Depuis l’insurrection populaire qui a contraint Blaise Compaoré à l’exil en Côte d’Ivoire, le dynamisme des projets du Traité d’amitié et de coopération ivoiro-burkinabè (TAC) a pris un coup.
Signé en juillet 2008, en pleine crise ivoirienne (2000 à 2010), le TAC est le fruit de la prise de conscience par les deux Etats de la communauté de leur destin et de la nécessité d’avoir des rapports privilégiés. Une sorte de mariage de raison a été scellé par les anciens présidents Gbabgo (Côte d’Ivoire) et Compaoré (Burkina Faso), qui entretenaient alors de la méfiance et des suspicions réciproques.
Le TAC comporte à ce jour une trentaine de points de coopération. Ce traité, qui a bien fonctionné jusqu’à l’avènement de l’insurrection populaire au Burkina, a été à l’origine de retrouvailles régulières entre les deux pays. Des rencontres d’experts, rencontres ministérielles et conseils des ministres conjoints, chaque année, avec la participation des deux chefs d’Etat. Ces rendez-vous ont permis de mettre en place et de consolider des projets mutuellement bénéfiques. Au-delà du couple ivoiro-burkinabè, les projets structurants du TAC constituent un tremplin pour l’essor économique et la stabilité de toute la sous-région ouest-africaine.
Malheureusement, depuis plus d’une année, en dehors des dossiers urgents, le TAC est en souffrance. On ne l’évoque pratiquement pas dans les discours officiels. En dehors de la coopération en matière d’électricité, l’on n’a plus sérieusement parlé du TAC. Si le projet de réhabilitation du chemin de fer Abidjan-Ouaga-Kaya a pu aussi connaitre son lancement, c’est surtout en raison du fait qu’il implique un partenaire privé, Bolloré, qui ne voudrait pas sacrifier ses affaires. Le coup de froid entre les deux Etats s’est répercuté sur le Traité. De nombreux points n’ont pas été évalués et activés.
Les tentatives de réchauffement, qu’on a pu observer, ont plutôt connu une résonance mitigée.
A l’évidence, les visites d’amitié et de travail effectuées successivement à Abidjan en juillet dernier par le Premier ministre Yacouba Isaac Zida et le président Kafando n’ont pas permis de briser totalement la glace. Le maintien de la loi d’inéligibilité au Burkina et le putsch manqué de l’ex-RSP sont venus exacerber la situation de méfiance. Une autre couche s’est posée sur le mur de la méfiance depuis la révélation du contenu des écoutes téléphoniques présumées.
Toutefois, des signaux positifs sont émis par Abidjan ces derniers jours. «J’aime le Burkina». C’est l’une des phrases prononcées le 18 décembre dernier par Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. L’ancien patron des ex-forces nouvelles ivoiriennes est au cœur de la polémique depuis l’apparition sur internet des enregistrements téléphoniques qui seraient la preuve de son implication dans le putsch avorté de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), en septembre dernier.
Des éléments qui ont donné lieu à l’affaire dite «des écoutes téléphoniques», à l’origine d’une nouvelle escalade du froid perceptible dans les relations entre les deux pays. Le chef du parlement ivoirien a d’une part indiqué que le président ivoirien a pris les devants pour arranger la situation avec le nouveau pouvoir élu du Burkina et d’autre part a nié la volonté qu’il aurait eue de participer à un projet subversif au Burkina.
On attendra de voir les actes qui accompagneront ces propos pour en juger la sincérité mais déjà, on peut estimer que ce discours de Guillaume Soro est en phase avec le réalisme et le bon sens. Dans le contexte actuel et sur la base de la réalité des liens entre les deux pays, toute autre attitude, notamment revancharde, serait hautement risquée et surtout grave de conséquences pour les deux pays.
Entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, ce sont des liens sensibles qui imposent aux deux Etats une certaine lucidité et surtout du tact dans les moments délicats.
Cela s’est vérifié avec la grave crise politico-militaire qu’a connue la Côte d’Ivoire à partir de 2000 jusqu’à l’élection de Ouattara en 2010. En même temps que le Faso a été indexé comme complice des rebelles combattant le pouvoir d’Abidjan, il aura fallu aussi la médiation du même pays pour aboutir à la signature de l’accord de paix qui a mis fin à la belligérance.
Les deux pays sont naturellement liés par l’histoire, la géographie, la culture et l’économie. De très nombreux Burkinabè servent de main-d’œuvre en Côte d’Ivoire. L’agriculture ivoirienne, notamment le café et le cacao, tient en partie son dynamisme de la forte implication des immigrés Burkinabè depuis de longues années. Certains détiennent désormais la nationalité ivoirienne, alors que de nombreux mariages croisés ont fini par forger un destin commun aux deux origines.
Outre l’apport de la main-d’œuvre burkinabè, la Côte d’Ivoire a aujourd’hui besoin du concours du Burkina pour sa sécurité et sa stabilité. En retour, le Burkina compte sur son voisin sur le plan économique. Le port d’Abidjan est le débouché le plus naturel du Burkina sur la mer. Les infrastructures comme la voie ferrée reliant les deux pays, les projets d’infrastructures comme celui de l’autoroute, du pipeline et autres sont conçus dans le sens de mieux asseoir les échanges économiques. Aujourd’hui, le Burkina Faso compense son déficit en électricité grâce à l’interconnexion avec la Côte d’Ivoire.
La volonté de décrispation que les plus hautes autorités ivoiriennes entendent mettre en œuvre avec les nouvelles autorités du Burkina pourrait peut-être relancer le TAC. Mais cela dépendra fortement de la gestion du tout nouvel épisode qui vient d’être ouvert dans les relations entre les deux pays.
Dans l’affaire de l’assassinat du président Thomas Sankara, la justice burkinabè a lancé, depuis le 4 décembre dernier, un mandat d’arrêt contre l’ancien président Blaise Compaoré. Les autorités ivoiriennes qui ont déjà reçu le mandat n’avaient pas, jusqu’en fin de semaine dernière, officiellement réagi à ce sujet.
Karim GADIAGA
L’état de quelques dossiers du TAC en juillet 2014
• Autoroute Yamoussoukro-Ouaga : études de faisabilité à harmoniser
• Occupation du Mont Péko en Côte d’Ivoire : les efforts devaient être poursuivis
• Défense et Sécurité : des concertations entre les forces de défense et de sécurité pour juguler le grand banditisme, lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée
• Coopération administrative, décentralisée et transfrontalière : projet de formalisation des cadres de coopération
• Economie, Industrie, Artisanat et du Commerce : projet d’organisation des fora économiques et commerciaux
• Tourisme et Culture : projet d’organisation des journées culturelles
• Infrastructures routières : mise en œuvre de l’entretien périodique et la recherche de financement pour leur réalisation
• Coopération postale et TIC : concertations entre les deux Comités techniques nationaux de migration vers la Transition numérique de terre (TNT)
• Fluidité du trafic : réduction considérable de postes de contrôle et poursuite du démantèlement des barrages illicites
• Réhabilitation du chemin de fer et extension : démarrage en 2015
• Approvisionnement électricité : régulier avec 70MW (à augmenter à 80MW)
• Construction pipeline : évolution jusqu’à Bouaké.
Source : sommet du TAC