Tribune

Tirer profit des dividendes économiques et sociaux de nos villes – Par Mohammed Ben Ahmed

Partout dans le monde, les territoires urbains doivent aujourd’hui faire face à des défis majeurs pour accompagner leur croissance extrêmement rapide, garantir l’accès équitable de tous leurs habitants aux services de base, atténuer les disparités territoriales, faire reculer la pauvreté, atténuer les tensions et les frustrations sociales, réduire le chômage urbain des jeunes, faciliter l’accès au logement salubre, faire face aux événements climatiques extrêmes, etc. Au cours des dernières décennies, nos villes n’ont pas échappé aux enjeux stratégiques liés au processus de croissance urbaine ; à la fois créateur de richesses et de misère ; dont les implications politiques, socioéconomiques et environnementales sont au cœur des interrogations et des actions de tous les acteurs des politiques publiques nationales et locales.

Cette urbanisation, qui s’est opérée en grande partie sans encadrement, sans planification, ni équipements et services en réseaux suffisants, va de pair ; à des degrés variables ; avec la création de ségrégations urbaines génératrices de situations sociales difficiles marquées par la montée des disparités économiques et spatiales, la persistance des poches de pauvreté ; voire d’extrême pauvreté dans les quartiers sous-équipés; des problèmes de sécurité et des environnements sanitaires précaires parfois dans des proportions alarmantes!!
Le développement inclusif des villes doit se mesurer désormais à l’aune de leur capacité à proposer des prestations de qualité aux différents opérateurs urbains, à réduire les coûts de transport des biens et personnes, à stimuler les investissements créateurs de valeur, à renforcer la formation professionnelle et à faciliter l’accès des jeunes au marché de l’emploi; et ce, dans un cadre de concertations et de partenariats multi-acteurs.

Espaces pertinents de mobilisation et de coordination des différents acteurs nationaux et locaux, les villes représentent aujourd’hui 75% du PIB national et sont considérées comme de véritables machines économiques constituant des points d’ancrage de la production de richesses et d’emplois ; pesant ainsi de manière significative sur la croissance économique nationale.
Urbanisation: opportunité de croissance durable
Le défi majeur à relever par les décideurs politiques consiste aujourd’hui à tirer le meilleur parti du processus d’urbanisation en tant que facteur déterminant de développement du pays, en s’appuyant sur des politiques urbaines permettant d’obtenir des dividendes économiques et sociaux grâce à une allocation équilibrée et efficace des ressources financières et humaines, pour répondre aux immenses besoins tant en termes d’investissements que de modernisation des modes de gestion. La complexité de la situation exige de nouvelles approches transversales basées sur l’articulation des problématiques de services et d’équipements collectifs urbains, notamment de transport, à celles concernant l’aménagement du territoire, la planification urbaine, la mutualisation des efforts et des moyens, la fiscalité locale, le financement, la gestion du foncier urbain, etc.

Les défis de 4 grandes transitions
Dans ce contexte de transformations profondes, les décideurs politiques nationaux et locaux doivent inscrire nos villes dans la nouvelle ère du XXIe siècle ; celle des 4 transitions majeures: territoriale, démographique, numérique et écologique.

La transition territoriale, qui est en marche par l’entrée de la régionalisation avancée dans la phase opérationnelle, se caractérise par une évolution vers une organisation administrative de plus en plus décentralisée et déconcentrée, où le pouvoir, les compétences et les ressources doivent être véritablement transférés de manière corrélative à l’échelon local le plus pertinent et où les équilibres entre les mondes urbain ou rural sont à réinventer.

À mesure que les villes s’étalent et «se métropolisent», les décideurs urbains ont désormais la responsabilité de créer les conditions propices au renforcement de l’attractivité et de la compétitivité économique de leurs territoires, face à d’autres territoires concurrents à l’échelle régionale, nationale; voire internationale.
Cela nécessite d’adopter des stratégies de conduite du développement urbain porteuses de réponses appropriées aux enjeux de mobilisation des acteurs gouvernementaux et de PPP stratégiques permettant de contourner les contraintes financières, et surtout managériales, grâce à l’injection de capitaux, la souplesse de gestion et l’innovation du secteur privé national et international.
La transition démographique et sociale, outre son caractère interactif avec les autres transitions, doit être placée au centre des préoccupations des acteurs locaux, publics et privés soucieux des défis d’une urbanisation responsable et inclusive. Aujourd’hui, 60% des Marocains vivent en milieu urbain contre 30% environ en 1960, et 75% de la population seront urbains en 2050, selon les prévisions du HCP.
La transition numérique concerne l’ensemble de l’écosystème constitué autour de la ville: collectivités territoriales, administrations publiques, secteur financier, opérateurs privés, organisations de la société civile. Tous ces acteurs sont interpellés à innover et à réinventer la fourniture des services urbains de demain: mobilité multimodale propre, gestion intelligente de la circulation, gestion intelligente de l’eau, de l’éclairage public et des déchets, rénovation thermique des bâtiments, etc.
Le succès de cette transition, dans un monde de plus en plus digitalisé, commande d’orienter les investissements d’avenir vers une croissance verte, ouverte à l’innovation apportée par les services numériques à forte valeur ajoutée.
La transition écologique exige de privilégier des approches intégrées bas-carbone, type «Air-Climat-Energie», offrant des possibilités de récolter à terme des dividendes dans les domaines de l’économie, de la qualité de l’air et de la santé des citoyens, et de poursuivre des modes de production et de consommation générateurs d’économies d’énergie et plus résilients face au changement climatique.

Autant de nouveaux défis qui militent en faveur de nouveaux paradigmes en matière de conduite du processus d’urbanisation et qui suggèrent de migrer vers une ingénierie de la ville innovant et promouvant une croissance économique inclusive et une prospérité mieux partagée et à même de réduire les disparités spatiales et sociales.

http://www.leconomiste.com
Edition N°:5210 Le 15/02/2018


Effort d’investissement

De bons équipements et de bons services urbains sont incontestablement considérés comme un élément clé pour la productivité, l’emploi et la cohésion économique et sociale. Répondre efficacement aux besoins futurs en services des populations requiert un effort d’investissement s’élevant, selon des estimations sérieuses, à plus de 30 milliards de DH par an au cours des dix prochaines années. Un important effort de renforcement des capacités de planification, de financement doit être déployé par nos villes ; en même temps qu’elles doivent augmenter leurs revenus fiscaux et réaliser des économies budgétaires via la rationalisation des coûts de gestion urbaine.
Elles gagneront à prendre levier sur le savoir-faire du secteur privé pour l’amélioration des capacités d’exécution des grands projets structurants, notamment à travers les partenariats institutionnels dans le cadre de sociétés de développement local, en particulier pour les secteurs nécessitant une forte technicité et une gestion dynamique des compétences.

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