• Sur 14 problèmes récurrents
• Recensés par l’ONG HiiL
• Les violences domestiques en hausse
« Un pays dans lequel la concentration foncière est importante et augmente chaque jour, d’une part, et d’autre part, si cette concentration est profondément illégitime et illégale, elle conduit à l’instabilité. Pas de doute, cette course effrénée à la terre par certains Burkinabè au détriment d’autres est inévitablement une bombe à retardement », avait asséné l’enseignant-chercheur en économie, Dr Seydou Ra-Sablga Ouédraogo, le 14 avril 2021 à Ouagadougou. C’était à la faveur du Forum national sur le foncier initié par la Commission épiscopale justice et paix au Burkina Faso (CJP). Une enquête réalisée par une ONG des Pays-Bas dénommée HiiL (the hague institue for innovation of law), en collaboration avec le ministère de la Justice burkinabè et le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) sur « les besoins et la satisfaction en matière de justice au Burkina Faso », rendue publique le 23 septembre 2022 à Ouagadougou, vient confirmer ce constat.
14 catégories de problèmes récurrentes
Selon cette enquête, en 2021, sur les 14 catégories de problèmes les plus récurrentes à la Justice burkinabè, les fonciers viennent en tête, soit 37%. Le litige foncier est suivi des crimes et délits, 29% (la presse nationale en fait cas à chacune de ses parutions : présentation de bandits avec leurs butins par la police et la gendarmerie) et des conflits de voisinage, 12%. En termes de chiffres, l’enquête mentionne que par an, ce sont 576.000 personnes qui font recours aux juridictions pour des différends fonciers, contre 449.000 pour crimes et délits et 193.000 impactés par les conflits de voisinage.
Autre révélation du document : les hommes (42%) sont plus nombreux que les femmes (32%) à signaler des problèmes fonciers et les Burkinabè les plus pauvres (qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins de base) sont plus susceptibles (42%) que les plus riches (34%) de connaître des problèmes fonciers.
Les personnes analphabètes sont plus susceptibles (46%) que les personnes sachant lire (28%) de connaître des problèmes fonciers. Près de 50% des habitants des zones rurales ont connu un ou plusieurs problèmes fonciers, contre seulement 17% des habitants des zones urbaines. Près de 50% des personnes âgées de 25 à 39 ans ont un ou plusieurs problèmes fonciers, contre seulement un quart du groupe le plus jeune (18-24 ans).
Les violences domestiques en hausse
Selon les enquêteurs, deux catégories de problèmes se distinguent : près de 4 Burkinabè sur 10, confrontés à des problèmes de justice, ont des problèmes fonciers ; et près d’un tiers a connu un problème lié au crime/délit. Au moins 10% des personnes connaissent des problèmes de voisinage, des problèmes d’argent, des violences domestiques ou des accidents. Ils rappellent qu’il convient de noter que la violence domestique est relativement courante, car on peut s’attendre à ce que cette catégorie de problèmes soit sous-déclarée. A ce titre, les enquêteurs notent qu’il est donc probable que la prévalence réelle de cette catégorie de problèmes soit encore supérieure à 12%. Si l’on la considère avec les problèmes familiaux, elle serait la 3e catégorie de problèmes la plus courante au Burkina Faso.
46% des problèmes complètement résolus en 2021
Les enquêteurs ont essayé de savoir quel était le taux de résolution des problèmes suscités par la Justice. Il ressort que sur 6.508 problèmes portés à la connaissance de la Justice en 2021, 32% des problèmes sont abandonnés et 15% sont en cours de résolution. Tous les problèmes n’ont pas les mêmes chances d’être résolus. Le crime/délit, deuxième catégorie de problèmes la plus courante, a le taux de résolution le plus faible (29%). Les problèmes d’argent, la corruption, les problèmes d’emploi et les problèmes liés à l’obtention de documents officiels sont également résolus dans moins de la moitié des cas. En revanche, les problèmes liés à la police et les accidents sont résolus respectivement dans 78% et 73% des cas. Pour leur part, les problèmes fonciers sont résolus dans 56% des cas.
Une synthèse de Ambèternifa Crépin SOMDA
Encadré
Méthodologie de l’enquête de HiiL
En juillet et août 2021, HiiL a parlé avec 6.064 adultes burkinabè choisis de façon aléatoire au sujet de leurs besoins en matière de justice. C’était en collaboration avec son partenaire de collecte de données, le Centre pour la gouvernance démocratique du Burkina Faso (CGD). Nous avons rendu visite aux populations dans les treize régions du pays et leur avons demandé si elles avaient été confrontées à un ou plusieurs problèmes de justice au cours des quatre dernières années, quelles mesures elles ont prises pour tenter de résoudre leurs problèmes, et comment elles ont perçu le processus de résolution ainsi que les résultats. L’enquête a été complétée par des entretiens qualitatifs avec des femmes burkinabè ayant été confrontées à des problèmes de justice et une large gamme de prestataires de justice. Ce processus a abouti à une bonne compréhension, unique et axée sur les personnes, des besoins en matière de justice dans la vie quotidienne.