Quand les femmes passent à la vitesse supérieure … au propre comme au figuré

Une société de taxis de Mumbai aide les femmes défavorisées à reprendre le contrôle de leur vie.
Par Shubha Sharma, Mumbai, pour The Hindu20
Manisha Malvade avait 21 ans lorsque sa mère a succombé à un cancer. « La mort de ma mère m’a ébranlée », confie-t-elle. « Mais je devais aider ma famille à survivre ». Son père, alcoolique et sans emploi, n’était d’aucune aide. Elle ne pouvait compter que sur elle-même pour élever ses cinq frères et sœurs.
A mi-temps dans un centre commercial, elle a pris au sérieux le conseil d’une collègue : apprendre à conduire. Pendant trois mois, elle a fait la navette entre sa maison à Kurla, en banlieue de Mumbai, et son école de conduite dans le quartier de Chembur.
Depuis sept ans, Manisha Malvade est conductrice chez Priyadarshini Taxi Service, une entreprise entièrement composée de femmes. Les bons mois, elle peut gagner jusqu’à 30 000 roupies (près de 400 € ). Cela lui permet non seulement d’assurer les besoins vitaux de ses jeunes frères et sœurs, mais également de payer leurs frais de scolarité et d’université.
Les femmes comme Manisha Malvade sont la raison d’être de Priyadarshini Taxi Service, explique sa fondatrice. Susieben Shah, qui est également présidente de l’organisation caritative
Attirer des investisseurs constitue un autre défi. Susieben Shah, qui a financé l’entreprise grâce aux profits de la société d’export qu’elle gère par ailleurs, s’étonne que les bailleurs de fonds ne se pressent pas à la porte. « Contrairement aux ONG, nous avons des résultats bien tangibles. Nous réalisons des profits. Mais ils recherchent la possibilité de changer d’échelle et une clause de sortie ». Ce qui n’entame pas sa détermination à trouver de nouveaux investisseurs et sa conviction que, d’ici deux ans, Priyadarshini Taxi Service se sera développé partout en Inde. « Je ne suis pas sur le point d’abandonner », prévient-elle.
Renoncer est encore moins à l’ordre du jour pour les conductrices.
Manisha Malvade est aujourd’hui épouse et mère d’un fils d’un an. Sa belle-famille n’a pas exigé qu’elle quitte son travail, comme c’est souvent le cas en Inde lorsqu’une jeune femme se marie. Au contraire, sa belle-mère l’aide en s’occupant du bébé lorsqu’elle enchaîne ses journées de 12 heures. « Ma vie a complétement changé. Je ne me sens pas moins capable qu’un homme ».
Il a fallu affronter de vrais défis, ce qu’elle continue de faire avec énergie et détermination. Par exemple, en ignorant les conducteurs des taxis noirs et jaunes de Mumbai qui tentent de la chasser des stations de taxi et se moquent d’elle : « Reste à la maison ! Que sais-tu de la conduite ? ». Un passager refuse de payer ? Elle appelle la police. Lorsqu’un conducteur s’en est pris à elle en la dépassant pour lui bloquer la route, elle l’a stoppé, attrapé par la peau du cou et giflé de toutes ses forces. Elle n’a pas encore eu besoin d’utiliser le spray au poivre que Priyadarshini Taxi Service place dans chaque voiture. « L’entreprise nous dit que, si nous avons peur, nous n’arriverons pas à conduire. Et j’adore conduire, je le fais vraiment bien ! », s’exclame Manisha Malvade. « Vous n’avez pas à me croire sur parole : tous mes clients disent que je suis une super conductrice ! ».
Susieben Shah et les 200 autres femmes formées par Priyadarshini Taxi Service savent qu’elles font bien plus que conduire une voiture. Elles bousculent les stéréotypes et affirment leur indépendance sociale et financière. Tout en défrichant cette nouvelle voie, elles rendent également plus sûrs les déplacements des autres femmes.