Le sit-in est-il, oui ou non, légal ? Le gouvernement, suivant l’avis du Conseil d’Etat, déclare que oui ; mais telle n’est pas l’opinion de Bassolma Bazié, secrétaire général de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B). Explications !
«L’ambition de manipulation des esprits, fondée sur l’analphabétisme de la grande masse, est un crime».
Premièrement, quand le gouvernement viole les conventions internationales
L’Organisation internationale du travail (OIT) a été créée en 1919 sur le fondement essentiel que la justice sociale est l’unique solution à la paix pour un développement durable. Elle a adopté la convention N°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, le 17 juin 1948. Cette convention N°87 fait partie des huit (8) conventions fondamentales de l’OIT. Elle est une norme supranationale (et donc s’impose à la Constitution de tout pays qui la ratifie). Le Burkina Faso (ex-Haute-Volta) a adhéré à l’OIT le 21 novembre 1960 et a ratifié, le même jour, cette convention N°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 17 juin 1948.
Sur la base de cette convention 87, le comité de la liberté syndicale (depuis 1952) et la commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (depuis 1959) ont disposé d’un «recueil de décisions et de principes» portant sur la liberté syndicale. On peut y lire :
– «Les piquets de grèves organisés dans le respect de la loi ne doivent pas voir leur action entravée par les autorités publiques» (P 136 ; Paragraphe N°648).
– «L’interdiction des piquets de grève ne se justifierait que si la grève perdait son caractère pacifique» (P 136 ; Paragraphe 649).
– «L’emploi de la police pour briser une grève constitue une atteinte aux droits syndicaux» (P 135 ; Paragraphe 643).
Et, pour terminer, l’interdiction du piquet de grève au sein du lieu de travail est fondée sur l’unique condition du constat par un service assermenté de faits de violence entre travailleurs, d’une part, ou sur le matériel de service, d’autre part.
Remarques : en prenant le cas de la coordination des syndicats du MINEFID
– Le piquet de grève, lors de la grève des 4 et 5 avril 2018, a été installé dans le cadre d’un processus respecté, sur la base d’un préavis de grève adressé au président du Faso.
– Aucun cas de violence de faits n’a été exhibé par les autorités.
– L’intervention de la police a empêché les travailleurs d’avoir accès à leur lieu de piquet et leur matériel a été confisqué.
Ainsi, entre le gouvernement et les travailleurs, qui ne se conforme pas aux règles basiques d’un Etat de droit ?
Deuxièmement, les propos du genre «le sit-in est illégal au Burkina Faso» sont une ambition de manipulation de l’opinion, mais aussi l’usage d’un mode de gouvernance fondé sur l’exploitation de l’ignorance
Dans la résolution de 1957 de l’OIT concernant l’abrogation des lois dirigées contre les organisations de travailleurs, en effet, la Conférence internationale du travail (CIT) a demandé aux pays d’adopter, s’ils ne l’ont pas encore fait, «des lois assurant l’exercice effectif et sans restriction des droits syndicaux par les travailleurs, y compris le droit de grève» (P 813) (BIT, 1957).
La convention N°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 17 juin 1948, ratifiée par le Burkina Faso le 21 novembre 1960, affirme le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs -auxquels elle reconnait pour but «de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs…» (Art 10) -«d’organiser leur gestion et leurs activités, et de formuler leur programme d’actions» (Art.3.1) (BIT, 1996 b, P 14 et 15).
Il faut entendre par activités des organisations syndicales : «Les actions de revendications, de sit-in, de réunions publiques, etc. (P 110 ; Paragraphe 508-519).
Donc, sur la base du respect strict du principe, par tout dirigeant, des droits des organisations d’exercer librement leurs activités et de formuler leur programme d’actions, il a été retenu ce qui suit :
«En menaçant de mesures de rétorsion les travailleurs qui avaient alors uniquement exprimé leurs intentions de participer à un sit-in afin de défendre leurs intérêts économiques et sociaux légitimes, l’employeur commettrait une ingérence dans le droit fondamental qu’ont les travailleurs d’organiser leur gestion et leurs activités, et de formuler leur programme d’actions, contrairement à l’article 3 de la convention 87».
Remarques
1. Le Burkina Faso ayant ratifié la convention N°87, norme supranationale (elle s’impose à la Constitution du 2 juin 1991), le sit-in, reconnu comme une activité des organisations syndicales (P 110 ; Paragraphe 508-519), est bel et bien légal au Burkina Faso.
2. La durée du sit-in, dans les faits, tel que pratiquée actuellement dans notre pays, est aussi insidieusement voulue par le gouvernement. En effet, l’arrêté portant coupure pour faits de grève et réglementant la durée du sit-in, de même que celui instituant les frais de transport en cas d’affectation pour nécessité de service, ont tous été relus et conclus par le gouvernement et l’UAS depuis février 2016. Le gouvernement a été maintes fois interpellé sur l’impérieuse nécessité de signer ces arrêtés, mais en vain. La dernière interpellation date du 9 juin 2017, à l’Ambassade du Burkina Faso à Genève, à l’endroit de l’ex-ministre de la Fonction publique, du Travail et de la Protection sociale, monsieur Clément P. Sawadogo, chef de la délégation gouvernementale; et je rappelle exactement la partie de l’exposé dont une copie du document lui a été remise sur place par les six (06) centrales syndicales présentes à la rencontre:
– La mise en œuvre des engagements
– Chronogramme de relecture de la loi 028
– La signature de l’Arrêté relu portant coupures pour faits de grève
– La relecture de l’Arrêté portant frais de transport en cas d’affectation pour nécessité de service
– Etc.
Nous sommes en attente de l’exécution diligente de ces engagements qui, à notre sens, pourra contribuer à apaiser non seulement le front social, mais aussi donnera un peu plus de crédit à nos entretiens.
Suite à notre exposé, le chef de la délégation gouvernementale, monsieur Clément P. Sawadogo, a pris l’engagement de diligenter la signature de ces deux Arrêtés relus dès son retour, avant le 11 juin 2017, au Burkina Faso. Voilà encore ici comment le dialogue social dans notre pays est conduit !
Les autorités sont-elles véritablement de bonne foi quand elles parlent de dialogue et de paix sociale ?
Donc, si c’est le Burkina Faso (ex-Haute-Volta) qui a ratifié la convention N°87 de 1948 de l’OIT, dont son vaillant peuple est soucieux du respect de la parole donnée et de ses engagements internationaux, le sit-in en tant qu’activité de l’organisation syndicale est bel et bien légal !
A moins qu’il y ait un Burkina Faso virtuel, de non-droit, où le respect des engagements n’engage que ceux et celles qui y croient ; et là, nous refusons d’y adhérer, car contraire aux mœurs !
Heureusement que tout le peuple ne sera pas manipulable tout le temps !
Bassolma Bazié