• Dissociation du projet relatif au contenu local de celui portant Code minier
• Des avantages pour l’Etat dans le commerce de l’or
• La liste des innovations majeures
L’Assemblée législative de transition (ALT) a adopté, à l’unanimité, le 18 juillet dernier, le projet de loi portant Code minier du Burkina Faso. Celui-ci comporte 309 articles, répartis en 10 titres relatifs : aux dispositions générales, aux titres miniers, aux droits et obligations liés à l’exercice des activités minières, les taxes et redevances minières, la fiscalité minière, des garanties financières et de la règlementation des changes, au suivi-contrôle des activités minières, la répression des violations des dispositions relatives aux activités minières, la commercialisation de l’or et des autres substances minérales et aux dispositions transitoires.
« A la faveur de la montée des cours des métaux précieux, notamment ceux de l’or, l’affluence des investisseurs miniers reste accrue. L’objectif global du projet de loi portant Code minier du Burkina Faso est de disposer d’une législation ayant une approche holistique de l’activité minière et de la commercialisation de l’or et des autres substances minérales », peut-on lire dans l’exposé des motifs du projet de loi structuré en trois points : – contexte et justification, – processus d’élaboration, – présentation du projet de loi.
Ainsi, ce nouvel instrument juridique permettra au gouvernement de « mieux encadrer le secteur minier et faire générer des recettes au profit de la population dans la durée, d’une part, et de contribuer à la réalisation de deux missions principales assignées à la Transition, d’autre part, à travers les points suivants : – le rétablissement et le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national ; – l’apport d’une réponse urgente, efficace et efficiente à la crise sécuritaire et humanitaire ; – la prise en compte du traitement des résidus miniers dans la législation ; – la lutte contre la fraude à la commercialisation de l’or et des autres substances minérales », poursuit le document.
Sur la dissociation du projet de loi relatif au contenu local et celui portant Code minier
La première actualité sur ce projet de loi qui a été soumis à l’ALT, c’est la dissociation du projet de loi relatif au contenu local de celui portant Code minier. De l’exposé du gouvernement, il s’avère que l’élaboration du projet de loi portant contenu local dans le secteur minier est un processus qui a débuté depuis 2021, avec l’adoption de la Stratégie nationale du contenu local. Son élaboration visait essentiellement à prendre en charge toutes les composantes du contenu local qui n’étaient pas suffisamment prises en compte dans le Code minier en vigueur, c’est-à-dire celui de l’année 2015. Il s’agit essentiellement des questions relatives à la transformation, au développement du capital humain, à la promotion de la recherche-développement, au transfert de technologie et de savoir-faire, à la promotion des investisseurs nationaux et à l’économie des substances minérales, soulevées dans le champ d’application du Code minier sans pour autant qu’elles soient traitées en profondeur.
Cette situation explique la nécessité de l’élaboration d’un projet de loi portant règlementation du contenu local dans le secteur minier pour régir les questions qui relèvent du domaine de la loi. « Le recours à une loi sur la règlementation du contenu local dans le secteur minier se justifie donc par la volonté de traiter le contenu local dans un texte spécifique et la nécessité de prendre des dispositions par voie législative pour la mise en œuvre de la Stratégie nationale 2021-2025 du contenu local dans le secteur minier au Burkina Faso », a affirmé le gouvernement sur cette question. [Ndlr : La Rédaction de L’Economiste du Faso reviendra sur le projet de loi portant contenu local dans ses prochaines éditions].
Le contenu local constitue l’ensemble de mesures et mécanismes mis en place dans le cadre des conventions et contrats miniers pour contraindre les entreprises à s’impliquer davantage dans le développement socioéconomique du pays. Il peut se mesurer en termes de pourcentage de nationaux dans les emplois miniers, le transfert de compétences vers les nationaux, la formation des nationaux, le pourcentage de biens et de services locaux utilisés dans le secteur minier, la part des financements nationaux dans le secteur, etc., mais pas que. Le contenu local concerne aussi la part du capital détenu par les nationaux, le pourcentage d’entreprises locales qui traitent avec les mines et la transformation locale, etc.
