En 2018, la fortune des 26 personnes les plus riches a augmenté de 12 % par jour, soit l’équivalent de 2,5 milliards de dollars (environ 1.300 milliards FCFA) jour, tandis que les 3,8 milliards de personnes qui composent la moitié la plus pauvre de l’humanité ont vu leur richesse diminuer de 11 %. C’est ce qui ressort d’un rapport publié par l’ONG Oxfam le 21 janvier 2019 sur les inégalités dans le monde.
Ces données montrent à quel point, le fossé se creuse entre riches et pauvres. Une situation qui limite la lutte contre la pauvreté, puisque près de la moitié des richesses mondiales se trouve dans les mains de 1 % des personnes les plus riches au monde et que 99 % de la population mondiale se partagent l’autre moitié. Une réalité qui révèle la faiblesse des financements par les gouvernements des services publics tels que la santé et l’éducation, ce qui constitue un risque majeur pour les progrès humains. Pendant ce temps, ces mêmes gouvernements refusent d’imposer à leur juste valeur, les grandes entreprises et les personnes riches, tout en évitant de lutter contre l’évasion fiscale.
Dans cette situation, les femmes et les filles sont les plus durement touchées par la hausse des inégalités économiques. Ce qui fait dire à Winnie Byanyima, Directrice générale d’Oxfam International que: «Alors que les grandes entreprises et les super-riches sont relativement peu imposés, des millions de filles se voient refuser une éducation correcte et des femmes meurent par manque de soins obstétriques». Le rapport révèle que le nombre de milliardaires a presque doublé depuis la crise financière, avec un nouveau milliardaire tous les 02 jours entre 2017 et 2018.
Il faut alors imposer les plus riches. Si 1% des plus riches payaient seulement 0,5 % d’impôt en plus sur leur fortune, cela permettrait d’assurer l’éducation de 262 millions d’enfants déscolarisés et de fournir des soins médicaux à 7 millions de personnes. Plusieurs pays ont réduit, voire supprimé l’impôt sur la fortune qui pouvait financer les secteurs sociaux de base. On note une baisse spectaculaire des taux d’imposition des individus fortunés et des grandes entreprises. Le taux maximum de l’impôt sur le revenu des particuliers dans les pays riches est passé de 62 % en 1970 à seulement 38 % en 2013. Le taux moyen dans les pays pauvres est de seulement 28 %.
Dans certains pays, comme le Brésil, les 10 % les plus pauvres de la société s’acquittent aujourd’hui d’une imposition sur le revenu. Ce taux est proportionnellement plus élevé que les 10 % des plus aisés. C’est pour cette raison que dans les recettes fiscales des pays, la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) représente 39% alors qu’elle est un impôt sur la consommation, donc supporté par les plus pauvres. Pendant ce temps, seulement 4% des recettes fiscales sont alimentées par l’impôt sur les revenus. Dans de nombreux pays, l’accès à l’éducation ou aux soins médicaux de qualité est devenu un luxe auquel seuls les riches peuvent prétendre. Tous les jours, 10.000 personnes meurent par manque d’accès à des soins médicaux. Dans les pays en développement, un enfant issu d’une famille pauvre est 2 fois plus susceptible de mourir avant l’âge de 5 ans qu’un enfant né dans une famille riche. Dans des pays comme le Kenya, la scolarité d’un enfant d’une famille riche sera deux fois plus longue que celle d’un enfant d’une famille pauvre.
«Un sentiment de colère et d’injustice s’exprime parmi la population partout dans le monde. Les gouvernements doivent maintenant mettre en œuvre des changements réels, en veillant à ce que les individus fortunés et les grandes entreprises payent leur juste part d’impôt et en investissant cet argent dans des services de santé et d’éducation gratuits qui répondent aux besoins de tous, y compris ceux des femmes et des filles qui sont si souvent négligées. Les gouvernements ont les moyens de bâtir un avenir meilleur pour tous, pas seulement pour une minorité de privilégiés», a conclu Winnie Byanyima, Directrice générale d’Oxfam International.
Le rapport a été publié le 21 janvier 2019, au moment même où se réunissaient les dirigeants politiques et économiques à l’occasion du Forum économique mondial de Davos, en Suisse.
Elie KABORE
Les hommes détiennent 50 % de richesses et 86 % des entreprises
La réduction des impôts sur la fortune profite principalement aux hommes qui possèdent 50 % de richesses en plus que les femmes dans le monde, et contrôlent plus de 86 % des entreprises.
À l’inverse, lorsque les services sociaux de base ne sont pas bien financés, ce sont les femmes et les jeunes filles pauvres qui en souffrent le plus. Les filles sont les premières à être déscolarisées lorsque l’argent manque pour payer les frais de scolarité et les femmes consacrent davantage d’heures de travail non rémunéré à s’occuper de parents malades lorsque les systèmes de santé sont défaillants.
Oxfam estime que si toutes les activités d’assistance et de soins non rémunérées effectuées par les femmes à travers le monde étaient assurées par une seule et même entreprise, son chiffre d’affaires annuel s’élèverait à 10.000 milliards de dollars, soit 43 fois celui d’Apple, la plus grande entreprise au monde.