Une nouvelle affaire juridique à Telecel. Le Tribunal de Commerce (TC) de Ouagadougou vient d’être saisi par les avocats de Dossongui Koné, homme d’affaires ivoirien qui avait fondé Atlantique Télécom avant de se désengager et ex-actionnaire de Telecel Faso à travers la société Atlantique Telecom, ci-devant sa propriété. Aujourd’hui, M. Koné agit au nom d’une autre société, la Compagnie financière et industrielle (CFI), un ex-actionnaire d’Atlantique Telecom.
La première convocation a eu lieu le 12 novembre dernier. La raison de la présente action judiciaire peut surprendre celui qui a suivi le long feuilleton judicaire autour de l’actionnariat de Telecel, depuis 2004 jusqu’en 2015. Une bataille qui a commencé devant les juridictions burkinabè, en passant par la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA jusqu’aux tribunaux de France.
Le conseil de M. Koné, constitué par la Société civile professionnelle d’avocats (SCPA) Kam et Somé, demande aujourd’hui à la justice d’entériner «l’offre de la CFI d’acquérir 56% du capital de Telecel contre la somme d’environ 9,9 milliards de F CFA». La concrétisation d’un tel scénario signifierait que Planor Afrique, qui est le propriétaire de Telecel, cèderait une partie de son capital à cet éventuel nouveau partenaire et en plus deviendrait minoritaire au profit du nouvel arrivant.
Lorsque des opérations de ce genre surviennent dans le monde des affaires, c’est de commun accord et de façon librement consentie entre des interlocuteurs. Mais là, il ne s’agit pas d’un business ordinaire.
Dossongui Koné s’adresse à la justice pour lui demander de contraindre Planor.
La société Atlantique Telecom, qui appartenait à M. Koné, a été exclue du capital social de la société Telecel Faso par des décisions rendues respectivement les 9 avril 2008 par le Tribunal de grande instance (TGI) de Ouagadougou et le 19 juin 2009 par la Cour d’Appel de Ouagadougou. Lesquelles décisions ont été par la suite confirmées par la CCJA de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA). Ce qui rend, selon le conseil de Planor, ces décisions d’exclusion valables et applicables dans les 17 Etats membres de l’OHADA.
En vertu, notamment de «l’autorité de la chose jugée qui s’attache à des décisions rendues par les juridictions nationales ou communautaires, la bataille sur l’actionnariat de Telecel est définitivement réglée et aucune autre décision extérieure contraire ne pourrait s’appliquer ni au Burkina, ni dans l’espace communautaire de l’OHADA».
A présent, c’est une nouvelle porte que tente d’ouvrir le camp Dossongui. Tout en reconnaissant l’exclusion de leur client à travers Atlantique Telecom, le conseil de M. Koné table maintenant sur une phrase de l’Arrêt du 19 juin 2009 de la Cour d’Appel de Ouagadougou, à travers laquelle la Cour «autorise (Ndlr: après l’exclusion d’Atlantique Telecom) la société Planor Afrique à introduire un nouvel actionnaire dans le capital de la société Telecel Faso». Dossongui Koné, à travers la CFI, se propose d’être l’actionnaire qui profite de cette «autorisation». Selon lui, Telecel n’est pas actuellement au mieux et ne respecterait pas les obligations du cahier des charges auquel les opérateurs de téléphonie sont soumis. En outre, M.Koné estime que Planor ne lui a pas versé toutes les sommes dues.
Du côté de Planor, on réfute en bloc les arguments de Dossongui. Sur le contenu de l’arrêt de la Cour d’Appel, les dirigeants de Planor assurent que «l’introduction d’un nouvel actionnaire n’a jamais été prescrite comme une obligation». «Le tribunal l’a juste autorisée», indique-t-on. Par ailleurs, le groupe burkinabè fait savoir que le partenariat au sein de Telecel est au point, grâce notamment à l’accompagnement de l’opérateur technique chinois Huawei. Celui-ci apporte son assistance pour le fonctionnement optimum de Telecel. Sur le plan des créances, Planor estime également que le versement à Atlantique Telecom de la somme d’environ 9,9 milliards de F CFA a réglé cette question. On positivise aussi au niveau du rendement de la société. «Depuis que nous avons pris Telecel, la société est bénéficiaire. Ce qui n’a jamais été le cas pendant les 5 ans de gestion d’Atlantique Telecom de 2003 à 2008. En plus, de 263 mille abonnés, notre parc compte maintenant 3 millions», se défendent les responsables de Planor.
Atlantique Telecom, l’ex-actionnaire de Telecel, a aussi réagi sur la situation en cours. Dans une correspondance en date 11 novembre 2015, cette société basée à Lomé se désengage de la démarche de Dossongui Koné et assure qu’un protocole d’accord auquel elle est partie prenante a «définitivement réglé son contentieux avec Planor». Sa direction générale rappelle également que la société CFI de Koné «n’est plus actionnaire d’Atlantique Telecom SA depuis 2010 et que depuis janvier 2015, Dossongui Koné n’est plus PCA de cette société».
Karim GADIAGA
Le «défaut de qualité» soulevé
«De quoi je me mêle», c’est l’étonnement de Planor Afrique face aux prétentions de Dossongui Koné. Son défaut de qualité est avancé. On n’admet pas en plus que M. Koné se montre plus royaliste que le roi lorsqu’il évoque un «non respect du cahier des charges des télécommunications». Par ailleurs, depuis le 1er février 2010, il s’est totalement désengagé d’Atlantique Telecom au profit la société émiratie Etisalat. Par la suite, Etisalat a signé, le 26 novembre 2014, un accord définitif avec Telecel pour mettre fin à toutes les procédures judicaires au sujet de Telecel.
Cet accord indique qu’Etisalat a renoncé à toutes ses prétentions dans l’actionnariat de Telecel. En contrepartie, Planor Afrique a versé la somme de 10 milliards de F CFA à Etisalat pour la désintéresser. Le paiement a été constaté le 30 avril 2015. De ce fait, on ne parle plus, aujourd’hui, d’Etisalat dans le capital de Telecel et encore moins d’Atlantique Telecom. Il est à noter aussi que,entre-temps, Etisalat, actuel actionnaire majoritaire de Maroc Telecom, a cédé ses parts en Afrique francophone à sa filiale marocaine.