L’Economiste du Faso: Le Burkina vient de boucler le premier semestre de son exercice fiscal 2021. Un commentaire sur les performances au niveau des recettes propres…
Lassané Kaboré, MINEFID: En dépit du contexte national difficile, marqué par la crise sanitaire et les défis sécuritaires, les régies de recettes et l’ensemble des structures du département ont développé une résilience remarquable couronnée par des indicateurs largement satisfaisants.
Au titre du premier semestre 2021, nos régies de recettes, dans leur ensemble, ont fait un travail remarquable qui s’est traduit par une mobilisation record des recettes propres.
Les recettes propres mobilisées au cours des six premiers mois de l’année 2021, par la Direction générale des Impôts (DGI), la Direction génréale des Douanes (DGD), la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique (DGTCP) s’élèvent à 938 milliards FCFA, contre un objectif assigné pour la même période qui était de 922 milliards FCFA, soit un taux semestriel de recouvrement de 102 %.
Les 938 milliards comparés à la prévision de la loi de finances rectificative 2021, qui est de 1 867 milliards FCFA,réprésentent 50,28% des recettes propres attendues au titre de l’année 2021.
Eclatés par régie, cela représente 521 milliards FCFA pour la Direction générale des Impôts (DGI), 311 milliards FCFA pour la Direction générale des Douanes et 105 milliards FCFA mobilisés par la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique.
Les taux mensuels de mobilisation des recettes, de janvier à juin 2021, varient entre 94% et 106 %. Me reférant aux recettes annuelles mobilisées ces trois dernières années, nous notons une progression annuelle globale de 13 à 16% , du niveau de recouvrement des recettes propres.
Ces performances sont dues aux réformes engagées pour une mobilisation optimale des recettes propres. Il s’agit de la généralisation des téléprocédures, la création des services fiscaux spécifiques dédiés aux mines, notamment, la brigade spéciale, le service d’assiette spécial au niveau de la Direction des grandes entreprises et un service central chargé des mines. Le renforcement de la lutte contre la fraude dans toutes ses formes, l’intensification des contrôles après dédouanement, l’assainissement du milieu des Commissionnaires en douane agréés (CDA) ainsi que la vigilance accrue des brigades ont également contribué à atteindre une telle performance.
Les regies performent, quant à la collecte, quels sont les outils mis en place pour assurer la gestion efficace et transparente des dépenses publiques ?
Notre pays travaille depuis plusieurs années à améliorer la gestion des finances publiques. A titre illustratif, on peut noter l’adoption, en 2013, de la loi n°008-2013/AN du 23 avril 2013 portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques au Burkina Faso. S’agissant des outils, le pays s’est doté d’un ensemble de logiciels informatiques qui assure la transparence de l’élaboration du budget, d’une part, et l’exécution des dépenses, d’autre part. Il en est de même pour la gestion des recettes et la gestion des carrières des agents publics. A ce titre, on peut citer:
-le Circuit informatisé de la dépense pour l’élaboration et l’exécution du budget de l’Etat;
-le Système intégré de gestion administrative et salariale du personnel de l’Etat;
-le Circuit informatisé des recettes;
-le Circuit informatisé des financements extérieurs;
– le Sytème douanier automatisé ;
– Etc.
Par ailleurs, les différents documents de gestion et les données budgétaires sont mis en ligne à travers les sites Web des structures du ministère(www.finances.gov.bf et www.dgb.gov.bf )
Concernant la gestion de la dette publique, un rapport trismestriel est élaboré et publié. Il peut être consulté sur le site web du MINEFID(www.finances.gov.bf ).
Pour une plus grande appropriation du budget de l’Etat, un budget simplifié dénommé “budget citoyen” est élaboré, mis en ligne et traduit en plusieurs langues nationales.
Les partenaires du privé se plaignent beaucoup de la lenteur dans le règlement des factures. Qu’est-ce qui est fait pour réduire les longs délais d’attente pour le règlement des factures des fournisseurs ?
Le processus d’exécution de la dépense comporte deux grandes phases: la phase administrative subdivisée en trois étapes (engagement, ordonnancement et liquidation) et la phase comptable ou l’étape du paiement.
Pour chaque phase, il existe des délais précis. Les longs délais qui sont souvent observés sont pour la plupart dus à des difficultés au niveau de la phase administrative.
Concernant la phase de paiement, le délai moyen global fixé comme norme par le référentiel des délais est de 47 jours, depuis l’engagement jusqu’au paiement. Et tout acteur du processus qui ne respecte pas les délais fixés par le référentiel est régulièrement interpellé.
