La dégradation des terres est si grave qu’elle affecte déjà 40% de la population mondiale, et pourrait provoquer la migration de 50 à 700 millions de personnes d’ici à 2050. C’est l’alerte lancée par une centaine de scientifiques, dans une vaste étude internationale rendue publique le 26 mars 2017 sur la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).
Quelle en est la cause ?
Pour les chercheurs bénévoles de 45 pays, ce sont les activités humaines qui détruisent les terres de la planète à un rythme tel que ces dernières sont dans un état «critique». Un phénomène qui affecte déjà 3,2 milliards de personnes, soit 40% de la population mondiale, et provoque l’extinction de nombreuses espèces, tout en aggravant le changement climatique.
«Les zones humides ont été particulièrement touchées», a déclaré le Dr Montanarella, l’un des scientifiques associés à la recherche. «Nous avons vu des pertes de 87% dans les zones humides depuis le début de l’ère moderne – avec 54% de pertes depuis 1900». En 2014, plus de 1,5 milliard d’hectares d’écosystèmes naturels ont été convertis en terres cultivées. Moins de 25% de la surface de la terre a échappé aux impacts substantiels de l’activité humaine – et d’ici à 2050, les experts de l’IPBES estiment que ce chiffre sera à moins de 10%. Le rapport indique que la demande croissante de nourriture et de biocarburants conduira probablement à une augmentation continue des apports nutritifs et chimiques et à une évolution vers des systèmes de production animale industrialisés, l’utilisation de pesticides et d’engrais devant doubler d’ici à 2050.
Migration et conflits violents
«Dans seulement trois décennies à partir de maintenant, environ 4 milliards de personnes vivront dans les zones arides», a déclaré le professeur Scholes.
«D’ici là, il est probable que la dégradation des terres, associée aux problèmes étroitement liés du changement climatique, aura forcé 50 à 700 millions de personnes à émigrer.
La diminution de la productivité des terres rend également les sociétés plus vulnérables à l’instabilité sociale- en particulier dans les zones arides où les années de précipitations extrêmement faibles ont été associées à une augmentation de 45% des conflits violents».
M. Montanarella a ajouté: «D’ici à 2050, la combinaison de la dégradation des terres et du changement climatique devrait réduire les rendements agricoles mondiaux de 10% en moyenne et de 50% dans certaines régions.
À l’avenir, la plus grande partie de la dégradation se produira en Amérique centrale et en Amérique du Sud, en Afrique subsaharienne et en Asie, régions où il reste le plus de terres qui conviennent à l’agriculture».
NK
Réduire le gaspillage alimentaire
La bonne nouvelle est qu’il est encore possible d’agir et d’inverser cette tendance mortifère. À condition de prendre d’urgence des mesures ambitieuses. Ce qui, en plus d’améliorer les conditions de vie de dizaines de millions de personnes, serait aussi bon pour l’économie. Restaurer les sols a certes un coût initial ; mais, in fine, cela apporte des bénéfices décuplés, souligne l’IPBES. A contrario, plus les gouvernements tardent à agir pour enrayer cette tendance, plus il sera difficile et coûteux de le faire. Le rapport indique aussi qu’il est possible d’éviter d’étendre davantage les terres agricoles en augmentant la productivité de celles qui existent déjà et en incitant les populations à adopter un régime alimentaire moins destructeur de sols. Ainsi, manger davantage de protéines végétales et moins de protéines animales issues d’élevages industriels peut avoir un impact positif. De même que réduire le gaspillage alimentaire.