A la uneSociété-Culture

Recherche et innovation: produits trouvés attendent valorisation

• De la poudre de poulet pour enfant et personnes âgées

• Eco-Flamme ou l’hydrogène dompté pour les ménages

• L’incinérateur qui va vers les centres de santé

Monique Bahanla Tankoano avec les 5 produits de la marque Tifit.

Ouagadougou a abrité du 22 au 26 octobre 2025, la 15e édition du Forum national de la recherche scientifique et des innovations technologiques (FRSIT). Sur le site d’exposition, au SIAO, plusieurs chercheurs et innovateurs ont donné à voir des produits sortis de leur imagination pour résoudre des problèmes des Burkinabè. Zoom sur trois d’entre eux.
De la protéine pure animale adaptée pour les personnes âgées et les enfants. Dans ses moments de doute, Monique Bahanla Tankoano s’est tournée vers son seigneur avec une prière : avoir une idée de projet qui puisse vraiment me sortir de l’ordinaire. « C’est là que j’ai commencé à avoir la vision de ce truc-là », avoue-t-elle. Ce « truc-là » est du poulet, transformé en plusieurs sous-produits, pour faciliter la consommation à une frange de la population, souvent ignorée.

Joseph Millogo : « Nous souhaitons produire des millions Eco-Flamme pour toute la sous-région et le reste de l’Afrique »

Sous le nom commercial « Tifit » du gulmacema, « nous nous sommes levés », elle l’a mis sur le marché après quelques années d’incubation. Du poulet en gros concassé (cuit et déshydraté), du poulet en conserve (cuit et stérilisé), du poulet concassé, de la viande de poulet en poudre, la poudre de poulet mélangée avec la patate douce à chair orange…. Les trois premiers sont recommandés pour les ménages, les repas communautaires, les cantines scolaires, les hôpitaux. Les deux derniers sont conseillés dans le cadre de la nutrition des enfants et des personnes âgées. « Les personnes âgées ont besoin de protéines, pourtant elles n’ont plus assez de dents pour consommer la viande de poulet. Nous savons qu’elle est très riche en protéines et en la transformant, nous leur permettons de combler ce vide. C’est de la protéine pure animale La patate douce apporte la vitamine A et d’autres nutriments. Quand les enfants mangent, ils sentent les grains de viande tout en améliorant de la nutrition», explique la promotrice.
Ce sont là les 5 produits de la marque Tifit commercialisés par l’entreprise Bahanla Productions Alimentaires. « On passe d’abord par la précuisson, ensuite la déshydratation et une fois déshydraté, ce qui va être écrasé est écrasé ; ce qui va être concassé en gros est concassé en gros », précise-t-elle, sur le processus de fabrication.

Thimoté Ouédraogo : « Il est possible d’avoir une construction personnalisée ».

L’unité de production qui compte trois personnes à temps plein et une capacité journalière de cinquante (50) poulets pour le moment tire tant bien que mal son épingle du jeu, malgré les difficultés. « Les analyses au laboratoire coûtent assez cher pour un débutant. Quand ta production ne vaut même pas 150 000, alors que tu dois payer environ 100 000 FCFA pour faire analyser, c’est un peu difficile. Et sans les analyses, c’est difficile de présenter ça dans les alimentations », déplore Monique. Quand bien même sa matière première, le poulet de chair, reste disponible, il lui faut des équipements adaptés pour la transformation, la déshydratation, parce que tout est précuit avant d’être déshydraté. « Je souhaiterais que ce produit soit adopté par les autorités pour les cantines scolaires, parce que cela va aider dans la nutrition des enfants, qui sont pour le moment nourris avec uniquement du riz blanc, avec de l’huile ou bien du haricot tous les jours », dit-elle, elle qui n’attend que les contraintes soient levées pour pouvoir relever les défis.
.
De l’hydrogène comme combustible dans les ménages
Joseph Milogo veut dompter l’hydrogène pour les ménages. Titulaire d’un Doctorat en génie mécanique, cet ingénieur et chercheur a conçu un appareil capable de réaliser une électrolyse en libérant l’hydrogène qui peut être utilisé directement et comme combustible au lieu du gaz butane à la maison. Quelle est la valeur ajoutée de ce système par rapport à celui utilisé actuellement dans les différents ménages ? « L’hydrogène est un peu particulier par rapport au butane. Par exemple, quand vous allumez, une flamme butane est fluide et bouge un peu dans tous les sens. L’hydrogène, par contre, est très pointu. Donc dès qu’il sort, il va directement en ligne, parce qu’il est très volatil. Il est finalement un peu plus chaud que le butane, mais c’est quand même utilisable directement avec nos marmites. La différence principale réside vraiment dans la force de la flamme, peut être le coût pour le consommateur », explique le concepteur. Baptisé Eco-Flamme, l’appareil dispense également des recharges que l’on connait avec les bouteilles de gaz butane, comme le souligne Joseph : « Une fois que l›appareil est branché au courant ou à une batterie reliée à une plaque solaire, on peut l›utiliser seulement. Quand le niveau d›eau baisse, on ajoute de l›eau propre et on continue à l›utiliser. Il y a une petite suite caustique à l’intérieur qu’on doit rajouter de temps en temps, peut-être chaque mois, un tout petit peu. Mais hormis ça, c’est juste de l’eau ». Pour ce qui est de la matière première, tout se trouve pratiquement sur place. On n’aura donc pas à chercher loin, rassure-t-il également : « Il n›y a rien de particulier dans ça. C›est du plastique, il y a des tuyaux et de l›acier. C’est l’acier qu’on trouve partout ici qu’on prend et on découpe pour l›électrolyse, le reste c›est du caoutchouc. À part ça, tout le reste ce sont des brûleurs. Maintenant, les brûleurs, on a commencé à les avoir au pays aussi. Ce qu’on utilise pour l’électrolyse, c’est la soude. On trouve ça aussi sur place. Donc tout ça a été fait localement. On n’a pas eu besoin de faire d’importation ».

