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Paiement de la dette intérieure flottante: «Le Trésor redouble d’éfforts», dixit Toé Serge, Directeur de la dette publique

• Pour faire face aussi bien aux dépenses urgentes

• Et aux dépenses dues à la dette intérieure flottante

L’Economiste du Faso : Qu’est-ce que le Burkinabè doit comprendre quand on dit dette du Burkina?

Toé Serge, Directeur de la dette publique : Ce qu’on appelle dette est un mot qui rassemble plusieurs catégorisations, nous avons ce que l’on appelle la dette intérieure et la dette extérieure, nous avons également la répartition en dette conventionnelle et dette flottante. C’est tout cet ensemble qui constitue le terme générique de la dette publique. Selon le manuel de statistique des finances publiques, vous avez 5 ou 6 catégories de dettes. Au niveau de la Direction de la dette publique, nous nous occupons particulièrement de ce que nous appelons dette contractuelle, à savoir la dette qui est basée sur un accord/convention ou sur un titre public. C’est ce que nous appelons couramment dans notre jargon dette publique, sur nos statistiques.

Maintenant, il y a ce qu’on appelle la dette flottante. Il s’agit d’engagements dus par l’Etat, à un certain moment donné, issus de l’exécution budgétaire à partir de la commande publique. C’est la dette fournisseur. Et c’est ce que les gens appellent communément la dette intérieure, alors que pour nous, la dette intérieure, au niveau de notre Direction, c’est la dette contractuelle ou sur titres, due à des agents résidents sur le territoire national, avec une exception relative aux titres publics sur le marché financier de l’UEMOA. En effet, même si le créancier se trouve hors du Burkina Faso et réside dans l’UEMOA, nous considérons cela comme de la dette intérieure, du fait du critère de la monnaie, qui est le FCFA.

Ainsi, la dette flottante, ce sont les engagements issus de la commande publique qui sont arrivés à échéance et qui sont dans le circuit de paiement. Cela signifie que la facture du fournisseur a franchi toutes les étapes et est arrivée au niveau du Trésor pour paiement, mais pas encore payée. Cette latence fait que l’on appelle ces factures-là, dette flottante. 

Lors de son intervention sur la RTB, pendant la SNC, à Bobo-Dioulasso, le Président du Faso, Ibrahim Traoré, a annoncé le début du paiement d’une partie de cette dette. Que pouvez-vous nous dire là-dessus ?

Je peux vous assurer que c’est l’une des priorités du Trésor actuellement et cela, conformément aux instructions de Son Excellence, on a accéléré le paiement des éléments de dette intérieure flottante. En effet, il faut retenir que ces paiements ont toujours été faits sans discontinue, toutefois, il y avait d’autres priorités, au regard de la situation du pays, ce qui faisait que certaines dépenses publiques étaient mises au ralenti, pour faire face à ces priorités.

Et suite au discours du président, le pied a été levé sur les dépenses militaires et le Trésor a redoublé d’efforts. Toutes les régies ont redoublé d’effort pour la mobilisation des ressources, pour pouvoir faire face aussi bien aux dépenses stratégiques et urgentes qu’aux dépenses dues à la dette flottante. Et je suis sûr que si vous allez sur le terrain, vous allez voir surtout au niveau des PME que beaucoup de paiements ont été faits.

Pour rassurer les entreprises, n’y aura-t-il plus de stand-by, ?

Non, comme je le dis, il s’agit de dette flottante, cela signifie qu’au fur et à mesure que l’on paye, il y a des paiements qui arrivent à échéance. C’est donc une dynamique qui a commencé et qui va se poursuivre. Il ne s’agit pas d’une opération ponctuelle, non, c’est un processus continuel.

Avez-vous une idée du montant de cette dette flottante à fin 2023 ?

En fait, il faut toujours garder en tête qu’il s’agit d’une dette flottante, le montant est donc dynamique. Je pourrai vous dire qu’au 31 décembre 2023, on avait tel montant, mais si je vous donne ce montant, cela n’a pas d’importance, parce qu’au 1er janvier, le montant aura évolué. L’important c’est ce que l’Etat s’engage à faire, c’est qu’on n’ait pas d’arriérés et aujourd’hui, tout est fait pour qu’on reste dans la limite du temps imparti pour les paiements.

C’est-à-dire combien de temps ?

Le délai légal pour l’Etat, c’est 3 mois. Et on fait tout pour rester dans ce délai de 3 mois. Le processus est engagé et l’objectif est d’arriver, à terme, à payer les factures et de revenir à notre situation d’antan, parce que si vous regardez notre historique, il y a quelques années, aucune facture ne faisait plus de 3 jours au Trésor. On était presqu’à flux tendu. Malheureusement, l’environnement a changé et cela n’est pas dû uniquement à notre situation au Burkina, mais cela impacte toute la zone de l’UEMOA. Il y a un resserrement de la trésorerie au niveau de toute la zone. Ce qui fait que les émissions que nous faisions parfois pour compléter les encaissements des Impôts deviennent difficiles à mettre en œuvre.

