L’or est, depuis 2009, le premier produit d’exportation du Burkina Faso, avec 12 mines d’or et une de zinc. La contribution directe au budget de l’Etat est significative. A titre d’exemple, l’or a rapporté au budget de l’Etat en 2018, la somme de 266 milliards FCFA.
Après plus de dix ans d’exploitation minière industrielle, quel est l’état du secteur minier ? Quelle est la vitalité du secteur minier ? Quel peut être son apport pour faciliter le développement d’une industrie locale au Burkina Faso ? Autant de préoccupations auxquelles a bien voulu répondre le Directeur exécutif de la Chambre des mines du Burkina (CMB), Toussaint Bamouni. Lisez plutôt !
L’Economiste du Faso : Comment se porte le secteur minier du Burkina Faso de nos jours ?
Toussaint Bamouni, Directeur exécutif de la Chambre des mines du Burkina (CMB): Le secteur minier burkinabè se porte bien, il est connu comme l’un des plus dynamiques en Afrique. En une décennie, le secteur a permis la création d’environ 13 mines (12 mines d’or et une mine de zinc). Il a également permis la création de plus de 10.000 emplois décents et plusieurs autres dizaines de milliers d’emplois indirects créés par les sous-traitants.
Concernant la production industrielle, on note qu’elle est en perpétuelle augmentation. En 2018, les 12 mines d’or ont réalisé une production de plus de 52 tonnes d’or et la seule mine de Zinc de Perkoa a produit 165.000 tonnes de concentré de zinc.
L’industrie minière a réalisé un chiffre d’affaires de 1.540 milliards FCFA en 2018 et sa contribution à la formation du PIB a été de 10,6%, ce qui est appréciable.
Au titre des collectivités territoriales, elles ont engrangé plus de 2 milliards FCFA en 2018, et bientôt, elles recevront une nouvelle contribution, celle du Fonds minier de développement local d’un montant cumulé de 11.760.841 606 FCFA pour les années 2017 et 2018 et qui a déjà fait l’objet de répartition entre les Communes minières, les régions minières et toutes les autres Communes et régions du pays.
Le pays fait face à la question sécuritaire. Comment les sociétés minières s’adaptent-elles à cette situation?
La question sécuritaire est très préoccupante pour le secteur minier mais aussi pour l’ensemble du pays. Les sociétés minières ont manifesté, à plusieurs reprises, leur inquiétude face à l’insécurité grandissante auprès des pouvoirs publics. A cette inquiétude, le gouvernement a confirmé l’existence d’un plan global de sécurisation du pays en cours de rédaction et qui prendrait en compte la spécificité du secteur minier.
Mais en attendant la mise en œuvre de ce plan, les sociétés minières renforcent leur propre sécurité pour exploiter les mines dans un environnement sécurisé, toute chose qui a créé une hausse des coûts liée à la sécurité.
Il y a également qu’elles ont des soucis à faire venir des expatriés ou des entreprises étrangères pour des travaux spécialisés, car les assurances dans ce domaine connaissent aussi une hausse sensible. Le secteur minier connaît donc une hausse de ses coûts d’exploitation du fait de l’insécurité et une inquiétude face à la situation.
Au niveau de l’exploration minière, c’est encore plus difficile, parce qu’il s’agit de grands espaces qui sont difficiles à sécuriser, toutes choses qui ralentissent les activités de recherche minière, si elles ne sont pas à l’arrêt.
L’exploration minière travaille pour l’avenir de l’industrie minière, car c’est la découverte de nouveaux gisements qui va pérenniser l’exploitation minière dans notre pays. Aujourd’hui, nous assistons à la délocalisation de certaines activités d’exploration minière dans les pays voisins, et il faut travailler rapidement à redonner confiance aux acteurs du secteur minier.
Comment la Chambre des mines se finance-t-elle ?
Elle se finance à travers les droits d’adhésion et les cotisations annuelles de ses membres.
Rencontre-t-elle des difficultés ?
Au regard de ses ambitions qui sont de faire mieux connaître le secteur minier, secteur nouveau et émergent, et de faire de la Chambre des mines une référence dans le paysage institutionnel du Burkina Faso, il faudrait plus de ressources que celles citées plus haut, et des contributions complémentaires des membres pour le financement de certaines activités sont souvent requises.
Le thème de la SAMAO 2019 porte sur «Exploitation des ressources minérales et opportunités d’industrialisation de l’Afrique». Que font les mines du Burkina Faso dans le domaine de l’industrialisation du pays?
Les mines du Burkina Faso, de par leurs activités, induisent la création d’entreprises locales de fourniture de biens et services. Si en 2012, 3% des commandes des mines étaient captés par les entreprises locales, ce chiffre est passé à 14% en 2017, selon une étude sur la fourniture locale des biens et services, démontrant ainsi l’impact des mines sur l’économie burkinabè et le renforcement des capacités des acteurs des PME et des PMI de ce secteur.
