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Rentrée du Barreau : Voici le procès de la justice

La cérémonie solennelle d’ouverture a été présidée par le président Michel Kafando. (MK)
La cérémonie solennelle d’ouverture a été présidée par le président Michel Kafando. (MK)

La salle des conférences de Ouaga 2000 qui a servi de cadre à la cérémonie solennelle de rentrée du Barreau burkinabè était noire de robes d’avocats, le 19 mars dernier. Au menu de ce 25e anniversaire, la lutte contre la corruption. A la barre, les acteurs de la justice burkinabè ont tous été interpellés sur leur rôle dans la construction d’un Etat de droit. Les avocats ont tous bâti leurs plaidoiries autour du thème «Gouvernance juridique et judiciaire des investissements en Afrique : quel rôle pour l’avocat?». Mais avant eux, le président du Faso, Michel Kafando, leur a rappelé l’impérieuse nécessité de jouer leur partition dans le jeu démocratique du pays. Pour ce faire, leurs contributions sont attendues aux assises nationales sur la justice qui s’ouvrent le 24 mars.

Le procès de la justice
Sur le thème, les orateurs ont tous été convaincants. Le Bâtonnier de l’ordre des avocats du Burkina, Me Mamadou Traoré a fait «le procès» du monde judiciaire burkinabè. Il a évoqué la problématique de la formation et de la corruption. Paraphrasant le président Thomas Sankara, Me Mamadou Traoré a lancé qu’un «avocat sans formation technique est un marchand ambulant et un corrupteur en puissance». Pour ce faire, le Barreau burkinabè poursuit ses efforts pour l’ouverture de son centre de formation des avocats.
Sur la corruption, le Bâtonnier a reconnu que la justice regorge de brebis galeuses et corrompues. Une situation qui doit changer impérativement. Il est impensable que l’odeur de la corruption pue dans les palais de justice. Me Mamadou Traoré explique que la justice étant l’ultime recours du citoyen, il importe qu’elle soit débarrassée de cette tare. «Quand les autres secteurs sont corrompus, il faut une justice forte, crédible et impartiale pour juger. Mais si celui qui doit juger est lui-même corrompu, que faire?», s’est demandé Me Traoré. La corruption, ajoute-t-il, «est un frein à l’investissement car les investisseurs ne prennent jamais le risque d’investir là où il y a insécurité juridique. Me Ameth Bâ du Barreau du Sénégal a renchéri en disant que « la corruption en milieu judiciaire a besoin d’un coup de balai citoyen.»

Des handicaps ?
Se prononçant sur le thème même de la rentrée, le Pr Joseph Djogbenou, professeur agrégé et avocat au Barreau du Bénin, dira que le domaine des investissements échappe jusqu’à présent aux avocats, surtout de l’espace Uemoa, et la conférence inaugurale qu’il a livrée l’a souligné. De nombreuses dispositions, mêmes intellectuelles, manquent à des avocats, faisant d’eux «des handicapés» se limitant au prétoire. Il a suggéré que les Barreaux mettent l’accent sur la formation. L’avocat Joseph Djogbenou a ensuite tracé les sillons pour que les avocats prennent d’assaut les nombreux secteurs des investissements, non sans avoir énuméré les goulots d’étranglement : le manque de compétences et d’organisation.
Il a regretté que les avocats accompagnent de moins en moins les investissements, par manque de dispositions intellectuelles, a-t-il précisé. D’où la nécessité de la formation et du regroupement des avocats. Le regroupement, explique-t-il, semble une solution car «nul ne peut tout faire tout seul.» La gouvernance des investissements ne concerne pas uniquement l’implication des avocats mais les fonds encaissés par les avocats pour leurs prestations doivent aussi être surveillés. A ce titre, la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats (Carpa) reste la solution.
Selon Me Bernard Vatier, secrétaire général de la Conférence internationale des Barreaux, les Carpa sont un moyen de moraliser la profession.
La raison est qu’elles évitent la manipulation des fonds par les avocats. Le Bâtonnier, avec son titre, a l’opportunité de vérifier l’origine des fonds et au mieux de les renvoyer «en disant que l’argent est sale», explique Me Bernard Vatier avant d’ajouter que la Carpa peut contribuer inévitablement à lutter contre la corruption et le blanchiment des capitaux. Son souhait est que les Barreaux entament une marche vers des Carpa régionales. Pour sa part, il s’est dit favorable à une Carpa unique pour tous les avocats, du moins pour la zone francophone, une caisse gérée par une seule banque. Les mécanismes pour y arriver existent et les avantages en termes de lutte contre le blanchiment sont légion.

Jean De Baptiste OUEDRAOGO

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