Pour éviter les rejets qui allongent les délais, nous sensibilisons quotidiennement les acteurs sur la qualité des pièces justificatives à fournir pour l’obtention d’un paiement.
Dans le souci d’assurer un meilleur suivi des délais dans le processus de paiement des dossiers, il est institué dans le logiciel d’exploitation, un reçu de demande de liquidation qui est délivré au fournisseur lors du dépôt de son dossier de demande de paiement au niveau du gestionnaire de crédit. La date de délivrance de ce reçu marque le point de départ pour le calcul des délais de paiement.
Toutes ces actions permettent de respecter la norme de délai de 47 jours que l’administration s’est fixé pour régler tout dossier soumis par les fournisseurs pour paiement.
Il est de plus en plus reconnu que c’est dans la chaîne de la dépense que la corruption se manifeste le plus. Quelles sont les mesures prises par votre département pour reduire ce phénomène ?
Je voudrais tout d’abord rappeler que depuis janvier 2017, à la faveur du basculement dans le Budget programme, nous sommes dans un système d’ordonnateurs multiples, ce qui veut dire que chaque ministère et institution est responsable de la transparence dans le processus de passation des marchés publics.
Il convient également de préciser que les dépenses publiques constituent un facteur de stimulation de la croissance économique et un enjeu majeur pour les acteurs de la vie socioéconomique, au regard des intérêts financiers en jeu. C’est pourquoi le gouvernement, sous le leadership du président du Faso et du Premier ministre, a entrepris depuis quelques années, des réformes profondes en vue d’assurer la transparence dans la gestion des finances publiques, notamment, la chaîne de la dépense publique.
La loi portant prévention et répression de la corruption constitue un référentiel important sur lequel nous nous appuyons pour dissuader les pratiques de corruption. Cette loi contient des infractions spécifiques au secteur des marchés publics et au nombre de ces infractions figurent la corruption ainsi que les infractions voisines.
L’exploitation de cette loi est complétée par la loi n°039-2016/AN du 02 décembre 2016 portant règlementation générale de la commande publique. Cette loi contient un titre entier sur les infractions spécifiques à la commande publique, dont la corruption ainsi que les pratiques assimilées et les sanctions y afférentes (voir encadré : la lutte contre la corruption au MINEFID).
Mais qu’est-ce qui justifie les raisons de la lenteur dans le processus de passation des marchés publics ?
La lenteur dans le processus de passation des marchés peut être attribuée à plusieurs facteurs :
La non-maturité de certains dossiers programmés pour être lancés. Cela se manifeste par la programmation de travaux sans études techniques préalables, la programmation d’études sans termes de références ainsi que la programmation de marchés d’équipements sans spécifications techniques. Des orientations ont été données afin que ces mauvaises pratiques ne soient plus tolérées, notamment, par le rejet au stade de la programmation budgétaire des dossiers non assortis d’éléments de maturité souhaités. En outre, nous avons adopté courant 2017, un arrêté portant référentiel de délais qui opère une répartition claire des délais par acteur dans tout le processus de passation, d’exécution et règlement des marchés publics.
La faible capacité des acteurs, responsables de la passation et de l’exécution des marchés publics et qui impacte négativement la performance des structures. Avec l’ARCOP, nous réfléchissons sur des mécanismes de formations continues des acteurs et plus spécifiquement, nous réfléchissons sur un profil type des personnes en charge de la gestion des marchés publics, surtout dans les projets et programmes.
Au demeurant, les lenteurs constatées dans le processus de passation des marchés publics est moins imputable à la règlementation en vigueur qu’aux acteurs eux-mêmes en charge de la gestion desdits marchés
Les lois de finances rectificatives ne sont-elles pas l’expression d’une mauvaise planification ?
La loi de finances de l’année est un ensemble de prévisions budgétaires dont la réalisation dépend de l’évolution de l’environnement économique et social au niveau international, sous- régional et national. Les prévisions de recettes reposent sur un certain nombre d’hypothèses dont l’évolution peut conduire à une loi de finances rectificative.
Par ailleurs, des évènements majeurs (crise sécuritaire, crise sanitaire, crise humanitaire, catastrophes naturelles ou crise économique régionale ou internationale…) peuvent impacter fortement les prévisions initiales du budget et conduire à une loi de finances rectificative. Pour le cas de 2021, la loi de finances rectificative a été adoptée par l’Assemblée nationale en vue de permettre au gouvernement de faire des ajustements pour tenir compte de sa nouvelle configuration mais également de créer de l’espace pour prendre en charge certaines priorités.
