Parmi les personnalités récemment interpellées par les forces de l’ordre, Jérôme Bougouma est une des figures de proue du régime Compaoré. Plusieurs fois ministre, il était en charge du département stratégique de l’Administration territoriale et de la sécurité (Mats) dans le dernier Gouvernement de l’ancien régime.
Interpellé le 6 avril 2015 et gardé à vue pendant plus d’une semaine pour les nécessités de l’enquête, Jérôme Bougouma avait été transféré au parquet le 13 avril 2015. Finalement, il a été relâché le même jour. Le tribunal s’étant déclaré incompétent. En effet, selon la Constitution burkinabè, c’est la «Haute Cour de justice qui juge le président du Faso, le Premier ministre et les membres du Gouvernement, etc., lorsqu’ils commettent des infractions dans l’exercice de leurs fonctions». Mais, point de Haute cour depuis l’insurrection. Dans la foulée, celle-ci a été activée avec la nomination de nouveaux membres et son installation officielle a eu lieu le 17 avril. Elle est composée de 9 membres dont de 6 parlementaires et 3 magistrats professionnels de grade exceptionnel.
La Haute Cour de justice va-t-elle immédiatement être saisie de tous les dossiers actuels d’anciens ministres, notamment Jérôme Bougouma ? On le saura dans les jours à venir. Pour l’instant, retour sur les faits pour lesquels la responsabilité de cet ancien ministre de la Sécurité pourrait être engagée. Ces irrégularités présumées portent sur des marchés de plusieurs centaines de millions chacun (500 à 800 millions). Plus d’une fois, des marchés auraient été attribués directement à des fournisseurs «ciblés par complaisance» en violation des procédures règlementaires en matière de passation de marchés. Il n’y a pas eu d’appel d’offres. Le gré à gré aurait été systématiquement utilisé. Le ministère des Finances, qui aurait dû valider ces marchés, semble n’avoir pas été associé à la procédure. Certains de ces marchés, pourtant passés en Ttc (Toutes taxes comprises), ne seraient pas enregistrés au niveau des impôts et auraient contourné également les taxes douanières.
Par ailleurs, il y aurait eu des surfacturations spectaculaires sur les coûts des produits achetés. Ce serait le cas, par exemple, lors de l’achat des aérosols en 2014. Selon le Courrier Confidentiel, chaque unité aurait été facturée à 8.000 euros, alors qu’elle ne couterait en réalité que 15 euros. Ce sont plusieurs exemples de ce genre, qui ont fait l’objet d’une série d’investigations de l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat (Asce). La cellule économique de la gendarmerie a finalement été saisie et cela a abouti aux interpellations, qui ont concerné Jerôme Bougouma. Pour le moment, il n’est que suspecté d’avoir une responsabilité dans les cas présumés. Le rôle de la justice sera d’une part de confirmer les faits et d’autre part de situer véritablement les responsabilités.
Karim GADIAGA
La réquisition d’Azalai Hôtel
Parmi les griefs faits à l’ancien ministre, figure la réquisition de Azalaï hotel. C’était le Qg des députés de l’ex-majorité avant le vote du 30 octobre qui devait modifier l’article 37. La suite on la connaît, l’hôtel a été saccagé par les insurgés.
Selon la déclaration des gendarmes ayant conduit l’enquête, il lui est également reproché « des malversations présumées, surfacturations présumées de matériel du Mats, malversations présumées dans les attributions de marchés publics».