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Société financière internationale (SFI): « Nous avons pris le pari d’augmenter fortement nos investissements dans nos pays », Olivier Buyoya, Directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest de la SFI

  • Des programmes et des solutions pour le secteur privé local
  • Près de 400 millions de dollars d’investissement par an au Burkina Faso
  • 1,2 milliard de dollars dans le sahel ces cinq dernières années

  Olivier Buyoya est le Directeur régional de la Société Financière Internationale du groupe Banque Mondiale pour l’Afrique de l’Ouest, basé à Dakar au Sénégal. Présent à Ouagadougou pour l’inauguration de l’hôtel Azalaï, il s’est entretenu avec L’Economiste du Faso et Lefaso.net dans l’après-midi du mardi 17 février 2025. Entre les missions et les défis de la SFI, il explique les stratégies adoptées sur le terrain pour faire face à la situation sécuritaire afin de favoriser la création d’emplois et le partage de la richesse au Burkina Faso et dans le Sahel.

  • L’Economiste du Faso: On décrit la Société Financière Internationale comme une entité sœur, faisant partie du groupe de la Banque mondiale. Pouvez-vous revenir sur la mission de cette institution ?
1-« Nous sommes convaincus que nos pays ont besoin d’emplois pour la jeunesse ». (Photo: Yvan Sama)

Olivier Buyoya, Directeur régional SFI : La Société financière internationale (SFI) est une des entités du groupe de la Banque mondiale qui a reçu comme mandat de travailler à accompagner le développement des secteurs privés dans les pays où elle intervient. Comme nous faisons partie du groupe de la Banque mondiale, nous avons les mêmes actionnaires. Je parle là de l’ensemble des États membres du groupe de la Banque mondiale. Nous avons le même président, en la personne d’Ajay Banga, les mêmes objectifs et les mêmes missions. Et aujourd’hui, la mission du groupe de la Banque mondiale se résume en ces mots : faire en sorte qu’on puisse éradiquer l’extrême pauvreté dans les pays où nous intervenons et créer une prospérité partagée sur une planète sur laquelle on peut tous vivre.

  • Quels sont les défis et les opportunités de la SFI ?

Notre mission, comme elle a été définie, consiste à travailler de sorte à réduire la pauvreté dans nos pays. Du coup, le premier défi, c’est la démographie. Nous avons aujourd’hui une croissance rapide de la population, une urbanisation grandissante et surtout une composition de cette population assez unique dans le monde. Nos pays en Afrique sont les pays où nous avons le plus de jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Le défi essentiel face à cette augmentation de la population et de l’urbanisation, c’est faire en sorte de trouver des emplois décents à nos jeunes. À partir de là, lorsqu’on déroule les conditions qu’il faudrait pour créer ces emplois, on découle sur plusieurs défis spécifiques. On note, entre autres, les défis liés à l’accès à l’énergie, à l’éducation adaptée aux besoins du marché du travail, au bien-être de la population, à la santé, etc.

En outre, nous sommes dans le Sahel, plus précisément au Burkina Faso. Il y a des défis conjoncturels et spécifiques, mais aussi des défis sécuritaires. La région dans laquelle nous sommes est vulnérable, car traversée par des conflits. Le défi sécuritaire est peut-être ce dont on sait le plus du Sahel aujourd’hui. Et on ne parle de secteur privé, de création d’emplois, sans la sécurité. C’est un peu comme le corps humain sans la santé. On ne peut pas faire grand-chose. Nous avons aussi le défi climatique. Aujourd’hui, ce sont les inondations. Demain, la sécheresse. Et ces défis liés au changement climatique percutent et amplifient les autres défis dont nous avons parlé.

Le tableau ne serait pas complet si on ne parlait que des défis. Il y a des opportunités. Et il y a des défis qu’on peut convertir en opportunités. J’ai parlé plus haut de la démographie. Dans d’autres pays, on a parlé de dividendes démographiques. C’est-à-dire que si on arrive à éduquer nos jeunes, si on arrive à autonomiser nos femmes, si on arrive à créer des infrastructures qui permettent à ce que les entreprises, le secteur privé, puissent créer des emplois, on pourra transformer les défis en opportunités. Avoir une population jeune est un atout majeur. On le voit dans les pays un peu plus avancés qui n’ont pas cette chance d’avoir une population jeune. D’ailleurs, ces pays ont prospéré parce qu’à un moment donné, ils ont tiré profit de leur dividende démographique. Il y a, dans les pays du Sahel, dans les pays de la région, des ressources naturelles. Il y a un potentiel agricole. Ce sont autant d’atouts qu’on peut valoriser, qu’on doit valoriser. Et c’est là où les interventions du groupe de la Banque mondiale en support au secteur public pour la Banque mondiale et en support au secteur privé avec la SFI, essayent au quotidien de relever ces défis pour les convertir en opportunités.

