Politique

Biens mal acquis : Les dignitaires de l’ex-régime dans le collimateur

Le moment est venu en toute légitimité selon Claude Wetta du Ren-Lac. (DR)
Le moment est venu en toute légitimité selon Claude Wetta du Ren-Lac. (DR)
Pour William Bourdon, avocat français connu pour son engagement dans la lutte contre les biens mal acquis des dirigeants africains en France, le cas burkinabè mérite que les mécanismes soient enclenchés le plutôt possible. (DR)
Pour William Bourdon, avocat français connu pour son engagement dans la lutte contre les biens mal acquis des dirigeants africains en France, le cas burkinabè mérite que les mécanismes soient enclenchés le plutôt possible. (DR)

L’insurrection populaire des 30 et 31 octobre derniers constitue un tournant important dans la marche du Burkina Faso. Elle donne l’opportunité aux Burkinabè de faire face à leur histoire et, par la même occasion, d’ouvrir une nouvelle page dans leur marche vers le développement. Telle est la conviction affichée par le secrétaire exécutif du Réseau national de lutte anti-corruption (Ren-Lac), Claude Wetta, en cette journée internationale de lutte contre la corruption célébrée le 9 décembre 2014 sous le thème «Rompre la chaîne de la corruption et en finir avec l’impunité et la mal gouvernance pour une véritable stabilité».

Un thème révélateur des dérives auxquelles se sont adonnés certains dirigeants aux affaires. D’où la nécessité de trouver des stratégies de recouvrement des ressources injustement acquis par ces derniers. Pour cette 9e édition, en effet, le Ren-Lac a décidé, à travers un panel, de porter la réflexion sur «le gel et le recouvrement des biens mal acquis des dignitaires du régime déchu de Blaise Compaoré».
Du constat fait par ce réseau, l’ère Compaoré a été marquée par la corruption, le pillage des ressources publiques et le bradage des ressources minières qui semblaient bien devenus la loi d’airain. Après 27 ans de pouvoir sans partage, le moment est venu en toute légitimité, selon Claude Wetta, que soient restitués au peuple burkinabè ce qui lui revient de droit. Le Ren-Lac entend maintenir la pression sur les acteurs de la transition pour l’obtention du gel des avoirs des anciens dirigeants.
La seule volonté ne suffira pas pour aboutir à cet idéal poursuivi par le réseau. La traque de ces «biens mal acquis» devra faire suite à une recherche préalable des preuves attestant de leur existence. Une mission qui s’annonce titanesque du point de vue du paneliste, Me Prosper Farama, pour qui la détection des richesses illégales est souvent rendue complexe par le transfert des fonds vers les paradis fiscaux et l’existence de certains biens sous autres identités.
Mais aussi par le manque de volonté politique, la faiblesse des textes législatifs au plan national et l’insuffisance de l’incorporation des cadres internationaux auxquels le Burkina a librement souscrit. L’annonce du Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, faisant état du gel des avoirs des comptes des anciens dignitaires de la IVe République ne rassure donc pas les responsables du Ren-Lac qui demandent des preuves. La difficulté réside par ailleurs dans l’existence d’obstacles légaux, telle la prescription, l’amnistie ou l’immunité dont bénéficient certains dirigeants, notamment l’ancien président Blaise Compaoré.
Néanmoins, estime Me Farama, les bases de données contenues dans les différents rapports de la Cour des comptes, de l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat (Asce) sont des éléments pouvant conduire à l’ouverture d’une enquête sur ces biens présumés mal acquis au plan national. A ce propos, le paneliste préconise la sécurisation de ces avoirs en attendant que lumière soit faite sur chaque cas suspect.
Mais, au regard de la complexité des différentes procédures, la création d’une structure spécialisée semble plus logique pour ce cas de figure. Aussi importe-t-il qu’une coopération judiciaire soit menée au plan international pour la saisie des biens des anciens dignitaires à l’étranger.
La situation est bien plus complexe. Me William Bourdon avoue que «la lutte contre la corruption est devenue la nouvelle frontière des citoyens du 21e siècle. Et la corruption est une affaire universelle». Pour cet avocat français connu pour son engagement dans la lutte contre les biens mal acquis des dirigeants africains en France, le cas burkinabè mérite que les mécanismes soient enclenchés le plutôt possible car, fait-il savoir, dans bien de cas, les dirigeants épinglés ont procédé après l’annonce du gel de leurs avoirs au transfert des fonds des banques occidentales vers les pays asiatiques réfractaires à toute confiscation de biens illicites de ces dirigeants.
Pour ce faire, prévient-il, il faut être attentif aux agissements des institutions financières souvent complices dans les opérations de transferts. «Et pour ce qui est de la coopération judiciaire, la France a le devoir d’apporter son soutien pour traquer les biens des dignitaires du régime Compaoré», déclare l’avocat français.
Bien qu’ancien chef d’Etat, Blaise Compaoré, ne peut prétendre à une quelconque immunité du point de vue juridique, tant sur le plan national qu’international, rassure Me Bourdon. En effet, les textes légaux au plan international permettent aux magistrats de juger les dirigeants qui se sont rendus coupables de malversations. Cependant, il faudra s’attendre dans ce combat aux intimidations des dignitaires du régime déchu et à l’instrumentalisation de la lutte.
CD


Quelques chiffres

– Selon la banque mondiale, ce sont entre 10.000 milliards et 20. 000 milliards de FCFA qui sont détournés chaque année des pays en développement, par le biais de la corruption des agents publics.
– A ce jour, moins de 2.500 milliards de FCFA d’avoirs illicites ont été recouvrés et moins de cette somme a été restitué aux pays d’origine.

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