Des avantages pour l’Etat en matière de commercialisation de l’or
Autre point à noter, ce sont les innovations en matière de commercialisation de l’or dans le nouveau projet de loi. Il s’agit, notamment, de : la consécration du droit de préemption de l’Etat en matière de commercialisation de l’or et des autres substances minérales. L’article 237 stipule ainsi que l’État dispose d’un droit de préemption en matière de commercialisation de l’or et des autres substances minérales d’exploitation industrielle, semi-mécanisée et artisanale. Ce droit est exercé par le Trésor public ou l’organisme public d’achat et de vente d’or et des autres substances minérales. Le droit de préemption est l’avantage qui est donné à l’Etat du Burkina Faso de pouvoir se substituer à l’acquéreur d’un droit ou d’un bien pour en faire l’acquisition à sa place et dans les mêmes conditions que ce dernier. Les conditions et modalités de l’exercice du droit de préemption, les attributions, l’organisation et le fonctionnement de l’organisme public d’achat et de vente d’or et des autres substances minérales sont fixés par voie règlementaire.
A sa suite, l’article 260 et 261 reviennent sur la prise en compte de la commercialisation de l’or et des autres métaux précieux issus du traitement des résidus miniers et la prise en compte de la commercialisation de l’or affiné au Burkina Faso. On note donc que le titulaire de l’agrément pour le traitement des résidus miniers a le droit de commercialiser, à l’intérieur et à l’extérieur du territoire national, l’or et les autres métaux précieux issus du traitement des résidus miniers. A l’intérieur du territoire national, l’or et les autres métaux précieux issus du traitement des résidus miniers sont vendus à l’organisme public d’achat et de vente d’or et des autres substances minérales. A l’extérieur du territoire national, l’or et les autres métaux précieux issus du traitement des résidus miniers sont commercialisés conformément à la règlementation en vigueur.
NK
Encadré
Sur l’impact environnemental des activités minières
«Les activités minières sont conduites de manière à assurer la préservation et la gestion durable de l’environnement dans les conditions et modalités établies par la règlementation en vigueur. Ainsi, des évaluations environnementales sont faites et assorties de Plan de gestion environnementale et sociale dont la mise en œuvre est suivie concomitamment par les départements en charge des mines et de l’environnement. Le dossier de Poura concernant le volet environnemental est suivi par le gouvernement. Il y a un permis d’exploitation industrielle qui a été octroyé à nouveau et englobant l’ancienne mine de Poura. Cela permettra de mieux suivre les paramètres et aspects environnementaux. L’exploration minière permet de mettre en évidence le potentiel minier du sol et du sous-sol du territoire national. Conformément au contrat-plan avec le BUMIGEB, des travaux de recherches géologiques et minières sont menés pour faire la cartographie détaillée, afin de mieux cerner la richesse minière pour permettre une meilleure planification, dans l’optique d’aider les prises de décision concernant la valorisation du potentiel minier. Parallèlement, des titres miniers sont octroyés aux acteurs privés à travers les permis de recherche. Cela permet d’attirer les investissements directs étrangers et de promouvoir l’expertise nationale, surtout dans le domaine minier. Les travaux de recherches favorisent la création d’emplois, le paiement des taxes et impôts et la découverte de gisements exploitables. Les gisements ainsi mis en évidence aboutissent à la mise en place d’unités d’exploitation semi-mécanisée ou industrielle avec toutes les retombées socioéconomiques.
A ce jour, l’ensemble des superficies occupées par les activités minières, toutes catégories confondues, est estimé à 47.140 km², soit environ 17,25% de la superficie totale du territoire national. Cela montre clairement que le pays est sous-exploré et que beaucoup de richesses sont méconnues, donc non mises en valeur ; toute chose qui augure un manque à gagner pour l’Etat. En tout état de cause, il est opportun de relever qu’une gestion efficace et responsable des richesses déjà mises en valeur permet de réaliser des investissements structurants (infrastructures) au bénéfice des populations présentes et des générations futures.
