• « Les rémunérations sont définies de commun accord avec le client »
• Bon nombre de structures agissent de façon informelle, sans agrément
• Un audit sur les sociétés de placement demandé
A la suite de notre dossier sur le traitement salarial des employés de sociétés de placement (NDLR : N°526 du 8 avril 2024), L’Economiste du Faso a approché une société de placement. Il s’agit de RMO Job Center. Son gérant, Addramane Seré, revient sur le reversement des salaires, les cotisations sociales et fiscales. Autre sujet d’actualité à l’ordre du jour de cette société de placement, la demande des travailleurs regroupés en Syndicat national des télécommunications (Synatel/Section RMO). Ceux-ci demandent la régularisation et un plan de carrière bien défini pour les employés placés par RMO comme téléconseillers et superviseurs au profit de la société Moov.
L’Économiste du Faso : RMO Job Center fait de la sous-traitance. Peut-on savoir plus sur cette activité et ses objectifs ?
Abdramane Seré, gérant de RMO Job Center : Ces activités au Burkina Faso sont régies par les articles 18 à 28 du Code du travail, de l’Arrêté N°2007-548/PRES/PM/MTSS portant règlementation des activités des bureaux, offices privés de placement et d’entreprises de travail temporaire et de l’Arrêté N°2007-028 MTSS/SG/DGTDER portant cahier de charges applicable aux bureaux, offices privés de placement et d’entreprises de travail temporaire. De ce que l’on nomme externalisation, sous-traitance ou prestation de services (ces termes se recoupent), il s’agit ni plus ni moins d’une relation commerciale entre un client et une société prestataire. Cette relation est cadrée par le droit commercial. La société prestataire, quant à elle, répond du droit du travail quant à la gestion de ces salariés. Le client achète une prestation de service intégrant plus ou moins d’options pour exécuter des activités dans son infrastructure.
Le travail temporaire et la sous-traitance proposent des solutions de flexibilité. Ce choix de stratégie des entreprises est aussi guidé par la recherche d’une maîtrise des coûts pour rester compétitives. « Aussi, la Sous-traitance et/ou l’Intérim renforce l’attractivité économique du pays. Ces activités permettent d’implanter une entreprise en diminuant le risque social pour l’entreprise qui s’installe et en lui laissant du temps pour établir des fondations solides tout en se conformant à la législation en vigueur en matière de droit des salariés.
Comment procédez-vous pour placer des embauchés dans des entreprises de la place ?
De façon générale, en qualité d’entreprise menant des activités de travail temporaire ou d’intérim, les entreprises de placement recrutent des travailleurs qu’elles mettent en service chez des clients à leur demande en fonction d’une qualification convenue, à travers des procédures de recrutement standardisées et transparentes. Aussi, il peut arriver qu’une entreprise décide d’externaliser une partie de ses activités en nous confiant la gestion du personnel qui était affecté à ses activités. Il faut noter que ce transfert n’entraine aucune diminution de rémunération pour le salarié.
Ces derniers sont-ils payés par vous ou la société demanderesse ?
La société de placement est l’employeur légal. Ce faisant, les travailleurs sont payés par celle-ci.
Les salaires versés sont-ils conformes au contrat de départ ?
Les salaires sont définis de commun accord avec le client, qui maîtrise au mieux les attentes des postes. Une correspondance dans laquelle le salaire est fixé est toujours émise par le client. Ce salaire est vérifié par RMO pour s’assurer de sa conformité avec les pratiques du secteur ou des minima conventionnels. Le travailleur est bien informé du salaire net à percevoir soit au moment de la validation de son recrutement, soit à la signature du contrat de travail. Du reste, il a la possibilité de faire des contre-propositions si le salaire proposé est jugé inférieur à ses attentes. Après chaque paie, le livre de paie, les bulletins de salaires et les justificatifs des cotisations fiscales et sociales sont transmis au client pour vérification de la conformité avec les conditions convenues. Les clients, comme nous d’ailleurs, sont très regardants sur ces aspects. Aucun de nos clients n’acceptera de payer des prestations pour lesquelles les rémunérations versées aux travailleurs ne sont pas conformes à leurs contrats de travail. Le salarié dispose également d’un bulletin de salaire à chaque paie. Les salaires versés sont toujours conformes au contrat de travail.
Des sous-traitants placés par vous, notamment, dans des sociétés, se plaignent des traitements salariaux jugés inégaux ?
Tel que dit plus haut, le salaire est fixé de commun accord, dans le respect des rémunérations fixées par les conventions encadrant l’activité. Tous les salaires payés actuellement sont conformes. Au cas où il y aurait non-conformité, il est clair que nous serons interpellés par l’autorité compétente chargée du contrôle qui est l’Inspection du travail. Et pour ces cas, en la matière, le paiement d’un différentiel s’impose et je peux vous assurer que nous ne sommes pas dans une telle situation. Cela est bien vérifiable au niveau des services du travail auxquels nous nous soumettons chaque année pour leurs contrôles assortis de rapports.