A terme, il s’agira, pour le secteur minier, d’offrir des opportunités pour la transformation des produits miniers sur place comme les raffineries de métaux précieux ou des industries métallurgiques pour les métaux de base.
Présentez à nos lecteurs, des cas concrets de secteur industriel que le secteur minier a contribué à créer ou à développer ? Les PME et PMI et les domaines d’intervention.
On peut citer, entre autres :
les sociétés de transport du personnel entre les sites miniers et la capitale Ouagadougou et vice versa;
le BTP et la location d’engins lourds;
les produits alimentaires ;
les sociétés de sécurité ;
le transport de concentré de zinc de la mine de Perkoa au Port d’Abidjan ;
le transport du minerai à l’intérieur des sites d’exploitation.
Ce sont là des PME qui ont été créées localement pour satisfaire aux besoins des mines. Et à l’international, on observe aussi que les multinationales ont créé des filiales dans le pays pour fournir des biens et des services aux mines.
Je pense aux unités industrielles de fabrication et de distribution d’explosifs pour l’exploitation des mines et des carrières. Ces PME et PMI sont immatriculées au Burkina Faso et leur création a été suscitée par l’existence des mines.
Avez-vous des propositions à faire au gouvernement pour faciliter le développement d’une industrie locale à travers le secteur minier ?
Nous avons des propositions et ces propositions partent d’une étude qui a été faite en 2017. Cette étude a démontré que sur l’ensemble des commandes faites par les sociétés minières pour leur fonctionnement, 14% ont été captées par des entreprises locales. C’est un taux important mais pas suffisant.
Nous pensons que pour accroître ce taux, il va falloir accompagner ces entreprises. Et pour ce faire, l’Etat devra mettre en place un cadre de promotion de l’achat local soutenu par une fiscalité attrayante. Concrètement, il s’agira de :
renforcer l’accompagnement des entreprises locales par les Chambres consulaires régionales, notamment, à travers des formations et un système d’incubateur ;
prendre des mesures fiscales incitatives pour favoriser l’achat local ;
établir une vision et une politique pour l’intégration progressive du secteur minier dans l’économie nationale ;
l’Etat pourrait apporter des garanties bancaires pour faciliter l’accès au crédit des PME et PMI locales, car le manque de financement, même avec des contrats avec les sociétés minières, constitue un obstacle majeur au développement de ces entreprises.
Quelle sera la participation de la Chambre des mines du Burkina à la SAMAO 2019 ?
La SAMAO est organisée par trois entités que sont: le ministère des Mines, la Chambre des mines du Burkina et l’Association des Carriers du Burkina. Nous sommes donc partie prenante de l’organisation. En plus de cela, la CMB animera un stand durant les trois jours pour donner plus de visibilité à notre institution.
Les sociétés minières feront également des communications sur des thèmes en lien avec le thème général de la SAMAO, en vue de contribuer à la promotion du secteur minier. Enfin, en marge de la SAMAO, la Chambre des mines du Burkina organise, en partenariat avec le Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST), un colloque régional important sur «le traitement des résidus du charbon actif dans l’industrie minière». Des experts nationaux et régionaux vont expliquer, techniquement, le procédé d’utilisation du charbon actif dans l’extraction de l’or et le traitement de ses résidus.
Avez-vous un dernier mot ?
Je voudrais vous remercier ainsi que votre Journal pour l’intérêt que vous portez à notre institution et l’opportunité que vous nous donnez de parler de l’industrie minière.
Les perspectives pour ce secteur nouveau et émergent sont encourageantes à plus d’un titre :
– Au niveau de l’exploitation, trois mines d’or sont actuellement en construction et contribueront à accroître la production en 2019 et en 2020; il s’agit de la mine de Wahgnion Gold dans la province de la Léraba, région des Cascades, qui sera mise en production en fin 2019, et de deux mines dans la province du Ganzourgou, région du Plateau central, que sont Sanbrado et Bomboré dont le début de production est prévu pour 2020. Cela veut dire que les recettes de l’Etat vont augmenter ainsi que l’impact des mines sur l’économie du pays. Plusieurs projets avancés existent et pourront donner bientôt lieu à d’autres mines en construction.
Au niveau des communautés, la mise en œuvre du Fonds minier de développement local permettra aux collectivités de financer des projets structurants à même d’améliorer les conditions de vie des populations.
Enfin, la Chambre des mines du Burkina va poursuivre le dialogue avec le gouvernement et fera des propositions pour promouvoir la compétitivité de l’industrie minière burkinabè, et cela passe aussi par une résolution des points de préoccupations du secteur.
Propos recueillis par Ambèternifa Crépin SOMDA