Dans l’édition du 9 mars 2020 de L’Economiste du Faso, nous avons publié une contribution de Me Enoch Dabiré, Avocat honoraire au débat actuel sur l’IUTS sous le titre « le débat indécent sur l’IUTS ». Malheureusement, une partie du texte a été malencontreusement effacée lors de la mise en page. Nous reprenons pour vous la partie concernée et invitons nos fidèles lecteurs à retrouver l’intégralité du texte sur notre site web : www.leconomistedufaso.bf
Avec toutes nos sincères excuses
« Des allégations inexactes sur l’IUTS
Les débats sur l’IUTS et les allégations fausses qui les émaillent ont été fort bien résumés par Sidzabda Damien Ouédraogo dans son excellent article publié sur lefaso.net du 1er mars 2020 sous le titre évocateur « Application de l’IUTS au Burkina Faso : un virage dangereux ». Je m’en voudrais de ne pas y recourir in extenso :
« Contre pareil argumentaire et cette façon de voir (position du gouvernement), les syndicats ont toujours eu bon dos de répliquer en rappel que, à l’origine, l’IUTS fut d’abord et avant tout un impôt volontaire, un effort historique, consenti par les travailleurs voltaïques dans les années 70 (1974 exactement, sauf erreur de notre part) dans le noble objectif d’aider l’Etat à se sortir à l’époque d’une très mauvaise passe budgétaire. Non content de l’avoir pérennisé puis finalement institutionnalisé, il paraît dès lors « cynique » de la part du même Etat de vouloir retourner le sacrifice patriotique de leurs devanciers contre les travailleurs publics d’aujourd’hui, en prétendant étendre l’IUTS sur les indemnités et les primes que ceux-ci perçoivent ».
Le commentaire de l’auteur de la réforme fiscale de 1970 réduit à néant l’allégation suivant laquelle l’IUTS fut d’abord et avant tout un « impôt volontaire », étant observé par ailleurs que l’impôt, de par sa nature, n’est pas volontaire mais obligatoire pour le contribuable qui entre dans son champ d’application.
L’institution de l’IUTS ou la mensualisation de l’impôt s’inscrivait dans une vision à long terme du législateur fiscal : améliorer la rentabilité des impôts. Mais l’IUTS a gardé avec l’ancien impôt cédulaire sur les traitements et salaires, un trait commun : le taux d’imposition est progressif suivant les tranches de revenus versés au salarié.
L’IUTS ne saurait être confondu, sans abus de langage, avec la contribution patriotique ponctuelle de 1967. A cet égard, le ministre des Finances et du Commerce de l’époque, Marc Tiémoko Garango, écrit : « L’idée de base était d’avoir recours au sens patriotique de chaque citoyen, devant les graves difficultés que connaissait le pays, en lui demandant d’abord de donner une partie de son revenu afin de sauvegarder l’honneur et la dignité de la Haute Volta. Il était demandé à chaque salarié l’abandon d’un demi mois de salaire, à tout entrepreneur et commerçant de donner la moitié de sa patente, au reste de la population de verser cent (100) FCFA pour les habitants de la campagne, et deux cent (200) FCFA pour la population urbaine. …Cette souscription volontaire a atteint 464 millions dont les 4/5 ont servi au règlement des créances et 1/5 au financement d’opération d’intérêt commun (dont la construction d’un lycée de jeunes filles » (ibidem p. 62 et 63). La contribution patriotique n’est pas assimilable à un impôt ; elle résultait du geste volontaire du citoyen répondant à l’appel de la nation ; elle n’était pas du reste suspensive des impôts alors en vigueur à la charge des différents contribuables.
La contribution patriotique de 1967 était donc l’œuvre collective de toute la nation rassemblée devant une situation ponctuelle grave et non la part exclusive des salariés de la Fonction publique.
Il est donc à se demander pourquoi, face à l’urgence de la crise humanitaire sans précédent dans notre histoire commune, des travailleurs refusent de répondre à l’appel pour l’union sacrée de toutes les forces vives de la nation en vue de répondre à un devoir historique de solidarité. Il est aussi à se demander pourquoi face à une situation plus grave que celle qui a motivé l’appel à la contribution patriotique de 1967, des travailleurs préfèrent regarder à leur poche et, pire, tirent sur l’ambulance de l’Etat dont le pronostic vital est incertain.
Il est pour le moins étonnant que notre administration fiscale, gardienne de notre mémoire collective en matière de prélèvement fiscal, soit subitement devenue presqu’inaudible, elle qui n’est pourtant pas sans savoir que l’administration publique était depuis longtemps dans l’illégalité, peu regardante qu’elle est sur la retenue à la source de l’IUTS dû par les agents publics ; alors que les employeurs du secteur privé ou assimilé sont mémoratifs des redressements et pénalités dont ils sont souvent la cible en cas d’erreurs ou d’omissions (fussent-elles de bonne foi) dans la détermination de l’assiette de l’IUTS.
Il est clair que depuis son institution en septembre 1970, l’IUTS s’applique aux primes, indemnités et avantages de toute nature, versés aux agents publics dans le cadre de leur traitement salarial ; le nier c’est réécrire la loi à la tête du contribuable, c’est commettre un grave tort à la solidarité nationale, c’est dénier à l’Etat le droit régalien à l’impôt afin de pourvoir aux charges publiques. »
Me Enoch Dabiré