En marge d’un panel qu’il a animé le 23 août 2016 à Yaoundé au Cameroun, nous avons rencontré Adrien Somda, Inspecteur des impôts, pour aborder avec lui la question des clauses de confidentialité dans le secteur extractif. Il explique comment concilier l’exigence du secret dans les affaires, de transparence avec l’obligation de rendre compte aux citoyens ?
L’Economiste du Faso : Beaucoup de contrats dans le secteur extractif contiennent des clauses de confidentialité. Quelle est votre appréciation de ce constat?
Adrien Somda : D’aucuns perçoivent les clauses de confidentialité qui figurent dans les contrats miniers comme une manière d’empêcher le public d’examiner minutieusement les détails du contrat extractif.
Les accords de confidentialité sont un préalable fortement conseillé dans la plupart des négociations commerciales, discussions de partenariats, formations de consortiums, démonstrations de technologies, etc.
Les lois qui régissent les contrats et les relations commerciales au niveau international supposent généralement la présence de deux entreprises qui négocient l’une avec l’autre. Chacune d’entre elles cherche à maximiser ses profits et à rendre des comptes à ses actionnaires.
Un gouvernement est tenu de rendre des comptes à ses citoyens, qui vont bien au-delà de la simple recherche du profit, lorsqu’ils négocient des contrats d’affaires. Dans ces conditions, la confidentialité autorisée dans des négociations commerciales entre parties privées n’a plus lieu d’être dans de tels contrats. Quand les contrats portent sur des ressources non renouvelables, il est d’autant plus important de pouvoir procéder à leur examen minutieux.
Comment alors concilier l’exigence du secret dans les affaires avec la transparence qui impose au gouvernement de rendre compte à ses citoyens ?
Le constat est que très peu de pays sont dotés de lois exigeant la divulgation systématique des contrats. Cependant, certaines lois, d’origine parlementaire, peuvent indirectement imposer la publication de ces contrats. C’est le cas du Code minier burkinabè dont l’article 15 précise : « Les titres miniers et autorisations, ainsi que les contrats ou conventions minières, font l’objet de publication au Journal officiel du Faso ».
D’autres lois retranscrivent et/ou réfèrent aux principes et processus internationaux instituant des obligations de transparence pour l’exploitation des substances minérales spécifiques comme le diamant. Dans ce sens, le Code minier ivoirien de 2014 précise dans sa partie dispositions particulières applicables aux diamants bruts (Article 100) que les activités d’exploitation, de commercialisation, de transport portant sur les diamants bruts sont soumises aux normes du système de certification du processus de Kimberly.
Il consacre par ailleurs un chapitre particulier aux obligations d’adhésion aux principes de bonne gouvernance, ceux de l’Equateur et de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).
Y a-t-il d’autres bonnes pratiques en matière de limitation des clauses de confidentialité ?
La quasi-totalité des lois pétrolières et minières renvoient à la question des modalités de dépôt, d’instruction des demandes de permis de prospection et de sa transformation éventuelle en permis de recherche pour être fixées par arrêté, soit du ministre chargé des Hydrocarbures ou des Mines.
Le Code pétrolier tunisien en son article 10 utilise cette formule : « Les modalités de dépôt, d’instruction de la demande du permis de prospection et de sa transformation éventuelle en permis de recherche sont fixées par arrêté du ministre chargé des Hydrocarbures ». Les actes constatante octroi des licences et permis de recherche ou concession d’exploitation sont publiés au Journal officiel du pays hôte (art.48.8).
Le parlement ghanéen a donné, à une forte majorité, son approbation au projet de loi sur l’exploration et la production de pétrole dans le pays. La nouvelle loi comporte un chapitre entier consacré à la transparence. L’objectif selon le gouvernement est de contraindre les compagnies pétrolières exerçant dans le pays à faire preuve de clarté dans l’exercice de leurs activités.
Le 1er septembre 2007, un groupe d’experts indépendants et d’organisations de la société civile du Congo avait remis au Forum de la société civile de la RDC un rapport portant sur l’examen indépendant de 12 contrats miniers parmi les plus importants d’un lot de 60 contrats examinés par une commission gouvernementale.
Toutes ces références sont une tentative de réponse aux questions de bonne gouvernance et de transparence en rapport avec l’avenir des gisements dans ces pays.
On constate que certains contrats confidentiels sont en opposition avec la législation nationale ?
Effectivement, dans un régime contractuel, une prolifération de cadres juridiques rend plus difficile la surveillance effective des obligations des entreprises, tant pour le gouvernement que pour la société civile.
On remarque, dans des pays où l’industrie minière est régie par un Code minier bien enraciné, que l’exécutif peut avoir le droit de passer des contrats s’écartant du cadre juridique en vigueur.
En Zambie, par exemple, le Code minier précise : « Dans le but d’encourager et de protéger les investissements importants dans le secteur minier en Zambie, le ministre peut, au nom de la République, conclure un contrat se rapportant à l’accord d’un permis minier de grande envergure … [et l’accord] peut contenir des dispositions, lesquelles nonobstant toute autre disposition législative ou réglementaire, seront contraignantes pour la République ». Dans de tels cas, les contrats individuels risquent de l’emporter sur les lois et la réglementation du pays.
Quels peuvent être les mécanismes de surveillance de la transparence dans le secteur minier ?
Des règles claires et une bonne architecture administrative facilitent les contrôles. L’indépendance financière et réglementaire est un facteur important dans la création de mécanismes de surveillance et de mise en application des règles dans bon nombre de pays. Les partenariats sont à la base des approches les plus efficaces.
Les administrations, l’industrie et la société civile doivent travailler de concert pour aborder les défis et les besoins de surveillance. Quand, lors des contrôles, des cas de non-conformité sont révélés, les mécanismes de mise en application du côté du gouvernement et de soutien de la part de la société civile peuvent corriger ces défaillances et améliorer les perspectives de conformité à l’avenir.
Interview réalisée par Elie KABORE