  • Comment se matérialisent ces actions sur le terrain ? Est-ce en créant des centres de santé, par exemple, ou en offrant des financements pour que les institutions avec lesquelles vous travaillez se chargent d’en disposer selon les besoins ?

Cette question m’amène peut-être à aussi clarifier les différences qui existent entre les entités du groupe de la Banque mondiale et leurs domaines d’intervention. Vous avez parlé de concours financiers, de dons, d’assistance faits aux entités gouvernementales. Effectivement, la Banque mondiale, à travers ces interventions ici au Burkina Faso et dans la région, y contribue fortement. Au Burkina Faso, le portefeuille de la Banque mondiale s’élève à plusieurs milliards de dollars, ventilé sur plusieurs domaines d’intervention : l’éducation, la santé, l’agriculture, etc. Nous, nous ne finançons et n’accompagnons pas les structures publiques ou les structures étatiques. Notre domaine d’intervention nous amène à identifier des partenaires du secteur privé, ce que nous appelons les clients, autrement dit, les entreprises du secteur privé. C’est au travers de ces institutions-là que nous déployons nos solutions de financement, mais aussi au travers d’assistances techniques qui interviennent dans les mêmes secteurs. Les groupes Coris Bank, Vista, Bank of Africa, Ecobank sont nos clients par exemple. Nous leur donnons de l’argent et de l’assistance technique avec comme objectif qu’ils puissent prêter ces fonds-là à un certain nombre de leurs clients dans les secteurs d’intervention.

Nous accompagnons aussi les entreprises du secteur privé dans l’énergie. À titre d’exemple, nous avons financé la centrale solaire de Ziniaré qui produit 27 mégawatts, avec un projet d’extension de 10 mégawatts dans les mois à venir. Nous avons financé la société Sodigaz, qui est le leader au Burkina Faso pour la distribution des gaz, gaz de cuisson, entre autres. Nous avons, dans le passé, financé des entreprises comme la Sofitex, une entreprise para-étatique. Aujourd’hui, nous avons un portefeuille grandissant. Nous faisons à peu près 400 millions de dollars d’investissement par an au Burkina Faso. Et nous avons l’ambition, de doubler même cette enveloppe, dans certains secteurs comme la santé. Aujourd’hui, nous avons identifié un certain nombre de cliniques privées qui complètent ce que font les hôpitaux publics dans les soins de la santé. Dernièrement, nous avons participé à la réouverture de l’hôtel Azalaï de Ouagadougou, qui comporte 270 chambres, si je ne m’abuse, et qui va contribuer à la création de 500 emplois directs et indirects. Nous cherchons donc à contribuer à la création d’emplois dans l’objectif de réduire la pauvreté et de créer notre prospérité.

  • On retient de vos explications la possibilité de passer par les banques ou autres institutions privées pour atteindre directement ceux qui ont besoin d’investissements. Quels sont les critères déterminants pour bénéficier directement de vos investissements ?

On nous fait le reproche, parfois à juste titre, parfois à tort, que nous avons des critères de sélection et d’investissement qui sont exigeants. Mais avant de parler de ces critères-là, permettez-moi de faire deux ou trois précisions.

La première précision : les fonds que nous investissons dans les pays où nous intervenons ne sont pas des fonds de la SFI, ils proviennent de la contribution de chaque pays membres. Nous avons une responsabilité de s’assurer que les fonds qui sont investis puissent servir à l’objectif qui leur est assigné, mais aussi si c’est un prêt qu’il soit remboursé. Ensuite, nous devons promouvoir des principes de gouvernance, de bonne gouvernance, des principes de gestion. Nous nous devons de financer le secteur privé qui adhère à ces principes pour que demain les autres bailleurs de fonds, en regardant les investissements de la SFI, puissent dire « Ah, dans ce pays-là, les investissements que la SFI a faits sont de bons investissements ».

Pour répondre à votre question, le premier critère, c’est vraiment la probité, la moralité, des entreprises et des entrepreneurs que nous finançons. Ensuite, c’est l’adéquation entre le besoin de financement et la capacité de remboursement et de gestion de l’entreprise. Donc, nous avons des critères aussi concernant le respect de certaines normes environnementales et sociales. J’insiste sur le mot « social ». Par exemple, il est très important que nous nous assurions que quand nous investissons dans une entreprise, que cette entreprise soit aux normes au niveau de la réglementation sociale en termes de traitement des employés, etc. C’est juste un exemple.

  • Qu’est-ce que l’IFC propose d’autre ?

Au-delà du financement, comme je le disais, en réalité, nous marchons sur deux jambes. Il y a vraiment le volet financement et aussi le volet assistance technique.

