• 82 ha emblavés, 74,5 ha irrigués, 10 tonnes récoltées
• « La production du blé est donc possible au Burkina Faso »
• Les différents acteurs déjà en selle pour la prochaine campagne
«C’était essayer voir ». « En tant que citoyen burkinabè, on a voulu participer à l’expérimentation, afin que les leçons servent à construire la souveraineté alimentaire ». Ces propos de Nabo Ménéné et d’Issoufou Boundaogo résument l’état d’esprit qui anime ces pionniers de la culture du blé sur la plaine de Bagré : repartir de plus belle, car en termes de chiffres, la campagne a de quoi semer la désolation. En cette deuxième décade du mois de mai 2024, le cycle de production a été bouclé et l’heure est au bilan. Avec des variétés qui peuvent donner entre 4 et 7 tonnes à l’hectare, le premier a récolté 180 kg sur 1 ha et demi, après avoir injecté directement au moins 75.000 FCFA. Le second a eu 672, 5 kg sur 3,75 ha, avec un investissement personnel de 150.000 FCFA. Le Pôle de croissance de Bagré (PCB), dans la région du Centre-Est, a été retenu pour la relance de la culture du blé au Burkina Faso. Ce pôle disposait d’aménagements hydroagricoles de plus de 5.580 hectares. Pour cette campagne de production du blé, chaque producteur a reçu de l’Etat des semences gratuitement, une avance pour la production de 290.000 FCFA/ha couvrant l’engrais, les produits phytosanitaires, l’irrigation, le carburant pour le déplacement sur les différents sites…. Ce montant devait être déduit de la vente des différentes productions à la récolte. Au total, 82 ha ont été emblavés à Bagré, mais finalement, 74,5 ha ont été irrigués, dont 18 ha de semences de blé et 56,5ha de blé de consommation. La campagne a abouti à une récolte de 11,400 tonnes seulement sur une centaine attendue.
De l’ensemble des producteurs, personne n’a pu solder son crédit et recouvrer ses fonds. Chacun à son niveau trouve des explications à ces résultats. « On n’arrosait pas bien à cause des pannes récurrentes des motopompes et l’engrais était insuffisant », indique Nabo Ménéné. « Nous avons semé avec un mois de retard et les conseillers aussi étaient en mode apprentissage », affirme Issoufou Boundaogo. A Bagré Pôle, on s’efforce d’avoir un bilan global et objectif. Lotio Aïda Kéita/Ouattara du Service formation et appui aux producteurs est donc plus explicite : « Nous n’avons pas bénéficié de formation théorique, membres de l’appui-conseil comme producteurs, chacun apprenait sur le tas. C’est à partir de nos expériences antérieures et des recours à d’autres informations que nous avons pu appuyer les producteurs. La recherche a proposé un calendrier, notamment, de novembre au plus tard 10 décembre pour les semis, mais on était un peu trop en décalage de ce calendrier. Nous avons commencé les semis autour du 10 décembre. Nous sommes allés en irrigation gravitaire, alors que le blé n’aime pas l’eau mais l’humidité et la fraîcheur ». Même si les motifs de découragement sont multiples et avérés, ce n’est pas pour autant que les différents acteurs entendent baisser les bras. « Au départ, il n’y avait pas d’objectif quantitatif. L’objectif était de conduire un cycle de production et nous avons pu le faire de bout en bout. Nous sommes rassurés donc que la production du blé est possible au Burkina Faso », nuance d’ailleurs le Directeur général de Bagré Pôle, Patarbtalé Joseph Nikièma. Pour lui donc, il y a un tremplin à saisir pour rebondir et il ne faut pas trainer. « Pour l’année qui vient, nous comptons sur une meilleure maitrise de l’itinéraire technique du blé. Nous devrions commencer au bon moment maintenant et préparer suffisamment nos sols en conséquence. Nous sommes sur des projections de 1000 hectares dans la mesure du possible cette année ». Comme s’ils l’avaient entendu, les producteurs s’inscrivent dans la même logique. Issoufou Boundaogo : « Les résultats sont en deçà des efforts fournis. J’ai souffert, ma famille a souffert aussi, mais on n’a rien. Cette année était une école, toutes les excuses étaient permises. Dorénavant, il faut se lever tôt ». « Prochainement, on fera mieux », renchérit Nabo Ménéné.o
Moumouni SIMPORE
Encadré
Le gouvernement a adopté en Conseil des ministres du 05 septembre 2023, un nouveau référentiel agricole d’un budget de 592 milliards FCFA: « Offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 ». 1.500 ha sont consacrés à la production du blé dans cette offensive.
Pour la campagne 2023-2024, la phase expérimentale de la culture du blé se déroule dans 5 régions. Il s’agit des Hauts-Bassins, des Cascades, de la Boucle du Mouhoun, du Centre-Est et du Centre-Nord. Pour ce coup d’essai, le pays espérait produire 250 tonnes de blé sur une superficie de 125 hectares, au terme de la campagne agricole sèche 2023/2024.