Nous l’avons rencontré, à son retour de Londres. Le professionnel des ciseaux burkinabè, Sébastien Bazemo, y était pour le défilé « Pure London ». Une belle expérience, selon celui qui a porté l’étendard du pays dans l’une des capitales de la mode au monde. C’était le 29 juin, dans son atelier de Ouaga 2000. Le styliste modéliste a évoqué avec nous, son expérience londonienne. La conversation s’est vite dirigée vers la situation sécuritaire que le pays traverse et son impact sur le monde de la mode. Une interview de L’Economiste du Faso.
L’Economiste du Faso : Comment a réagi le public international, lors de votre exposition au Pure London ? Avez-vous de nouvelles offres ?
Sébastien Bazemo alias Bazem’sé (styliste modéliste): A cette semaine de la mode à Londres, nous n’avons rencontré que des acheteurs professionnels. En fait, nous avons été surpris. Il y a eu un vrai coup de cœur, vraiment. Il y avait même une femme et d’ailleurs, on a posté la vidéo, qui disait qu’elle était dans l’organisation de « Pure London » et elle disait qu’elle était là depuis l’origine de Pure London et elle trouvait qu’auparavant, les marques avaient tous la même identité. Quand elle voit le Salon, elle voit que tous se ressemblent, en fait. C’est du prêt à porter avec du tissu que tout le monde a. En fait, c’est très joli, mais on peut trouver ça dans n’imposte quelle boutique. Mais nous, ce n’était pas le cas. Personne ne peut trouver ce qu’on fait dans le monde et ça, c’était génial. Elle disait : « vous êtes pour moi le meilleur stand, dans le sens où vous êtes le seul à avoir une vraie identité ». C’est déjà ce qu’on a eu de ceux qui sont passés, ils ont adoré le ‘’koko’’, ils ont adoré les textiles qu’on fait, la couleur, le motif et ils adorent mes créations.
Et pour répondre à votre deuxième question, oui, nous avons de nouvelles offres. Nous avons été sélectionnés pour un autre Salon à Paris et au Nigeria. C’est grâce au même projet que nous avons eu les Salons de Londres et Paris.
Comptez-vous présenter cette création au Burkina Faso ?
Oui, bien sûr ! S’il y a des clients qui en veulent, il n’y a pas de problème. C’est la raison pour laquelle nous avons des catalogues au showroom. Toute collection est accompagnée d’un catalogue chez nous. Mais nous avons un problème de tissu avec la collection ‘’Azur’’.
Comment prépare-t-on une collection ?
Une collection, c’est tout un processus. Je commence mes collections par des dessins. Je dois avoir mes tissus à côté, car ils m’inspirent. Après, je suis obligé de voir le tissu qui va avec ; parce que généralement, je ne peux pas faire de dessins sans tissu. Je dois voir déjà sa qualité, sa souplesse. Je me demande est-ce que la collection que je veux faire doit aller avec un tissu fluide ou un tissu raide. Moi, je m’inspire beaucoup des tissus. C’est après avoir vu les tissus que ça me donne envie de voir le genre de modèle que je veux faire. Quand je fais un premier croquis, je passe la machine. Donc, je me mets à faire les dessins en regardant les tissus. Elle demande tellement le temps qu’on ne peut pas le faire en même temps. Il faut le faire au fur et à mesure, en fonction de son inspiration. Elle peut prendre au moins trois mois.
Comment vous êtes-vous senti quand vous avez appris que vous étiez retenu pour le festival ?
Je n’avais pas espoir déjà d’être retenu, donc cela a été une grosse surprise pour nous ; parce que ce sont de grandes marques qui y participent. Rien qu’à voir le prix d’un stand, ce n’est pas du jeu. On était extrêmement fier, heureux et un peu stressé, puisqu’il y avait quand même le challenge. Je me disais « est-ce qu’on va plaire ou pas ? » J’avais un peu peur que rien ne se passe.
Ça a été un succès en tout cas pour nous de comprendre que la marque a un énorme potentiel, qu’on doit continuer à travailler le savoir-faire local et ça, on a insisté là-dessus, on ne va pas prendre des tissus de Dubaï. Beaucoup nous ont dit que nous avions un énorme potentiel. Mais bon, nous sommes très fiers.
La crise actuelle se ressent-elle dans la mode ? Comment arrivez-vous à la gérer ?
Ça se sent beaucoup. Ici, le coup se sent plus sur le chiffre d’affaires qui est très inférieur, contrairement au début. Les touristes ne viennent plus, la diaspora non plus. J’ai souvent du mal à payer mes employés parce que ce n’est pas facile. Je pense que les gens sont prudents et à la fois, je pense à la crise sécuritaire qui inquiète. Il y a l’inflation aussi qui traine avec ses répercussions. Il y a toute cette instabilité locale qui fait qu’on a beaucoup moins de clients. C’est ce qui fait qu’il est important pour nous d’aller nous développer ailleurs. Surtout une marque aussi spéciale que celle-là, avec un aussi fort potentiel, c’est dommage de ne rester qu’ici, en fait. Cela ne veut pas dire qu’on boude le Burkina, mais on va chercher aussi à aller ailleurs, là où il y a un peu plus de facilité. On comprend les gens ici, on ne leur en veut pas du tout. Au Burkina, on ne peut plus organiser d’évènement. Même moi, j’ai le projet d’organiser la 11e édition de folie de mode qui est prévue pour le mois d’octobre, mais je tâtonne encore, j’hésite beaucoup.
Déjà, les sponsors qui disent non côté budgétaire. Du coup, on est obligé de se dire que ça ne va pas, puis que toutes les réponses sont négatives. Je pense que la crise au Burkina ne fait pas du bien à n’importe quelle entreprise, pas seulement la mode ! Je me dis que nous avons intérêt à nous mettre ensemble pour combattre ce phénomène qui nous détruit tous. En ce moment, c’est très compliqué et je suis en train d’ouvrir une filiale en Côte d’Ivoire, donc je ferai des va-et-vient entre Ouagadougou et Abidjan.
Entretien réalisé par Rahinatou KOUDA (Stagiaire)
Encadré
La collection Azur en bref
La collection « Azur » est à l’image de l’azur des cieux : aérienne, délicate, d’un bleu intense mêlé au blanc des nuages et du brun du coucher du soleil. Elle se décline pour la vie quotidienne comme pour les plus grandes occasions.
« L’inspiration Azur m’est venue quand j’étais dans l’avion, en partance pour l’Italie, malheureusement, pour un décès, et, étant dans les nuages et en voyant le bleu, blanc du ciel, je me suis mis à dessiner tous mes croquis dans l’avion et dans la foulée, on l’a cousue vite et Azur est née ».