L’année 2018 qui s’est achevée a aggravé le désordre mondial tant sur le plan politique, économique que social.
Sur le plan politique, un phénomène à prendre sérieusement en compte, la montée en puissance du populisme. Alors que dans les années 2000, les partis populistes représentaient en moyenne 5% des voix aux élections nationales en Europe, ils en réunissent à présent plus de 25% et constituent souvent la force politique principale. Il en est de même aux Etats-Unis, avec l’élection à la présidence de Donald Trump, ainsi qu’au Brésil, avec celle de Jair Bolsonaro.
Les dirigeants populistes ne se contentent pas de discours, mais prennent des mesures concrètes. A titre d’illustration, Donald Trump mettant en œuvre son slogan électoral «America first» a retiré les Etats-Unis de l’Accord de partenariat pacifique (TPP), a stoppé les négociations transatlantiques, et exigé la renégociation de l’Alena: Accord de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Il n’a cessé de s’attaquer à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et à l’Organisation de l’Atlantique Nord (OTAN) en reprochant aux partenaires de ne pas contribuer suffisamment au budget de cette institution militaire. Il a retiré les Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le changement climatique, ainsi que de l’Accord du nucléaire iranien en imposant de nouvelles sanctions à l’Iran.
Dès son élection, il s’est opposé à l’immigration aux Etats-Unis en projetant de construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique. Devant l’opposition des démocrates, il n’a pas hésité à provoquer un «Shutdown», paralysant les administrations fédérales. Mais la mesure la plus dangereuse pour la croissance mondiale a été le déclenchement par le président américain, d’une guerre commerciale vis-à-vis de la Chine, mais aussi de ses partenaires asiatiques et européens.
Au Moyen-Orient, Trump a apporté un soutien inconditionnel à Israël, en transférant notamment, l’Ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, et en coupant toute aide financière aux Palestiniens. Il a également pris parti pour l’Arabie saoudite malgré l’horrible assassinat par les Saoudiens du journaliste Jamal Khashoggi à Istanbul, en contrepartie de la vente d’armes américaines et de la baisse du prix du pétrole. Malgré son rapprochement avec le dictateur nord-coréen Kim Jong-un, Donald Trump n’a pas obtenu la dénucléarisation de la péninsule coréenne. On peut classer dans la même catégorie des dirigeants nationalistes, les présidents russe, turc et iranien.
Poutine, après avoir envahi la Crimée qui appartient juridiquement à l’Ukraine, s’est impliqué militairement en Syrie pour amplifier l’influence russe au Moyen-Orient. Erdogan s’est également impliqué militairement en Syrie pour empêcher la création d’une entité kurde. Quant à Rohani, après avoir renforcé l’emprise de l’Iran sur l’Irak, il tente également de le faire en Syrie. Les autres points chauds de l’année 2019 concernent l’Union européenne où un sentiment anti-européen se développe dans la plupart des pays membres. Des craintes se manifestent face à la possible élection des partis d’extrême-droite lors des prochaines élections européennes de mai prochain. Ceci d’autant plus que le Président Macron, principal leader pro-européen, est très affaibli par le mouvement social des «Gilets jaunes» qui se sévit en France depuis plusieurs mois.
Aucun accord n’a été encore conclu sur le Brexit, sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, et les perspectives ne sont pas très prometteuses. Le Moyen-Orient vit une situation explosive avec les guerres civiles en Syrie et au Yémen et l’impasse concernant le problème palestinien.En Afrique, la situation instable continue en Libye, tandis que plusieurs pays africains souffrent d’un fort endettement public, le système démocratique peine à s’affirmer du fait de la tenue d’élections souvent chaotiques, comme cela s’est passé récemment dans la République démocratique du Congo. Enfin, le terrorisme jihadiste, malgré la défaite de l’Etat islamique, continue à frapper dans plusieurs pays.
C’est donc un tableau sombre des relations internationales en ce début 2019. Le monde va mal et les problèmes sont très nombreux et profonds. Il faudra les affronter et militer pour un nouvel ordre mondial basé sur la liberté, la démocratie, la solidarité et le vivre ensemble.
L’Economiste | Edition N°:5439
D’un monde bipolaire à l’éclatement du centre de décisions
Le monde, après la Seconde Guerre mondiale, était bipolaire, partagé entre l’influence américaine et soviétique, deux grandes puissances idéologiquement opposées, jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement de l’URSS en 1991. A partir de cette date, les Etats-Unis s’élèvent au rang d’hyperpuissance, ne subissant aucune opposition marquante. Ils apparaissent ainsi comme une puissance globale, à la fois militaire, économique et financière, technologique (conquête spatiale, innovation informatique) et culturelle.
Le début du XXIe siècle a vu la montée des pays émergents, dont le Brésil, la Russie, l’Inde et surtout la Chine devenue la seconde puissance mondiale. Le monde devient ainsi multipolaire, et le centre des décisions s’est éparpillé dans plusieurs directions. C’en est fini de l’Etat-providence qui a accompagné la croissance économique de l’après-guerre.
La crise financière et cette montée de puissances économiques émergentes qui les concurrencent affaiblissent aussi leur puissance dans la mondialisation. Le choc du 11 septembre 2001 entraîne un changement brutal de position diplomatique: se considérant en guerre, les Etats-Unis affirment le droit de défendre unilatéralement leurs intérêts, y compris contre l’opinion internationale, et de frapper préventivement leurs ennemis. Cette réaction brutale se produit au moment même où les fondements de leur puissance sont remis en cause: l’anti-américanisme se développe.
De son côté, l’Organisation des Nations unies, censée représenter la gouvernance mondiale, a perdu beaucoup de son efficacité à la suite de nombreux désaccords au niveau du Conseil de sécurité.