Les pays africains perdent 67% des recettes d’exportation à cause des fausses facturations commerciales, selon le rapport «Trade Misinvoicing in Primary Commodities in Developing Countries» de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) publié en juillet 2016. Selon le rapport, les fausses facturations seraient l’une des principales sources de d’évasion fiscale en provenance des pays en développement, parce que le manque à gagner se chiffre en termes de milliards de dollars. Le procédé est simple. En sous-facturant les exportations, les entreprises minimisent leurs chiffres d’affaires. Ainsi, une fois les charges soustraites du chiffre d’affaires, il ne reste plus grand-chose comme bénéfice. Pourtant, les plus importants impôts payés par les entreprises se calculent sur la base des bénéfices. Pour le cas du Burkina, une source au sein de la Direction générale des impôts explique que le phénomène touche dans un premier temps la tarification lors de l’exportation des produits du cru comme la noix de karité, le sésame, la noix de cajou, etc, où les prix ne sont pas fixés sur le marché international. Les exportateurs achètent ces produits à vil prix auprès des producteurs pour les revendre plus cher à l’extérieur sans que le Burkina Faso ne profite de cette vente.
Dans un deuxième temps, il touche les produits comme coton et les produits issus des industries extractives. Etant donné que les prix sont fixés sur le marché international, la fraude s’organise dans la sous-évaluation des quantités exportées.
Il estime que le phénomène prend de l’ampleur à cause de l’incapacité des Etats sous-développés comme le Burkina à disposer d’informations sur les clients des entreprises exportatrices.
L’argent ainsi fraudé est déposé dans des paradis fiscaux, ces pays dont le taux d’imposition est nul ou faible, sur les comptes détenus par des personnes physiques ou morales étrangères. Ces pays appliquent aussi le secret bancaire, ce qui constitue une filière de blanchiment des recettes issues de la fraude fiscale. La CNUCED n’est pas la seule à dénoncer cette situation. Pour le rapport du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique (février 2015), l’Afrique a perdu au cours des 50 dernières années 1.000 milliards de dollars. Un chiffre équivalent à l’ensemble de l’aide publique au développement reçue par l’Afrique durant la même période.
Si l’on considère les données du rapport, l’Afrique perd plus de 50 milliards de dollars US par an à cause de l’évasion fiscale, alors que l’aide publique au développement que le continent a reçue en 2012 par exemple était de 46,1 milliards de dollars. Ces chiffres sont en deçà de la réalité, parce qu’ils ne cernent pas la nature secrète des transactions financières illicites.
Comment s’organise l’évasion fiscale?
Le rapport du groupe de haut niveau classe en 3 catégories les origines de l’évasion fiscale. Il estime que 65% sont engendrés par les activités commerciales des entreprises.
Ils proviennent de l’interprétation que les entreprises font de la législation et de la réglementation nationales à travers leurs services d’assistance juridique, comptable et financière pour éviter de se conformer à ces lois, dans le but de dissimuler des richesses, éviter de payer les impôts et contourner les droits de douanes et les taxes intérieures.
Une partie non négligeable de l’évasion fiscale proviendrait des activités criminelles dont le but consiste à dissimiler des transactions criminelles aux autorités policières et aux autorités fiscales. Ces activités représentent 30% de l’ensemble des flux illicites et sont engendrées par la traite des personnes, le trafic de drogues et d’armes, la contrebande, la fraude dans le secteur financier, l’octroi de prêts non autorisés et sans garantie, le blanchiment d’argent, les manipulations des marchés des actions et l’escroquerie.
La corruption et l’abus de pouvoir alimentent à environ 5% de l’évasion fiscale.
Comme on le constate, l’Afrique perd moins d’argent dans la corruption que dans les transactions commerciales et les activités criminelles. Pourtant, les affaires de corruption alimentent quotidiennement les médias. Aussi, la corruption dénoncée se limite au domaine public. Pourtant, il existe de nombreuses affaires de corruption dans le secteur privé.
Elie KABORE
Voitures d’occasion: 250 milliards de FCFA blanchis par une filière libanaise
Le blanchiment d’argent est considéré comme une activité criminelle. Il a souvent des liens directs avec le financement du terrorisme. A ce propos, le rapport du groupe révèle une affaire de blanchiment d’argent portant sur un montant total de 480 millions de dollars (environ 250 milliards de FCFA) et impliquant des banques libanaises. L’affaire concerne la vente de voitures d’occasion provenant des pays d’Europe et du Liban vers des pays d’Afrique de l’ouest comme le Bénin et le Togo. L’argent issu de la vente de ces voitures est utilisé comme un moyen pour blanchir l’argent de la drogue.
Pourtant, on sait que le Burkina Faso se ravitaille en voitures d’occasion dans ces pays portuaires.
Les banques impliquées dans ces transactions ont été condamnées à payer des amendes de près de 102 millions de dollars (environ 70 milliards de FCFA). La recherche d’informations sur cette affaire a permis de comprendre qu’un important circuit de contrebande d’argent en espèces s’organisait au niveau des frontières terrestres, par les aéroports, notamment par les avions privés.