L’acte de naissance de la Zone de libre-échange continentale (ZLEC), destinée à créer un marché commun pour les 55 pays africains, a été signé le 21 mars 2018. Cette signature a eu lieu à Kigali, au Rwanda, à l’occasion d’une session extraordinaire de l’Union africaine (UA) convoquée en fin janvier dernier par le président rwandais Paul Kagamé, président en exercice de l’organisation. Pour le moment, le document n’a pas obtenu la signature de tous les pays de l’UA, mais c’est tout de même une forte majorité de 44 pays qui l’ont signé dès le départ.
Parmi ceux qui se sont abstenus, on retrouve le Nigeria ; l’une des premières économies du continent. Le président nigérian, Muhammadu Buhari, souhaite «donner plus de temps aux consultations» dans son pays où l’accord suscite une certaine opposition. Des pays comme le Bénin, l’Érythrée, le Burundi, la Namibie et la Sierra Leone figurent également parmi les non-signataires. Ces derniers, en dépit de leur soutien à l’initiative, veulent prendre plus de temps pour échanger avec leurs acteurs internes.
Leurs décisions finales devraient pouvoir être connues lors du sommet de l’UA prévu en juillet prochain en Mauritanie.
Quant aux pays qui ont déjà signé l’accord, ils devront maintenant procéder à sa ratification à l’échelle nationale avant qu’il ne puisse entrer en vigueur. Cela n’arrivera pas avant un délai de 180 jours.
L’ambition poursuivie par la ZLEC est de dynamiser le commerce intra-africain. A terme, le continent africain pourrait devenir la plus grande zone de libre-échange du monde. Le commerce intra-africain, qui se situe aujourd’hui à seulement 16% de ses échanges globaux, devrait atteindre 60% grâce à la mise en œuvre de la ZLEC. Comparativement aux autres continents, les pays africains restent encore très fermés les uns par rapport aux autres en matière d’échanges commerciaux. En effet, les Asiatiques commercent entre eux pour près de 54% de leurs échanges, et les Européens échangent entre eux à 70% de leur commerce global.
La ZLEC vise à créer un vaste marché d’un 1,2 milliard de consommateurs sur le continent. Ce qui représente un Produit intérieur brut (PIB) de 2.500 milliards de Dollars dans l’ensemble des 55 États membres de l’UA. Ce marché généra un profit annuel d’environ 35 milliards de Dollars d’ici à 2021.
La mise en œuvre de la ZLEC nécessite la levée des barrières, notamment douanières, qui empêchent aujourd’hui une libre circulation des personnes et des biens. C’est d’ailleurs sur ce sujet crucial que les négociations techniques auront lieu à la suite du lancement officiel de la zone. Pour le départ, il a été convenu que ce sont 90% des barrières tarifaires dans les échanges qui seront levées suivant une libéralisation progressive. Le reste des 10% devrait disparaitre sur le long terme. Des discussions devraient également avoir lieu pour déterminer le taux dans le cadre des modalités des règles d’origine.
Karim GADIAGA
Les atouts sont là, mais il faudra être prêt
Il est certain que sans barrières douanières entre pays africains, les produits circuleront plus facilement sur le continent. C’est une belle opportunité pour les affaires. Mais, cela signifie pour chaque pays qu’il faudra non seulement avoir des produits à proposer, et ensuite que ces produits soient ce que les autres n’ont pas et qu’ils demandent. Or, à ce jour, les économies africaines sont plus similaires que complémentaires. La grande majorité exporte des matières premières et importe des biens manufacturés. Il sera donc très difficile de ressentir les effets supplémentaires d’un marché continental si l’offre et la demande sont les mêmes dans la plupart des pays. Le risque existe, dans ce cas, de se faire envahir par les produits plus compétitifs des pays structurellement plus à l’aise. Ce qui signifiera la mort de la production locale.
C’est pourquoi l’avènement de la ZLEC impose aux Etats africains de cultiver la complémentarité des économies. L’Afrique devrait également cesser d’être spécialisée dans l’exportation de matières premières brutes vers le Nord pour développer les industries de transformation à destination du marché intérieur.
Par ailleurs, pour profiter pleinement des bénéfices de la ZLEC, il devrait y avoir une harmonisation douanière pour éviter la concurrence fiscale, des infrastructures de qualité (routes et ports), des réformes législatives. Il faudra également concevoir des unions bancaires. Ce sont là de véritables challenges qui risquent encore de retarder la concrétisation de cette très belle ambition.