L’année 2018 a été éprouvante pour les régies de recettes dans le recouvrement des recettes. Pour en savoir plus sur les mesures prises pour permettre un recouvrement optimal des recettes intérieures, L’Economiste du Faso a rencontré Adama Badolo, Directeur général des impôts (DGI). Il aborde en même temps les importantes innovations fiscales contenues dans la loi de finances 2019 et le bilan de la mise en œuvre du Code général des impôts, un an après son adoption.
L’Economiste du Faso: L’année 2018 a mal commencé avec les grèves. Quel dispositif a été mis en place pour ne pas bloquer le recouvrement ?
Adama Badolo : Conformément aux instructions du gouvernement, nous avons pris des dispositions pour assurer le service minimum, notamment encaisser les paiements et assurer les services aux contribuables. Nous avons ainsi réquisitionné des agents et procédé à un redéploiement temporaire de personnel en vue de renforcer les services de recettes des Unités de recouvrement (UR) à fort potentiel à savoir la Direction des grandes entreprises (DGE) et les Directions des moyennes entreprises (DME). Les nouveaux agents sortis de l’Ecole nationale des régies financières (ENAREF) ont été mis à contribution et affectés prioritairement dans ces grandes unités. Ces derniers ont été également réquisitionnés pour la première phase de l’opération de recouvrement des Restes à recouvrer.
Mais il faut noter que la DGI a souffert de ces grèves. En effet, c’était un prétexte pour plusieurs contribuables de ne pas payer leurs impôts. Le travail de terrain pourtant indispensable ne pouvait pas se faire pendant cette période.
Les prévisions de la DGI ont baissé dans la loi de finances rectificative 2018. Quelles en sont les raisons ?
Il faut rappeler que les objectifs initiaux de recouvrement pour l’année étaient de 918 milliards de F CFA contre des réalisations de 673 milliards de F CFA en 2017. Ce qui correspondait à une augmentation de 36,4% en un an, soit plus de 245 milliards. Manifestement, nos objectifs étaient trop ambitieux. Par ailleurs, il y a eu les grèves au cours du premier semestre et le contexte sécuritaire qui ont eu des impacts négatifs sur la mobilisation des ressources intérieures.
C’est donc pour toutes ces raisons que le gouvernement a décidé d’un ajustement à la baisse pour un budget plus réaliste. Ainsi, les objectifs révisés de la DGI sont de 747 milliards de FCFA, soit une augmentation de 11% par rapport à 2017 qui correspond à 74 milliards en valeur absolue.
Compte tenu du contexte déjà décrit, ce sera un résultat satisfaisant si nous atteignons cet objectif.
Nous sommes déjà à plus de 700 milliards de FCFA à la mi-décembre 2018. On devrait donc pouvoir atteindre ces prévisions révisées.
Avec cette révision à la baisse de vos ambitions en 2018, quelles sont vos prévisions de recettes pour 2019 ? Seront-elles réalistes ?
Dans le projet de loi de finances 2019 en cours d’adoption par l’Assemblée nationale, les prévisions de recettes assignées à la DGI sont de 859 milliards de F CFA. Soit un accroissement de 15% par rapport aux prévisions contenues dans la loi de finances rectificative de 2018.
Nous pensons que ces prévisions sont réalistes dans la mesure où elles sont déterminées en prenant en compte les capacités réelles de l’administration fiscale. Elles sont cohérentes avec les objectifs de recouvrement du plan stratégique 2017-2021 de la DGI. Nous pensons également qu’à partir de 2019, nous allons constater l’impact des reformes réalisées en 2017 et en 2018, notamment la facture normalisée, le Code général des impôts, les télé-déclarations et télé-paiements, la réforme de l’Identifiant fiscal unique (IFU), les recoupements automatisés des informations, etc.
Nous comptons ouvrir également une 3e direction des moyennes entreprises à Ouagadougou en vue de consolider davantage la gestion des contribuables par segment.
A propos du Code général des impôts, quel bilan peut-on faire de sa mise en œuvre un an après son adoption ?
Aujourd’hui, nous disposons d’un Code général des impôts exhaustif qui englobe toutes les dispositions fiscales jadis éparpillées dans l’ordre juridique burkinabè et rédigé dans un style qui facilite la compréhension.
En tout cas, nous pensons que nous disposons d’une fiscalité plus simple et plus cohérente dans l’articulation des règles, efficace dans la mobilisation des recettes.