Qu’est-ce que ça veut dire en concret ? Quand une entreprise X vient nous voir en disant « Voilà, nous voulons un financement », mais en discutant avec eux, on se rend compte qu’au niveau de leur direction financière, les états financiers ne sont pas à jour, qu’ils ne reflètent pas l’état réel de l’entreprise, souvent au détriment de l’entreprise d’ailleurs, nous avons la capacité de les accompagner pour refaire l’état financier, pour pouvoir présenter une image fidèle à l’activité de l’entreprise.

Mais nous travaillons aussi avec les organisations patronales. Nous venons de signer, par exemple, un accord de partenariat avec le patronat pour pouvoir accompagner la faitière sur les aspects de comptabilité financière, de gestion financière des entreprises, pour pouvoir aider les membres de l’association à pouvoir se préparer à avoir ces discussions avec la SFI, mais aussi avec d’autres partenaires financiers.

  • Face au contexte difficile dans la sous-région, comment la SFI a adapté ses opérations pour soutenir le Burkina Faso et les pays du Sahel ?

En réalité, quand on regarde le monde d’aujourd’hui, beaucoup de pays traversent des situations similaires. Nous avons pris le pari d’augmenter significativement nos activités, notre présence locale, justement pour pouvoir être au plus près du secteur privé du Burkina dans ces moments difficiles. Pourquoi? C’est simple. La mission du groupe de la Banque mondiale et donc de la SFI, étant de réduire la pauvreté, en créant une prospérité partagée, nous sommes convaincus que la pauvreté est une des causes des crises qui traversent nos pays. Nous sommes convaincus que nos pays ont besoin d’emplois pour la jeunesse. Au lieu que cette jeunesse soit victime et aussi parfois acteur de ces conflits, il faut créer des emplois.

A partir de ce moment-là, par déduction logique, en tant qu’une institution de développement, nous avons pris le pari d’augmenter fortement nos investissements dans nos pays. Nous le faisons avec célérité, en identifiant les acteurs du secteur privé local avec qui nous pourrons réaliser ces objectifs. Donc, au cours des cinq dernières années, nous avons déployé jusqu’à 1,2 milliard de dollars qui correspondent aux années où la crise sécuritaire est la plus forte.

Ensuite, effectivement, quand il y a des situations de crise, il y a certains investisseurs, certains acteurs du secteur privé qui freinent ou restreignent leurs investissements pour des raisons de risque. Mais il y en a d’autres qui investissent. C’est le secteur privé local. C’est pour ça que nous avons développé des programmes et des solutions pour être auprès de ces gens-là. Ce n’est pas facile pour eux. Ce n’est pas facile pour ceux qui les financent. Mais c’est indispensable pour nos pays.

  • Pour ce qui est du Burkina Faso, de manière précise, de quelles solutions innovantes dispose la SFI afin de pouvoir s’adapter aux réalités du terrain?

Nous avons incorporé les leçons que nous avons apprises ici au Burkina et ailleurs : l’identification des clients, la célérité dans le traitement des dossiers, l’accompagnement au-delà du financement. Ensuite, nous voyons aujourd’hui se développer des solutions sur des plateformes technologiques qui permettent de pouvoir accéder aux soins médicaux, à la distribution des entrants, à la distribution des médicaments, qui permettent de gérer un certain nombre de risques qui existaient avant, sur des plateformes technologiques. Nous investissons massivement au travers d’un département, dans des plateformes technologiques, des startups.

Nous investissons, avec nos collègues de la Banque mondiale, dans la création des écosystèmes qui permettent aux startups et aux entrepreneurs, souvent jeunes, de pouvoir développer des solutions adaptées dans le pays. Et maintenant, nous allons pouvoir déployer ces solutions au travers des plateformes qui existent au niveau de l’ICF. Voilà un exemple concret de ce que nous essayons de faire au Sahel.

Ce que nous essayons de faire au Burkina Faso, c’est d’utiliser la force créatrice de la jeunesse pour pouvoir résoudre nos problèmes de développement. C’est une innovation que nous allons dérouler dans nos programmes, ici, au Burkina Faso.

 

Encadré

Les investissements de SFI au Sahel

Vous avez investi plus de 1,2 milliard de dollars ces cinq dernières années dans le Sahel. Ya-t-il une auto-évaluation au niveau de la SFI de sorte à savoir l’impact des projets ou programmes sur les bénéficiaires ?

« Non seulement on s’auto-évalue, mais on est évalué aussi par nos mandants. Tous les projets de la SFI, comme les projets de la Banque mondiale, doivent être approuvés par le Conseil d’administration de la Banque mondiale. Chaque projet inclut des indicateurs de performance qui sont inclus au moment de la conception du projet et à une date ultérieure, il y a un processus en place pour pouvoir évaluer l’impact du projet par rapport aux indicateurs de performance établis.

Ce processus est fait d’une façon totalement indépendante par des équipes indépendantes des équipes qui ont conçu le projet. Donc effectivement, il y a une stricte évaluation de l’impact de nos projets », a expliqué Olivier Buyoya, Directeur régional de SFI.

Moumouni SIMPORE

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