Est-ce aussi possible de ne pas avoir de plan de carrière ni de déclaration dans les caisses de prévoyances sociales?
Nos travailleurs sont gérés conformément à la législation du travail, dans la transparence. Tous les travailleurs, que ce soient des manœuvres, employés, agents de maîtrise ou cadres sont déclarés. 1 heure travaillée = 1 heure déclarée. Tout accident de travail est immédiatement déclaré et intégralement pris en charge. Nous disposons de tous les justificatifs y relatifs. A cet effet, nous sommes disponibles à tout moment pour tout audit et contrôle sur le respect de nos obligations légales (CNSS/ IUTS/ Tenue des contrats de travail). Ces données sont également vérifiables auprès des structures telles que la CNSS et les Impôts, afin de savoir et de se rassurer que nous sommes à jour de nos cotisations sociales et fiscales. Nous vous invitons à vous rendre auprès de ces structures pour confirmer la véracité des données et chiffres. A titre d’exemple, de 2014 à 2023, nous avons contribué à hauteur de 11.604.849.438 FCFA au titre des cotisations sociales et fiscales.
Que fait RMO face aux licenciements récurrents que le syndicat dénonce ?
Nous ne pouvons pas dire que les licenciements sont récurrents, dans la mesure où la fréquence n’est pas connue, ainsi que l’effectif auquel la référence est faite. Mais des manquements professionnels suffisamment graves peuvent entrainer des licenciements. Je peux vous rassurer que nous exigeons chaque fois au client qui le désire, la rupture du contrat de travail d’un travailleur mis à sa disposition, de fournir les faits constitutifs de manquements, ainsi que les preuves.
Certains évoquent aussi le fait qu’ils y travaillent depuis des années sans perspective de carrière. Autrement dit, ils souhaitent que RMO facilite leur régularisation. Que comptez-vous faire à ce niveau ?
Etant une société spécialisée dans la gestion des Ressources humaines, il y va de soi que RMO connaisse les enjeux de la gestion des carrières pour tout employé. Pendant la durée de la mise à disposition, les dispositions sont prises par RMO pour que le salarié conserve et bénéficie de l’ensemble des dispositions conventionnelles et autres avantages régissant son statut dans l’entreprise prêteuse, et nos partenaires s’efforcent pour s’y conformer. Cependant, il faut noter que les perspectives de carrière sont fonction de la stratégie de gestion des carrières présente dans lesdites entreprises. En fonction des compétences et des opportunités, les travailleurs y bénéficient.
En effet, bon nombre de travailleurs mis à disposition pour certaines sociétés de la place arrivent à des postes de responsabilités, étant partis de poste de niveau inférieur. Nous exhortons toujours nos partenaires à s’y conformer et aux travailleurs à se former continuellement, afin de répondre aux besoins du marché qui est très exigeant et changeant. C’est un concept gagnant-gagnant visant la réalisation professionnelle et la performance. Des analyses et réflexions peuvent être faites sur certains facteurs, afin de trouver des solutions et des perspectives mieux adaptées.
Lors d’une récente rencontre avec le personnel de la Présidence, le chef de l’Etat a regretté le fait que le travailleur ait un salaire inférieur à sa tâche, pendant ce temps, les sociétés de placement empochent la grosse part du salaire, est-ce vrai ?
