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Rencontres musicales africaines (REMA) 2024: «J’envoie beaucoup de force aux soldats burkinabè », dixit Alif Naaba

Ouagadougou accueille à partir du 17 octobre 2024, la 7e édition des Rencontres musicales africaines (REMA). Placées sous le thème « L’Afro-digital créatif et économique en émergence », ces rencontres regrouperont plusieurs activités.  Conférences, formations et concerts géants auront lieu tout au long de ce rendez-vous musical. Des artistes de 32 pays et plus de 800 professionnels de la musique et de l’industrie musicale sont attendus à Ouagadougou et aussi à Bobo-Dioulasso.

L’Economiste du Faso a rencontré le promoteur de l’évènement, Mohamed Kaboré alias Alif Naaba. Avec lui, la Rédaction est revenue sur l’importance de ce thème, dans un monde de plus en plus digital, et sur son expérience dans l’économie de la musique.

Je donne rendez-vous à tout le monde, pour que nous continuions à garder notre pays debout, les 17, 18, 19 octobre 2024, à Ouagadougou, et les 25, 26 octobre 2024 à Bobo-Dioulasso.

L’Economiste du Faso : Les Rencontres musicales africaines (REMA) démarreront le 17 octobre prochain, le thème de cette année parle de « Afro-digital ». Est-ce un concept qui existe ou a-t-il été inventé pour l’occasion ?

Alif Naaba : Il s’agit d’un jeu de mots que nous avons trouvé. Nous avons essayé de coller le côté Afro pour montrer comment les Africains se sont accaparés du digital pour le contextualiser. Donc oui, nous avons donc trouvé ce mot Afro que nous avons rajouté au digital. Mais ça montre tout de suite le digital dans le contexte africain.

Concrètement, peut-on parler de digital africain ?

Le thème de cette année tourne autour de cette question. Comment les Africains vont utiliser le digital pour se créer des modèles. C’est de cela que nous allons parler. Nous parlerons aussi de modèles créatifs pour impacter leur créatif et aussi pour impacter l’économique. 

Qu’attendez-vous concrètement à la fin des échanges ? 

À la fin des échanges, ce qu›on attend, c›est qu›on puisse se rendre compte aujourd›hui de l›impact combien important du dispositif du digital dans le créatif.  Et surtout des outils, des hardwares qui existent, qui peuvent contribuer à aider dans le créatif.  Vous savez qu’aujourd’hui, on parle évidemment de l’IA qui est venue donc s’intégrer dans le créatif. Et de comment est-ce que cela peut être utilisé.  Ce sont des choses qu’on doit savoir aujourd’hui. 

Et comment dans tout ce travail d’innovations et de bouleversement aussi avec l’IA, la question du droit d’auteur se pose ? Et puis surtout montrer comment avec nos industries en Afrique qui sont beaucoup plus basées sur des productions, des autoproductions, avec le digital, on peut éventuellement se créer notre part de marché.

Mais plus loin, c’est aussi comment avec le digital, l’Afrique, les créatifs africains peuvent impacter positivement leur création, l’emmener plus loin, donc pouvoir enregistrer, créer des contenus avec peu.  Et puis surtout, comment ils peuvent briser les frontières, parce qu’avec le digital, il n’y a plus de frontières physiques. Et pour cela, combien ça rapporte et comment ça rapporte économiquement aux acteurs ?  C’est ça qu’on veut mettre sur la table en invitant éventuellement des experts et des professionnels pour donner de leurs expériences.

Et pourquoi ce thème, parce qu’aussi, on s’est rendu compte que depuis quelques années, la musique africaine est en train de gagner des batailles de nouveaux intérêts en ce moment. Des jeunes qui partent d’une petite production qui n’est pas les grosses productions d’avant.  Donc il y a eu des changements.

Les artistes font aussi face au piratage, vous allez vous pencher sur l’usage du digital. Dans vos formations, la question de la protection des œuvres sera-t-elle abordée ?

Oui. Je parlais tout à l’heure de piratage, c’est en relation avec l’Intelligence artificielle (IA). Avec l’IA, vous savez qu’aujourd’hui, on peut faire tout ce qu’on veut, on peut créer des chansons, et c’est là que la question du droit de l’auteur se pose. Alors, oui, nous allons parler de cela dans le panel. Toutes ces questions vont être soulevées dans ce panel, c’est pour ça qu’il faut être là pour suivre ce panel, parce que c’est vraiment au cœur, la thématique est vraiment au cœur de nos préoccupations actuelles, et surtout de notre envie actuelle en tant qu›artiste d›aller loin avec la musique africaine, d›aller à la conquête du monde entier. Quand vous prenez la musique du Nigeria aujourd›hui, c›est un exemple. Il y a des master classes dans lesquelles il faut apprendre, il faut visualiser.  Quand vous prenez l’exemple de l’Afrique du Sud avec LE Ama-piano. Tout ça a été possible grâce au digital qui est venu donner aux jeunes la possibilité illimitée de créer, de diffuser sans avoir à se poser mille et une questions. Il faut que l’Afrique tende vers cela. 

Justement, en parlant du panel, quelles sont les têtes d’affiche que vous attendez ? 

Pour les panels, on n’a pas de tête d’affiche. Mais on a des super panélistes qui sont des professionnels chacun dans son pays.  Nous attendons des panélistes qui sont des Directeurs de festivals, des Directeurs de maisons de disques, des Directeurs de plateformes, des Directeurs de marchés et de journalistes. Nous avons beaucoup de pays comme le Brésil, le Burkina, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal, la Colombie, la France, etc.  Ce sont tous des experts qui ont cette grosse notion de l’industrie du disque sur le continent et dans le monde.