Au demeurant, à ce jour, près de 470 actifs miniers sont dans le portefeuille de l’Etat. La politique de leur cession se fait en tenant compte des intérêts liés à la souveraineté de l’Etat et des générations futures en lien avec le développement durable ».o
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Augmentation des parts de l’Etat dans les sociétés minières
Quelles appréciations le gouvernement fait-il de l’efficacité et de l’efficience des parts de l’Etat dans les sociétés minières qui pourraient justifier l’augmentation de ces parts à 15%, voire à 30% dans le projet de loi ?
« Le gouvernement, tout en appréciant favorablement la contribution apportée au Budget de l’Etat au titre des dividendes prioritaires représentant les 10% de parts gratuites, regrette l’attitude de certaines sociétés qui opposent aux dispositions du Code minier relatives aux dividendes prioritaires, les dispositions du droit OHADA qui laissent le soin à l’Assemblée générale ordinaire de décider de la distribution des dividendes. L’augmentation des actions gratuites au profit de l’Etat va permettre d’accroître la contribution des dividendes au Budget de l’Etat. Pour ce faire, des mesures seront prises par le gouvernement pour éviter que les sociétés minières ne fassent des résultats négatifs et que les dividendes prioritaires soient versés par toute société en cas de résultats positifs en fin d’exercice annuel. En dehors de ces actions gratuites, l’Etat peut prendre d’autres actions non gratuites, pour lui-même ou avec le privé national, conformément au droit OHADA.
Tableau récapitulatif des dividendes perçus par l’Etat de 2019 à 2022
Année | Montant (FCFA) |
2019 | 2.524.752.600 |
2020 | 6.499.415.318 |
2021 | 14.875.515.703 |
2022 | 29.929.015.488 |
En dehors des actions gratuites qui passent de 10 à 15%, l’Etat ou le privé national peut souscrire aux parts sociales de l’entreprise minière à titre onéreux pouvant aller jusqu’à 30%, conformément au droit OHADA.
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37 innovations majeures
Ce projet de loi comporte de nombreuses innovations. Voici les principales :
– la prise en compte de la commercialisation de l’or et des autres substances dans le Titre X ;
– la définition de l’actif minier (article 2) qui constitue une nouveauté, car ni notre Code minier en vigueur, ni les Codes communautaires n’ont donné une définition au terme « Actif minier » ;
– l’amodiation a été définie dans le projet de loi, car elle n’avait pas été définie dans le Code minier en vigueur (article 2) ;
– la contribution des sociétés minières d’exploitation à la constitution de la réserve nationale d’or (article 3) ;
– l’obligation faite aux entreprises d’exploitation minière d’ouvrir leur capital social aux investisseurs burkinabè (article 9) ;
– la modification du Fonds minier de développement local en Fonds minier de développement qui sera affecté au financement des projets de développement endogène et des plans communaux de développement et, au financement du Fonds de soutien patriotique et au financement d’un Fonds minier de soutien à la sécurité nationale à créer par décret (article 27) ;
– le taux des redevances proportionnelles affecté à l’alimentation du Fonds minier de développement sera désormais déterminé par voie règlementaire (article 28) ;
– la convention minière est susceptible de négociation d’un projet minier à l’autre (article 35) ;
– le renforcement du pouvoir des agents pour le suivi et le contrôle des activités minières (article 192) : désormais, les agents assermentés de l’Administration des mines ont la qualité d’officiers de police judiciaire ;
– l’exclusion des personnes physiques de l’attribution des permis de recherche (article 52) : les permis de recherche seront attribués uniquement aux personnes morales ;
– la réduction de la durée de dispense accordée aux entreprises d’exploitation minière pour les travaux préparatoires pour la mise en exploitation du gisement (article 75) : cette dispense est accordée pour deux (02) ans non renouvelables ;
– l’exclusion des permis d’exploitation industrielle de grande ou de petite mine du nantissement (article 71) : dans le Code minier en vigueur, le permis d’exploitation est un droit réel immobilier susceptible de nantissement, ils seront désormais susceptibles d’hypothèque ;