Pour ce qui est de la rentabilité économique, on la mesurera en 2019 à partir des résultats des états financiers de l’exercice 2018.
Mais d’ores et déjà, nous comptons avoir des retombées positives du fait que dans le Code, il a été introduit différentes mesures pour une meilleure protection de la base taxable contre l’évasion fiscale et pour l’amélioration du rendement de certaines taxes.
On peut citer entre autres, les mesures de renforcement des conditions générales de déductibilité des charges, de plafonnement plus strict de certaines dépenses déductibles et d’élargissement du champ d’application de la taxe sur les boissons, de la taxe sur les tabacs, etc.
Dans le cadre de la mise en œuvre des procédures de recouvrement, la DGI a dû fermer des entreprises. N’y a-t-il pas vraiment d’autres solutions, vu le marasme économique actuel?
Il faut le dire, les actions de recouvrement forcé notamment les fermetures d’entreprises n’interviennent que lorsque toutes les voies amiables ont été épuisées et sont restées sans suite.
A la DGI, nous avons toujours privilégié le dialogue car nous avons conscience que nos relations avec les contribuables doivent être bâties autour d’un partenariat. Les contribuables sont nos amis. Ainsi, les contribuables reliquataires qui éprouvent des difficultés pour honorer l’intégralité de leur dette fiscale ont la possibilité de prendre des engagements auprès du receveur des impôts compétent en vue d’un règlement échelonné de la dette.
Il faut rappeler également la responsabilité personnelle et pécuniaire du receveur des impôts qui doit, à la fin de chaque année, faire la preuve qu’il a mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour recouvrer les impayés fiscaux.
C’est aussi pour cela qu’à leur corps défendant, les receveurs des impôts sont obligés de procéder parfois à des fermetures.
Pour éviter les fermetures, les contribuables doivent payer à bonne date leurs impôts. S’ils ont des difficultés de trésorerie, ils doivent approcher les receveurs des impôts pour convenir de plans de règlement.
Propos recueillis par Elie KABORE et Abdoulaye TAO
Le prélèvement à la source de la taxe de résidence va se poursuivre
«Oui, nous allons le poursuivre. Il faut rappeler que la retenue à la source a concerné la taxe de résidence de 2017, restée impayée jusqu’en fin novembre 2018. Je suis choqué quand j’entends des gens critiquer la légalité de la procédure, sans que ces mêmes personnes s’offusquent que sur 200.000 fonctionnaires, seulement 10.000 aient payé leur taxe de résidence.
On ne peut pas fermer les entreprises privées quand elles ne payent pas leurs impôts, exiger des employeurs du privé qu’ils retiennent les impôts de leurs employés lorsque ceux-ci ne payent pas, et laisser les fonctionnaires tranquillement payer quand ils veulent. Ce n’est pas juste.
A tous ceux qui nous critiquent sur cette opération, je réponds que l’impôt n’est pas une cotisation volontaire dont la quotité à payer et la date de paiement sont laissées à la discrétion des contribuables. L’impôt est bien obligatoire et il y a des dates limite de paiement. A défaut, nous avons la responsabilité de contraindre les contribuables inciviques par toutes les voies de droit. Et les fonctionnaires qui n’avaient pas payé leur taxe de résidence de 2017 sont des contribuables inciviques.
Nous avons pris des dispositions pour éviter des erreurs, malgré tout, on a signalé des cas de double paiement. Ce sont des cas résiduels et cela a pu arriver parce que les premiers paiements ne mentionnaient pas les numéros matricules. Or, ce sont les numéros matricules qui ont été utilisés pour croiser les fichiers de la solde avec ceux de la DGI. Il y a également le cas des femmes mariées chez lesquelles on a opéré des retenues alors que leurs maris ont déjà payé. On ne pouvait pas savoir qu’elles sont mariées précisément à tel ou tel fonctionnaire. Celles qui sont expressément exonérées dans nos fichiers parce que leurs conjoints sont imposés n’ont pas subi de retenue.
Dans tous les cas, l’administration se donne les moyens de résoudre tous les cas d’erreur constatés. Les contribuables doivent aller dans leurs centres des impôts pour poser leur problème. Ceux qui vivent en zones non aménagées seront remboursés puisqu’ils sont exonérés de la taxe. Mais ceux qui ont payé doublement ou dont les conjoints ont payé alors qu’ils sont à jour, seront reportés en 2018 ou en 2019», a affirmé le patron de la DGI.