Le Djenbaga (celui qui brûle en bambara) standard a une capacité d’incinération comprise entre 20 et 30 kg de déchets par heure

Le prototype actuel produit environ 1 kg d’hydrogène pour environ 9 litres d’eau, et comme c’est quelque chose qui est en continu, il arrive à produire environ 7 litres d’hydrogène par heure. Mais en fonction des besoins, l’appareil peut être redimensionné. Ce prototype a été créé depuis quatre (04) ans maintenant, et le concepteur et son équipe sont au dernier stage : aller vers la population pour une immersion dans des ménages. Pour cette phase, il a procédé au recrutement d’une centaine de personnes qui vont aider à faire des tests. Des soudeurs ont été contactés aussi pour participer à la reproduction du prototype, afin de les mettre à la disposition de plusieurs familles. Après cette phase d’expérimentation des utilisateurs, les derniers réglages seront apportés pour que l’appareil soit impeccable, facile d’utilisation, afin que tout le monde puisse le prendre et l’adopter. Joseph Millogo reste confiant en l’avenir et nourrit de grandes ambitions pour son produit : « L’hydrogène est difficile à maîtriser, mais c’est notre spécialisation aussi. Nous allons donc être une région qui va produire probablement des milliers, des millions Eco-Flamme pour toute la sous-région et le reste de l’Afrique ».

L’incinérateur qui désenclave les centres de santé
Timothée Ouédraogo est ingénieur biomédical. Son passage comme agent dans les différents centres de santé du pays lui a fait prendre conscience des difficultés liées à la gestion des déchets biomédicaux. Comment le Burkina peut éradiquer ce problème des déchets produits par les centres médicaux sans importer les incinérateurs? Voici alors la question qui lui taraudait l’esprit pendant un bon bout de temps. « Pour la gestion des déchets, on a préféré l’incinération, parce qu’il y a plusieurs autres méthodes d’éliminer les déchets. L’idée donc était de pouvoir produire un incinérateur qui allie à la fois la mobilité, l’efficacité et le volet énergétique. Au Burkina, il existe des zones où il y a de centres de traitement de déchets. Le challenge était de créer un dispositif mobile à faible consommation, qui peut éliminer les déchets pour rendre autonomes toutes les structures sanitaires », dit-il.
Pour y parvenir, Timothée Ouédraogo met en place Solutions technologiques hygiéniques et médicales (SOTHYM). Le travail en laboratoire avec ses collaborateurs a abouti à un prototype, le Djenbaga (celui qui brûle en bambara), que présente l’investigateur en chef : « Nous avons un chariot qui transporte la barrique cylindrique que nous avons construit en acier assez épais pour la durabilité et contenir la combustion. Tout ça est relié à un assemblage, une tuyauterie en inox qui va rejoindre une chambre de compression d’air. Nous avons un moteur à double turbo qui va nous aspirer l’air, le filtrer et l’envoyer dans la chambre de combustion. Nous allons avoir une combustion alimentée par une grande pression d’air. C’est une pression qui est assez calculée. Tout le trajet entre le moteur et la barrique est calculé pour avoir une pression optimale pour ne pas étouffer le feu et pour ne pas aussi sous-souffler ce feu-là. Donc la combustion va se faire à grande vitesse. Cela va produire une augmentation de chaleur progressive qui peut passer de 700 à 1000 degrés en fonction de ce qui est incinéré à l’intérieur. En termes d’émissions de carbone, ce système-là nous permet de moins produire le gaz ». L’appareil a une capacité d’incinération comprise entre 20 et 30 kg de déchets par heure. En fonction des besoins ou des capacités de chaque centre de santé, les concepteurs peuvent construire un incinérateur beaucoup plus grand, qui pourrait aller à 200 ou 300 kg de déchets l’heure. Le Djenbaga standard est donc un incinérateur électrique à faible consommation, qui peut s’octroyer à 1,4 million FCFA. Avec sa mobilité, il peut servir à résoudre le problème des déchets de tout un district sanitaire.
La technologie et les ingénieurs sont là. Pour le moment, ils répondent aux sollicitations de façon ponctuelle. Le besoin d’accompagnement pour pouvoir faire des productions à grande échelle est manifeste. « Cette innovation locale a été pensée par des Burkinabè pour des Burkinabè. Cet outil est vraiment là pour désenclaver tous les centres de l’État et du privé. On souhaiterait que les deux ministères de tutelle, à savoir le ministère de la Santé et le ministère de l’Environnement, puissent nous aider à contribuer à débarrasser les déchets au bord de nos caniveaux, des canaux, parce que généralement, les installations sont faites à l’air libre et cela engendre beaucoup plus de problèmes que de solutions », souhaite Thimoté Ouédraogo.
Moumouni SIMPORE

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page