En 2021, le budget a été disponible en mai / juin. Cette situation ne va-t-elle pas jouer sur l’efficacité dans la gestion des finances publiques ?
Le budget de l’Etat exercice 2021 était dejà disponible dès le mois de janvier. Cependant, la mise en place du nouveau gouvernement a necéssité une loi de finances rectificative afin de prendre en compte la nouvelle configuration du gouvernement. A cet effet, les ministères concernés par cette modification qui sont au nombre de six ont eu une partie de leur budget effectivement indisponible avant l’adoption et la mise en place de la loi de finances rectificative. Les autres ministères ont poursuivi l’exécution de leurs budgets.o
Propos recuillis pa FW
Encadré
Le point sur les delais de paiement
La situation des délais de paiement entre 2019 et 2021 au niveau central se présente comme suit :
– au 31 décembre 2019, le délai moyen global de paiement des mandats des fournisseurs était de 47 jours ;
– au 31 décembre 2020, le délai moyen global de paiement des mandats des fournisseurs était de 40 jours ;
– au 30 juin 2021, le délai moyen global de paiement des mandats des fournisseurs est de 26 jours.
De même, au niveau déconcentré, la situation desdits délais sur la même période donne les éléments suivants :
– au 31 décembre 2019, le délai moyen global de paiement des mandats des fournisseurs était de 46 jours ;
– au 31 décembre 2020, le délai moyen global de paiement des mandats des fournisseurs était de 43 jours.
– au 30 juin 2021, le délai moyen global de paiement des mandats des fournisseurs est de 30 jours.
Il ressort une amélioration des délais de paiement de 2019 au 30 juin 2021, qui sont passés de 47 à 26 jours pour le niveau central et de 46 à 30 jours pour le niveau déconcentré sur la même période et ce, malgré les crises sociale, sécuritaire et sanitaire que notre pays a connues et qui ont impacté négativement sur le niveau de mobilisation des ressources en vue de faire face aux dépenses de l’Etat et de ses démembrements.
Encadré 2
La lutte contre la corruption au MINEFID
Au sein du MINEFID, plusieurs acteurs, notamment, l’Inspection générale des finances, les Inspections techniques des Directions centrales et les Comités anti-corruption (CAC) oeuvrent pour la mise en œuvre desdites réformes en vue d’ une gestion vertueuse des finances publiques. Les actions menées sont des actions de prévention marquées par des activités de sensibilisation, d’une part, et des actions de répression faisant suite aux conclusions des missions de contrôles et d’investigations, d’autre part.
Le MINEFID dispose actuellement de dix-sept (17) Comités anti-corruption (CAC) qui sont mis en place au sein des structures centrales du département et placés sous la coordination et la supervision de l’Inspection générale des finances. Les CAC concourent principalement à l’information et à la sensibilisation des agents et des usagers sur les effets néfastes de la corruption. En outre, ils reçoivent, traitent et transmettent les dénonciations des usagers aux structures et corps de contrôle compétents.
La lutte contre la corruption est une lutte de longue haleine qui nécessite d’allier à la fois la sensibilisation et la répression. A cet égard, l’élaboration des référentiels et outils de lutte contre la corruption au sein du MINEFID, programmée cette année, contribuera à lutter éfficacement contre la corruption et les infractions assimilées.
Il sied de noter que les rapports d’audit, de contrôle ou d’investigation produits par l’IGF sont régulièrement transmis à l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) qui a en charge l’engagement des procédures et des actions en Justice le cas échéant.
A titre illustratif, de 2016 au 31 décembre 2020, les actions menées par l’IGF ont été les suivantes :
• 134 structures (EPE, Fonds nationaux, Projets et Programmes) ont été auditées ;
• 1309 marchés publics (ministères, EPE et Sociétés d’Etat) ont été audités ;
• 41 Communes ont été auditées ;
• 47 missions d’investigation ont été réalisées ;
• 68 missions conjointes ou d’appui ont été effectuées avec d’autres structures ou corps de contrôle ;
• 05 programmes budgétaires et 28 Directions opérationnelles du MINEFID ont vu leurs dispositifs de contrôle interne évalués ;
• 30 structures administratives et 17 programmes budgétaires ont été cartographiés.
En ce qui concerne particulièrement les marchés publics, les audits et contrôles de l’IGF visent à s’assurer du respect strict de la règlementation en vigueur en matière de planification, de passation et d’exécution.
La mise en place d’un numéro vert au sein de l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP) pour le cas spécifique de la corruption dans le secteur des marchés publics vise à recevoir les dénonciations anonymes concernant des faits supposés de corruption en vue des suites appropriées à y réserver.o