Bon nombre de structures « prestataires de service » ou « agences d’intérim » agissent de façon informelle, sans agrément, sans respect des obligations qu’impose l’exercice d’activités de placement et de travail temporaire. Aussi, nous sommes conscients qu’il existe des sociétés prestataires de service qui ne respectent pas la règlementation du travail. Et c’est en cela que s’inscrit l’avis du chef de l’Etat, estimons-nous. Les pratiques aux antipodes des dispositions légales et de l’orthodoxie des sociétés de placement ternissent l’image dudit secteur. C’est malheureusement une telle situation qui a amené l’opinion publique et surtout syndicale à décrier ce secteur d’activités, en laissant croire à une insuffisance, voire une absence totale de règlementation en la matière. Encore une fois de plus, comme déjà indiqué plus haut, RMO demeure, depuis sa création, dans le respect des dispositions légales et conventionnelles et ne peut pas se permettre de verser un salaire inférieur et empocher une grosse part du salaire. Tous les documents dont nous disposons attestent sans ambages cela (bulletins de salaire, facture, etc.). Notre souhait est qu’un contrôle, voire des audits soient faits par l’autorité compétente, afin de sanctionner convenablement ceux qui se permettent de faire de telles pratiques.o
Interview réalisée par Ambéternifa Crépin SOMDA
Encadré 1
Auguste Conlobé Nikiéma, Secrétaire général Synatel/RMO: “Nous souhaitons un plan de carrière bien défini »
Au regard des maux qui minent leur plein épanouissement dans les entreprises recrutées, et dans le souci de donner de la voix pour que des réponses soient apportées, le Syndicat national des télécommunications (Synatel/section RMO) a vu le jour en décembre 2022. A sa tête, Auguste Conlobé Nikiéma, recruté en 2017 comme téléconseiller. Le jeudi 28 mars 2024, accompagné de ses deux responsables à l’information, Abdoul Latif Koumbem et Idrissa Bancé sont passés au Journal pour nous parler de leur plateforme revendicative du comité Synatel/RMO de 27 points, remise le 13 novembre 2023 au représentant du Directeur général de RMO/Job Center. Le Secrétaire général a révélé que la création d’un syndicat était partie d’un constat, celui de voir les conditions de travail, à savoir un plan de carrière et des traitements salariaux égaux et mettre fin aux licenciements abusifs. Recruté comme des téléconseillers par RMO Job Centre et placés comme sous-traitants dans une société de téléphonie mobile de la place, certains y évoluent depuis plus de 10 ans. Dans leurs activités du comité, le ministère en charge du travail, un député de la Transition et le président du Conseil national de la jeunesse, Moumouni Dialla, ont été approchés, afin de faire des plaidoyers pour assainir le secteur de la sous-traitance. Leur souhait est que dans le nouveau Code du travail qui sera soumis pour adoption à l’Assemblée législative de transition, des réformes majeures soient apportées dans le secteur de la sous-traitance. Cette doléance est de leur permettre d’avoir un plan de carrière pour pouvoir honorer les charges familiales. Du reste, Auguste Conlobé Nikiéma mentionne qu’à l’annonce de l’adoption du nouveau Code du travail, RMO leur a fait signer des CDI à la place des CDD pour les sous-traitants qui avaient plus de 3 ans. Aussi, dit-il, la majorité des sous-traitants sont déclarés au niveau de la caisse de prévoyance. Toutefois, le SG regrette que cette déclaration ne soit pas toujours systématique. L’espoir d’un plan de carrière s’est achevé à cette étape. Mais depuis que ce Code du travail n’est plus à l’ordre du jour, les pourparlers se sont arrêtés.
Autre révélation est qu’entre sous-traitants, ils n’ont pas le même traitement salarial. Le Secrétaire général et ses camarades s’offusquent du fait que les pouvoirs politiques successifs au Burkina Faso n’ont jamais fait des préoccupations de la jeunesse leur priorité. Pour plus se faire entendre, le comité compte faire des approches avec d’autres sous-traitants placés dans les téléphonies, les cimenteries, les mines, les banques, etc. Leur cri du cœur, que les sociétés demanderesses embauchent directement, car il y a le besoin de personnel, au lieu de passer par les sociétés de placement. “Nous souhaitons que notre situation soit régularisée et que notre plan de carrière soit bien défini”, ont-ils souligné. Sur la plateforme revendicative, ils demandent que RMO, en collaboration avec la société de téléphonie mobile, apporte des solutions idoines et pérennes. o
ACS
Encadré
Un audit sur les sociétés de placement demandé
Le gérant de RMO Job Center, Abdramane Seré, a souligné que leur entreprise faisait du respect de la législation qui régit l’activité des sociétés de placement une priorité. Mieux, preuve à l’appui, à travers des documents administratifs tels que les contrats de travail, les attestations fiscales et surtout les déclarations des travailleurs, 2.054 employés sont déclarés à la date du 8 avril 2024, respectant la grille salariale conformément à la législation burkinabè. Il révèle que si RMO était en porte à faux avec la législation, elle n’allait jamais pouvoir se faire délivrer les attestations de situation fiscale par les services des Impôts, encore moins les pièces justificatives de paiement avec la CNSS. Le gérant relève que sans ces pièces justificatives, les entreprises refusent de travailler avec eux. Pire, elles refusent de leur reverser les salaires dus aux employés. Il demande un audit par l’Inspection du travail sur l’activité des sociétés de placement pour déceler les mauvaises pratiques et les sanctionner. Dans son bureau, en compagnie de ses collaborateurs, nous avons pu rentrer en possession d’une pile de contrats de travail avalisés avec les employés et de nombreuses cartes d’immatriculation des travailleurs à la CNSS, qui attendent preneur depuis 2011. Sa grande fierté, dit-il, est que RMO a permis à de nombreux jeunes d’avoir de l’emploi. o