– l’augmentation de la participation de droit de l’Etat au capital des sociétés d’exploitation pour l’octroi d’un permis d’exploitation de grande ou de petite mine (article 66) : la participation de droit de l’Etat passe de 10 à 15%, conformément au Code minier de l’UEMOA. Cette augmentation va accroître les recettes au profit du Budget de l’Etat. Le droit pour l’Etat de souscrire d’au moins 30% pour lui et/ou le secteur privé national, à titre onéreux, une participation supplémentaire au capital des sociétés d’exploitation ;
– l’exclusion des élus nationaux et locaux d’avoir des titres miniers dans leurs circonscriptions administratives (article 42) ;
– la possibilité pour l’Etat de percevoir son dividende prioritaire en nature en fonction de la substance produite ou extraite (article 67) ;
– le recouvrement du dividende prioritaire par tout moyen (article 67) ;
– l’exigence de la notice d’impact environnemental et social en lieu et place de l’étude d’impact environnemental et social pour l’obtention du permis d’exploitation semi-mécanisée de substance de mine (article 78) ;
– la suppression des avantages fiscaux et douaniers accordés aux sociétés minières pendant la phase d’exploitation (articles 173, 174 et 176) : cette réduction, conforme au Code minier communautaire, va permettre d’augmenter les retombées financières au profit du Budget de l’Etat ;
– la possibilité pour le bénéficiaire de l’autorisation d’exploitation artisanale de substance de mine dont la superficie de son site est couverte par le permis d’exploitation de grande ou de petite mine de se faire dédommager par le nouvel exploitant ou d’être actionnaire de la société à hauteur d’au moins 10% (article 91) ;
– l’obligation faite au titulaire de grande ou de petite mine de transformer ou de valoriser au moins 50% de sa production sur le territoire national (article 70) ;
– la durée de validité d’un permis d’exploitation de grande mine passe de 20 à 10 ans (article 72) ;
– la durée de validité d’un permis d’exploitation de petite mine passe de 10 à 5 ans (article 73) ;
– l’augmentation des pénalités en cas de surproduction pour les titulaires des permis d’exploitation (article 214) : il est prévu 8 points si le dépassement est supérieur à 100% de la production prévisionnelle ;
– le renforcement de la sécurisation des activités minières et des sites miniers (article 148) : il est prévu que l’Etat assure la sécurisation des sites miniers et des activités minières à travers une structure nationale à créer ;
– la limitation du nombre de titres miniers par personne morale : l’article 13 prévoit la prise d’un acte règlementaire pour limiter le nombre de titres que peut détenir une personne morale ou physique ;
– l’obligation pour les titulaires des permis d’exploitation semi-mécanisée de vendre leurs produits sur le marché intérieur (article 80) ;
– la consécration du droit de préemption de l’Etat en matière de commercialisation de l’or et des autres substances minérales (article 237) ;
– la prise en compte de la commercialisation de l’or et des autres métaux précieux issus du traitement des résidus miniers (article 261) ;
– la prise en compte de la commercialisation de l’or affiné au Burkina Faso (article 258) ;
– la prise en compte de la commercialisation de l’or et des autres substances minérales uniquement sur le territoire national par les titulaires des permis d’exploitation semi-mécanisée (article 249), les bénéficiaires d’autorisations artisanales (article 251) ;
– les comptoirs et les titulaires d’agrément (article 254) ;
– l’exercice de l’activité d’affinage de l’or est soumis à l’obtention préalable d’un agrément (article 263) ;
– la prise en compte de la commercialisation des substances de carrières et la répression des violations dans le projet de loi portant Code minier (Titre IX) ;
– la fixation du moment de transaction avant qu’une décision judiciaire n’ait acquis l’autorité de la chose jugée (300) ;
– la compétence partagée entre les ministres chargés des mines et des finances dans l’exercice du droit de transiger (article 300) ;
– l’impossibilité pour les personnes physiques ou morales faisant l’objet de sanctions financières ciblées, d’investigations criminelles au plan national ou international en lien avec le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme de bénéficier d’agrément pour l’exercice des activités d’achat, de vente, de transformation, d’importation et d’exportation de l’or ou des autres substances minérales (article 306) ;
– l’institution et le renforcement des sanctions pénales et administratives contre les violations aux dispositions de la présente loi (chapitre 2 du titre VIII et chapitre 6 du titre IX).o