Le gouvernement a impulsé une nouvelle dynamique de vulgarisation de la culture traditionnelle. Ce thème axé sur le digital touche-t-il aussi les artistes traditionnels ? Ont-ils leur place aux REMA ? 

Oui, bien sûr, d’ailleurs, dans notre programmation du Grand Concert, nous recevons l’artiste culturel, le papa Zougouna Zagamda. Aux REMA 2023, nous avons programmé Abibou Sawadogo. Chaque année, nous avons, à la cérémonie d’ouverture, un artiste qui joue de la musique traditionnelle, nous avons reçu des groupes de « Salou », etc. Pour nous, ce mixage est important et Afro, et c’est pour ça que nous parlons d’Afro-digital. Donc, nous allons aussi pouvoir présenter des œuvres qui sont de la musique traditionnelle, et d’ailleurs, en 2017-2018, j’avais organisé, avec la Cour du Naaba, une formation sur l’actualisation de la musique traditionnelle. Il s’agissait de faire en sorte que la musique traditionnelle rencontre la musique classique normale, sans qu’il y ait un déphasage, et nous avons formé des gens pendant un bon bout de temps, des musiciens traditionnels, pour leur apprendre à s’accorder, à jouer dans les normes, au niveau des gammes. Nous sommes dans cette dynamique en se disant que les musiciens traditionnels doivent aller vers la rencontre du monde.

Vous savez, un musicien comme Zougouna Zagamda, qui a énormément donné à notre culture, imaginez qu’un jeune qui le découvre aux Rema, et qui est peut-être un gros DJ décide, par exemple, de faire un mix des sons de cet artiste et que cette chanson devienne virale ? Pour nous, cela ne peut se faire qu’en donnant le plateau et l’espace aux musiques traditionnelles, pour que ces musiques-là s’expriment. 

Parlons budget, l’année dernière, vous annonciez un budget de près de 200 millions FCFA pour l’organisation des Rema. Pour cette année, quel est le budget estimatif que vous avez ? 

L’année 2023, oui, effectivement, le budget était conséquent, mais 2024, vous voyez avec la situation du pays, ce n’est pas évident. L’autre raison c’est qu’en 2023, nous avions aussi le projet Nos voix pour la paix qui s’accrochait évidemment aux REMA, avec des tournées dans les différentes villes et tout ça.  Cette année, nous sommes en deçà de ce montant, mais le rêve, lui, n’a pas changé.

Nous avons la chance d’avoir aussi des partenariats. Il y a beaucoup de partenaires qui nous accompagnent aussi en nature et qui sont des partenariats très gagnants pour nous en termes de communication, en termes de mobilisation du matériel et tout.  Notre rêve n’a pas changé, au contraire, il a grandi. Nous voulons donc, avec le peu que nous allons pouvoir récolter cette année, pouvoir en tout cas proposer un REMA au format international, qui respecte les codes et les normes.

Revenons sur l’organisation même des REMA, qu’est-ce qui a poussé Alif Naaba à s’intéresser à l’économie de la musique ? Si vous deviez revenir en arrière, alliez-vous continuer dans cette lancée-là ? 

Oui, bien sûr, avec plaisir. Aujourd’hui, nous sommes très heureux de voir que les REMA contribuent à la structuration, à la création de réseaux aussi. Donc, on va dire que nous contribuons au désenclavement plus ou moins de la musique. Et pour parler de résultats de mes actions, il y a quelques années, nous avons parlé de la copie privée et avec l’UEMOA, nous avons organisé, à l›époque, avec les bureaux de gestion collective, les droits d’auteur à Ouagadougou, avec les professionnels et tout le monde. Et puis, l’UEMOA, ils sont restés sur une plateforme avec nous aux côtés d’autres institutions.

Et voilà que l’année dernière, la loi pour la remodernisation de la copie privée dans la zone UEMOA a été adoptée.  C’est ça l’esprit des REMA. Débattre des thématiques qui peuvent changer la vie des artistes.

Les REMA, c’est jeudi prochain. Un message personnel au public ?

C’est un message de paix et d’amour pour mon pays, j’envoie beaucoup de paix et d’amour, beaucoup de force aux soldats burkinabè, sur les fronts, beaucoup d’amour et d’unité pour mon pays. Je rêve de ce Burkina de paix, et je prie que Dieu donne la force au pays de se lever comme il a toujours su se lever. Notre pays est un grand et fort pays et je salue le courage, la jeunesse, et la résilience de mon peuple. Et je donne rendez-vous à tout le monde, pour que nous continuions à garder notre pays debout, les 17, 18, 19 octobre 2024, à Ouagadougou, et les 25, 26 octobre 2024 à Bobo-Dioulasso. o

Entretien réalisé par ESS

 

Encadré

Des artistes qui se réorientent

L’Economiste du Faso : Avec votre partage d’expérience sur le business autour de la musique, quel est le retour que vous avez des artistes ?

Alif Naaba : Oui. Je vois les artistes réorienter leur carrière, et se remettre en question, ce qui est très important. Cette prise de conscience ne s’arrête pas seulement au niveau des artistes, mais aussi des labels qui produisent. De nos jours, ils sont beaucoup plus informés, ils savent un peu plus ou moins comment il faut marcher, et donc ils se mettent dans une dynamique de se réorganiser. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’il faut participer au panel, et aux formations. C’est l’occasion de rencontrer des gens qui ont plus d’expérience qu’eux et donc du coup, ils apprennent de cela et ils corrigent les erreurs, et les résultats sont là. On voit des labels qui sont de plus en plus organisés au Burkina, des artistes qui sont de plus en plus clairvoyants par rapport à leur carrière, donc nous pensons que petit à petit, en tout cas, nous sommes en train de mettre de l’huile dans le haricot, et qu’avec le temps, tous les grains de haricot seront donc touchés.o

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