• Des performances malgré un contexte de guerre
• L’accroissement des taxes et impôts diminue…
• Le revenu disponible pour les ménages.
Le début de l’année 2024 est l’occasion de faire un regard rétrospectif sur l’économie nationale, et surtout de se projeter vers l’avenir. Pour cet exercice, la Rédaction de L’Economiste du Faso a porté son choix sur Docteur Abdoulaye Siry, Economiste, Enseignant-chercheur au Centre universitaire de Dori de l’Université Thomas Sankara.
L’Economiste du Faso : Le budget de l’État est en progression, dans un contexte de guerre et de ralentissement de l’activité économique, pourra-t-on le boucler ?
Dr Abdoulaye Siry : J’ai plutôt eu l’impression que les performances du Burkina Faso au plan macroéconomique se sont améliorées au cours de l’année 2023, malgré le contexte de guerre. En effet, le taux de croissance économique, en 2023, s’est établi à 4,4 %, contre 1,5 % en 2022, avec un taux d’inflation moyen de 1,4 % en 2023, contre 14 % en 2022, selon les statistiques de la BCEAO. Les prévisions pour l’année 2024 semblent être bonnes pour le pays, avec un taux de croissance économique attendu de 6,4 % pour une inflation estimée à 3 %. Oui, les prévisions, à travers la loi de finances exercice 2024, indiquent déjà un solde budgétaire global négatif de plus de 675 milliards FCFA. Ce qui signifie qu’il y a des efforts à faire, non seulement pour mobiliser les recettes prévues de près de 3000 milliards FCFA, mais aussi pour combler le gap, étant donné que les dépenses prévues sont plus de 3 600 milliards FCFA.Ces dernières années, l’Etat burkinabè a compté de plus en plus sur les recettes fiscales et de moins en moins sur les dons. En 2022 déjà, plus de 80 % des recettes de l’Etat provenaient des recettes fiscales pour environ 13 % de dons, selon les statistiques sur les opérations financières de l’Etat. Pour la mobilisation des dons, des craintes demeurent, étant donné que certains partenaires ont menacé de suspendre leurs aides budgétaires. Mais, il n’est pas exclu que de nouveaux partenaires financiers se manifestent avec le processus de diversification des partenaires enclenché par le présent gouvernement.
La mobilisation des recettes fiscales est soutenue par un ensemble d’innovations, à travers la digitalisation de divers processus et l’introduction de nouvelles mesures fiscales consignées dans les récentes lois de finances. Les plus récentes innovations et mesures sont, par exemple, le e-timbre, les taxes sur les activités financières. Ces innovations et nouvelles mesures concourent à optimiser la mobilisation des recettes en brisant certaines barrières qui favorisaient la corruption, au point où on peut imaginer que les agents collecteurs des impôts fassent désormais du télétravail. Le taux de pression fiscale en constante hausse a atteint 24, 5 % en 2023.
N’y a-t-il pas lieu de craindre un ralentissement de la consommation dans un contexte de taxes et de prélèvement sur les revenus ?
Oui, pour les consommateurs qui n’ont pas d’information sur les prix et non pour les consommateurs qui sont au courant de l’évolution des prix. Naturellement, l’accroissement des taxes et impôts diminue le revenu disponible pour les ménages. On sait bien que le revenu disponible est principalement affecté à la consommation de biens et services qui ont un certain prix. Si l’augmentation des taxes s’accompagne d’une diminution des prix, en réalité, le pouvoir d’achat du consommateur ne diminue pas et ce dernier, s’il observe l’évolution des prix, peut maintenir inchangé son niveau de consommation. En général, très peu de consommateurs tiennent compte de l’évolution des prix dans leurs décisions de consommation courante. C’est cela qui amène certains économistes à penser que les agents économiques, notamment, les ménages, sont myopes.
Pour le cas du Burkina Faso, le niveau des prix a fortement baissé au cours des deux derniers trimestres, atteignant -2,56 % en septembre 2023. Cette forte baisse des prix provient essentiellement de la baisse des prix des produits alimentaires (-6,8 % en septembre 2023), suivant les statistiques fournies par la BCEAO. Avec la reprise des activités économiques, notamment, agricoles, dans diverses localités et l’effectivité de certains soutiens en intrants et en produits alimentaires annoncés par des partenaires étrangers, le niveau des prix resterait toujours bas au cours de l’année 2024. Par conséquent, cette baisse des prix pourrait compenser la hausse des taxes, afin de maintenir inchangé le pouvoir d’achat des consommateurs.
Le budget des projets et programmes et celui des infrastructures sont en régression, quelles conséquences en termes de développement ?
Il est prouvé que les dépenses d’investissement sont nécessaires pour la croissance économique, du fait de divers effets d’entrainement.
Leur réduction peut donc nuire au développement. Cependant, il est important de prendre en compte l’efficacité et l’efficience des dépenses d’investissement. Le contexte actuel du Burkina Faso, en transition, est tel qu’il y a assez de restrictions qui limitent les marges de manœuvre conduisant souvent à la corruption. Il est probable qu’un projet ou programme puisse être exécuté avec un budget minimal, compte tenu de certaines restrictions. Par ailleurs, au plan macroéconomique, les effets d’entrainement dus à l’augmentation du budget dans certains ministères ou départements pourraient compenser les effets d’entrainement perdus du fait de la baisse des dépenses dans certains domaines. Alors donc, globalement, la Nation ne perdrait rien, bien que des inégalités puissent demeurer.o
Propos recueillis pas FW