La décision du gouvernement de suspendre le prélèvement de l’Impôt sur les traitements et salaires (IUTS) sur les primes et indemnités servies aux travailleurs du secteur public est injuste et illégale.
En effet, suite à une pression de l’Unité d’action syndicale, le gouvernement a décidé de suspendre le prélèvement de l’IUTS des agents du public. Toutefois, ceux du privé restent soumis au prélèvement.
Le gouvernement en cédant à la revendication concernant le secteur public veut éviter les remous sociaux, vu que le pays est déjà secoué par des grèves tous azimuts des travailleurs du secteur public.
La mesure gouvernementale n’a pas concerné le privé pour 2 raisons. Primo, le gouvernement sait qu’il y aura moins de revendications au niveau du secteur privé, parce qu’il a l’assurance que le patronat ne va pas bouger. Secundo, vu le nombre élevé des travailleurs du privé, ils constituent une source sûre de collecte de l’impôt.
En effet, selon les données collectées auprès de la Direction générale des impôts, avec une contribution de plus de 65,6 milliards de FCFA en 2015, l’IUTS serait le 3e impôt le plus important après la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui contribue à hauteur de 178,3 milliards de F CFA et l’impôt sur les Bénéfices industriels, commerciaux et agricoles (BIC) qui a contribué à hauteur de 132 milliards de FCFA.
Au cours de la même année, sur les 503,539 milliards de FCFA d’impôts et taxes collectés par la DGI, l’IUTS a représenté 13%.
Cette contribution a connu une forte croissance ces dernières années et on remarque que 4/5 des montants versés au titre de l’IUTS global provient des cotisations des travailleurs du secteur privé. La situation s’explique par le fait que les travailleurs du secteur privé sont nombreux, avec des salaires et des indemnités parfois plus élevés que ceux du public.
On retrouve dans le secteur privé les travailleurs des multinationales, des grandes industries et sociétés privées, les mines, des ONG, des organismes de coopération internationale, des ambassades, etc.
On comprend donc que la discrimination faite au dépend des agents du privé par le gouvernement a pour but de ne pas tuer la poule aux œufs d’or.
La mesure gouvernementale est aussi illégale parce qu’elle ne repose sur aucune disposition légale.
L’IUTS a été institué par une ordonnance en 1970. Repris dans l’article 55 du Code des impôts qui précise: «Il a été institué au profit du budget de l’Etat un Impôt unique sur les traitements et salaires applicable à l’ensemble des traitements publics et privés, indemnités, émoluments et salaires de toute nature, perçus au cours de la même année, y compris les avantages en nature, à l’exception des avantages en nature supportés par l’Etat, les collectivités et les établissements publics n’ayant pas un caractère industriel et commerciale».
Au terme de l’article 17 de la loi de finances 2017, la perception de l’IUTS a été étendue aux primes et gratifications de toute nature servies aussi bien aux travailleurs des secteurs public et privé.
Cependant, des exonérations totales (ou partielles) sont accordées à certaines indemnités comme les allocations familiales, les pensions, les indemnités de licenciement, les indemnités de départ à la retraite dans le Code des impôts.
L’article 57 du Code des impôts dispose que cet impôt est payé par «tous les salariés du Burkina Faso».
Il n’y a donc pas de discrimination entre travailleurs du public et du privé, puisque même les salariés domiciliés au Burkina, mais ayant une activité rémunérée hors du pays, paient l’UITS au Burkina.
Elie KABORE
Le gouvernement est pris entre deux feux
Le gouvernement a promis de poursuivre les discussions autour du prélèvement de l’IUTS. Il est donc pris entre 2 feux.
Comment compte-t-il régler la question afin de traiter avec plus d’équité les travailleurs du public et du privé? Soit, il revient sur sa décision de suspendre l’IUTS sur les indemnités et primes du public pour respecter les dispositions fiscales en vigueur, ce qui aura le mérite d’accroitre les recettes fiscales, soit il décide d’étendre la suspension du prélèvement à tous les travailleurs, avec le risque de perdre des recettes.