Avant, facilement, on pouvait mobiliser 20 milliards sur le marché, parce que l’on sait qu’on a des factures en instance et que cet argent pris sur le marché financier permet de régler rapidement ces factures et qu’on aura des entrées de ressources pour faire face à l’emprunt qu’on a fait. Mais aujourd’hui, sur le marché financier, c’est très difficile, mais vous voyez bien que nous continuons à lutter et que jusqu’à présent, nous arrivons à couvrir toutes nos émissions, même si cela nous revient relativement plus cher.

C’est le lieu de féliciter toutes les régies pour les efforts fournis dans la mobilisation des ressources internes et particulièrement, le Trésor public, pour ses actions sur le marché financier sous-régional.

Cette situation n’impacte-t-elle pas la signature Burkina au niveau du marché financier ?

Non, je pense aujourd’hui que nous conservons toujours une bonne signature, simplement parce que nous sommes un pays transparent. En matière de gestion de la dette, la Banque mondiale nous a classé premier parmi les pays IDA, cela signifie que tous les 9 critères de transparence de la banque ont été respectés. Nous faisons aussi l’effort de faire face à nos engagements. Aujourd’hui, le service de la dette est l’une des premières dépenses de l’Etat burkinabè. Tout cela fait que les investisseurs gardent leur confiance en la signature de l’Etat. De plus, avec les dernières initiatives du président du Faso, on mène le front sur deux axes. En plus de l’aspect militaire, il y a aussi l’aspect économique. Et ce front économique que nous menons rassure les investisseurs que la croissance n’est pas interrompue au Burkina Faso, l’économie est toujours croissante, nous avons des taux de croissance qui tournent autour de 3 à 5%. Tout cela signifie que nous continuons de créer de la richesse et cette richesse permet à son tour à l’Etat de faire face à ses engagements.

Cette année, le Burkina prévoit près de 1.200 milliards FCFA à lever sur le marché financier. Nous sommes presqu’à la moitié de l’année. Etes-vous optimiste que nous pourrons lever cette somme ?

Pour le reste de l’année, pour nous, l’optimisme reste de mise à la suite du succès retentissant qu’a connu notre Appel public à l’épargne du mois de mai 2024. Jusqu’à présent, nous avons toujours réussi à remplir nos objectifs de mobilisation. Il faut dire aussi que cet objectif peut varier en fonction de la réorientation de notre budget. Vous n’êtes pas sans savoir que la dette vient en comblement du déficit. Tel que ce déficit va se présenter, l’objectif va changer. Si par exemple, ce déficit se creuse plus, cela signifie qu’il y aura plus d’endettement. S’il s’amoindrit, cela signifie qu’il y aura moins de dette. Donc s’il y a moins de besoins, il n’y a pas de raison d’aller sur le marché pour emprunter plus. Ce sont des éléments que nous allons prendre en considération et on verra au fil du temps. Nous restons optimiste, parce que jusqu’à présent, les gens ont pensé tout ce qu’ils voulaient du Burkina, et jusqu’à présent, on rembourse nos dettes, on fait face à nos engagements, il n’y a donc pas de raison que les investisseurs ne continuent pas de nous faire confiance.

Certaines prévisions disaient que le Burkina allait se retrouver en défaut de paiement. Cela n’est pas arrivé. Comment travaillez-vous pour que cela n’arrive pas ? Est-ce grâce à votre expertise ?

C’est tout un ensemble d’efforts communs, avec en tête le ministre des Finances et le DG du Trésor. Ce sont des choix qui sont faits. Nous pouvons décider de ne pas payer la dette et d’orienter cet argent vers autre chose, mais je pense que les autorités du ministère des Finances ont bien compris l’importance du paiement du service de la dette ; parce que si vous ne payez pas, vous n’allez pas avoir de nouveaux financements. Et donc, ils en font un point d’honneur. L’objectif est de faire face à nos engagements pour que la signature du Burkina soit toujours maintenue à sa position.

Entretien réalisé par ESS

 

Encadré

La Direction de la dette publique au FIAD 2024

« Vous savez, la fonction de gestionnaire de la dette est centrale. Il a une vision sur le côté budgétaire, parce qu’il gère le déficit, d’une part, et a aussi une visibilité sur le côté économique, à travers les projets de développement dont il suit les décaissements. Cette vision d’ensemble nous permet à la Direction de la dette de venir représenter le ministre de l’Economie, qui a été invité et qui malheureusement, pour des contraintes de dernières minutes, n’a pas pu participer à l’évènement.

Quel message portez-vous ici à Casablanca ?

Cet évènement est destiné à mettre en relation beaucoup d’opérateurs économiques privés et nous sommes ici avec tout un groupe d’opérateurs privés burkinabè et il était normal que le ministère des Finances soit là pour montrer que le gouvernement soutient ses opérateurs économiques et montrer aussi aux yeux de tous que le pays reste résilient et que nous sommes toujours engagés.

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