétaires généraux des circonscriptions administratives, des Conseil régionaux et des Mairies, les Directeurs généraux et centraux et directeurs de services des ministères, les Directeurs généraux et centraux et directeurs de services des institutions, les coordonnateurs et chefs de projets et programmes nationaux, les Directeurs régionaux et assimilés, les chargés d’études….

Si l’objectif affiché de cette loi est la dépolitisation de l’administration publique, d’autres questions avaient été également évacuées dans la première mouture et peuvent même susciter des vagues d’indignations : l’ethnie, et surtout la religion. Deux des articles disposaient que « l’espace administratif est neutre. A ce titre, il est interdit d’installer dans l’administration publique , directement ou indirectement, de manière formelle ou informelle, des cellules ou tout autre forme de représentation de partis politiques, groupements à caractère religieux, ethnique ou régional » et  « interdit de tenir au sein de l’administration publique des réunions de cellules politiques ou groupements à caractère politique, idéologique, religieux, ethnique ou régional ».

Bien que le texte parle des cellules et non des espaces de prière, des inquiétudes commençaient à être soulevées A partir du moment où ce n’est pas les mêmes mots, on reconnaît l’existence d’une nuance. Dans la pratique, ne peut-on pas reprocher à des gens qui se retrouvent dans un espace pour un culte de former une communauté, une cellule? 

Le temps même d’un culte ne peut-il pas être considéré comme une réunion, un regroupement  religieux? « Les espaces de prière ne sont pas concernés ou visés ici. Ces dispositions visent les partis politiques et par extension, tout ce qui peut être utilisé comme moyen de faire de la politique. La question des espaces de prière et même de la laïcité a été renvoyée à l’éventuelle loi sur les libertés religieuses.  Au terme de cette loi, il n’y a pas de menace contre les espaces de prière. C’est la vision de nous les rédacteurs, mais c’est vrai que les interprétations peuvent être tendancieuses », a reconnu un membre du comité de rédaction, qui a requis l’anonymat.

Martin SAMA

Encadré

Sur la question de la dépolitisation, de nombreuses personnes restent sceptiques, car le dernier mot reviendra toujours… au politique. Comment dépolitiser une administration qui met en œuvre un programme politique ? Se demandent-elles. Un ancien ministre de la République, critiqué sur le choix de ses collaborateurs, n’a pas hésité à clamer : « A compétences égales, on prend celui qui vous est acquis ».

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