Enseignement supérieur privé au Burkina: mode d’emploi du nouveau cahier des charges des IPES
• Des examens nationaux obligatoires
• Le recrutement d’enseignants retraités soumis à des quotas
• Pour améliorer la qualité de l’enseignement
Par arrêté en date du 13 novembre 2025, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) adoptait un nouveau cahier des charges des Institutions privées d’enseignement supérieur (IPES) au Burkina Faso. Il n’en a pas fallu plus pour que la polémique enfle, ce nouveau CDC ayant introduit des réformes diversement appréciées au sein de l’opinion. Non pas pour répondre à cette polémique, mais « dans le cadre d’un plan de communication » sur ce sujet, le Secrétaire général du ministère, Pr Samuel Paré, et la Directrice générale des IPES, Dr Mariette Minoungou, étaient face à la presse le 18 novembre 2025, à Ouagadougou. Objectif : présenter les principales innovations du nouveau dispositif règlementaire qui encadre désormais la création, l’ouverture, le fonctionnement, l’évaluation et la fermeture des IPES au Burkina Faso. Mais aussi saisir l’occasion pour lever les incompréhensions.
Avec les journalistes, quatre points essentiels de la réforme ont été abordés : la personnalité morale des IPES ; les exigences en matière de recrutement des enseignants permanents ; les formations de Licence et Master en sciences infirmières et obstétricales et l’organisation d’examens nationaux. Ce dernier point avait particulièrement nourri la controverse. En effet, le nouveau cahier des charges vient instituer des examens nationaux obligatoires qui n’étaient prévus que comme une simple faculté pour l’État.
Si, dans le principe, les diplômes délivrés par les Institutions d’enseignement supérieur et de recherche (IESR) publiques sont d’office reconnus par l’État et sont dans certains cas des diplômes d’État, ce n’était pas le cas des parchemins émis par les IPES, lesquels diplômes doivent encore faire l’objet de reconnaissance par l’État. A travers les nouvelles dispositions, les IPES devront préparer leurs étudiants pour être présentés à des diplômes délivrés par l’État. Le Secrétaire général du ministère a précisé que pour toutes les IPES ne formant pas en sciences de la santé, l’obtention des diplômes de Licence (3e année), de Master (5e année) et de Doctorat (8e année) se passera désormais à travers des évaluations nationales, organisées par les IESR publiques pour l’ensemble des étudiants de ce domaine.
Pour les IPES formant spécifiquement en sciences de la santé, tous les passages en classe supérieure (de la 1re année de licence à la dernière année de Doctorat) feront l’objet d’évaluations nationales organisées par les IESR publiques. « Ce dispositif vise à harmoniser les standards de formation mais aussi à dispenser les titulaires des diplômes d’IPES des procédures quelquefois longues imposées avant toute reconnaissance de ces diplômes par l’État », a expliqué Samuel Paré. Et de souligner que ces examens, qui devraient être une réalité au terme de l’année 2025-2026, valent aussi bien pour les établissements privés que publics. Les évaluations nationales vont-elles remplacer les soutenances ? La question reste posée, puisque « les réflexions se poursuivent à ce sujet », selon Mariette Minoungou.
Qu’en est-il des nouvelles dispositions liées au recrutement des enseignants ? La nouvelle règlementation est claire : toute IPES doit, au moment de son ouverture effective, disposer pour chaque offre de formation d’un minimum de trois enseignants permanents, titulaires d’un Doctorat unique, d’un PhD ou équivalent, pour un institut supérieur ou une grande école ; de cinq enseignants permanents, titulaires d’un Doctorat unique, PhD ou équivalent, s’il s’agit d’une université. En outre, toute IPES doit compter, dans l’effectif total de ses enseignants, au moins 20% d’enseignants permanents, après 10 années académiques de fonctionnement et au moins 50% d’enseignants permanents après 25 années académiques. Le personnel enseignant n’ayant pas le statut d’enseignant-chercheur, d’enseignant hospitalo-universitaire ou de chercheur est désormais astreint à une autorisation d’enseigner, délivrée par le ministère de l’Enseignement supérieur. Précision du Pr Samuel Paré, la délivrance de cette autorisation est subordonnée à une formation préalable justifiée par la présentation d’un certificat de pédagogie universitaire délivré par une IESR. Par ailleurs, la nouvelle règlementation conditionne l’ouverture de toute nouvelle offre de formation dans une IPES au recrutement d’au moins un enseignant permanent supplémentaire dans le domaine de l’offre de formation à ouvrir.
Pour le cas spécifique des IPES formant en sciences de la santé, des exigences particulières sont prévues sur la question des ressources humaines, sensibilité de ce domaine de formation oblige. De ce fait, toute IPES qui sollicite la délivrance d’une autorisation d’ouverture d’une offre de formation en Médecine, Pharmacie ou Chirurgie dentaire ou encore en Sciences et médecine vétérinaires doit préalablement disposer d’au moins 60% d’enseignants hospitalo-universitaires permanents dans certaines spécialités médicales. En outre, ces enseignants hospitalo-universitaires doivent avoir tout au plus 50 ans pour au moins 50% des effectifs totaux ; entre 51 et 65 ans pour au plus 30% des effectifs ; plus de 65 ans pour au plus 20% des effectifs totaux. Selon les conférenciers, le recrutement d’enseignants retraités n’est pas interdit, il doit simplement obéir aux quotas définis. « On ne souhaite pas que les IPES fonctionnent uniquement avec des retraités, alors qu’il y a des jeunes qui souhaitent d’être recrutés », a martelé Samuel Paré.
Pour le reste des points abordés avec les journalistes, il faut retenir que désormais, les formations de Licence et de Master en sciences infirmières et obstétricales ne relèvent plus des IPES. Ces formations feront l’objet d’agréments délivrés par le ministère de la Santé, pour les niveaux inférieurs au Baccalauréat, et réservées aux IESR publiques, pour les niveaux post-Baccalauréat. Par ailleurs , le nouveau CDC prévoit que toute IPES doit désormais être une personne morale de droit burkinabè, constituée en association ou en société, avec un contrôle effectif exercé par des Burkinabè. Le siège social de cette IPES doit nécessairement être établi au Burkina Faso, et le premier responsable (Directeur général, Recteur ou Président) est astreint à l’obligation de résider sur le territoire national.
Foi du SG du ministère, « toutes ces réformes engagées par le gouvernement traduisent une volonté ferme d’améliorer durablement la qualité de l’enseignement supérieur privé, de sécuriser les parcours académiques des étudiants, et de consolider la valeur et la compétitivité des diplômes délivrés au plan national et international ».
Béranger KABRE (Collaborateur)


