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Initiative présidentielle pour la production agricole 2023-2024: «L’objectif final, c’est d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dans un bref délai», Dr Abdourasmane Kadougoudio Konaté, coordonnateur

Dr Abdourasmane Kadougoudio Konaté est le Coordonnateur de l’Initiative présidentielle pour la production agricole 2023-2024.  Maître de recherche en génétique et amélioration des plantes, en service à l’Institut de l’environnement et de recherche agricole (INERA), il a été coopté pour coordonner l’IPPA dont l’objectif principal est l’autosuffisance alimentaire. Dans cet exercice de questions-réponses, il revient sur le mécanisme de mise en œuvre de cette initiative et dégage les perspectives.

L’Economiste du Faso : Quels ont été les mécanismes adoptés pour la mise en œuvre de l’Initiative présidentielle pour la production agricole(IPPA) 2023-2024 en termes de mobilisation de la terre ?

Dr Abdourasmane Kadougoudio Konaté: L’Initiative présidentielle s’occupe des parcelles abandonnées qu’elle sécurise et fait produire.  Il s’agit d’une production complémentaire qui a consisté à utiliser les terres qui ne sont pas utilisées présentement, produire sur ces terres dans le but de faire une production complémentaire à la production du ministère de l’Agriculture. L’Initiative est basée à la Présidence du Faso, mais nous travaillons en étroite collaboration avec les agents du ministère de l’Agriculture. 650 agents ont été réquisitionnés et travaillent pour le compte de l’Initiative et sont pris en compte dans le budget.

Au départ, l’objectif était d’emblaver 11 000 hectares, mais avec l’engouement, nous avons dépassé 14 000 hectares. Beaucoup de producteurs pensaient qu’on venait prendre leurs terres pour cultiver, alors que dans le principe de l’IPPA, nous labourons les champs, leur remettons les semences et la paie se fera en nature ou en espèces en fonction de la récolte. Cette politique a encouragé les producteurs. Même ceux qui n’avaient pas l’argent pour labourer, acquérir les engrais ou pour les semences ont voulu non seulement produire, mais aussi agrandir leur surface initiale. Du coup, le budget prévu a été largement dépassé.

Nous lançons la campagne sèche dans les périmètres irrigués pour la production du riz, du maïs et du blé. Nous allons réaliser des forages dans les casernes et les Maisons d’arrêt pour la maraîcherculture.  Des fermes sont également prévues dans toutes les casernes. Il s’agit d’unités de production de petits ruminants, de poulets de chair et de poules pondeuses. Cette production est destinée à leur propre consommation et le surplus sera vendu à la population. Il en sera de même dans les Maisons d’arrêt.

Quelle a été la politique de mobilisation et de mise à la disposition des acteurs, des intrants, notamment, les engrais, les semences et le matériel agricole ? 

Le projet a été estimé à 22 milliards FCFA, mais ce montant n’est pas déposé et nous puisons dedans pour travailler comme le pense le citoyen lambda. Par exemple, si nous devons faire les labours, nous courons chercher l’argent des labours. Au moment des semences, nous cherchons de l’argent pour ça…. Et nous avons procédé ainsi à chaque étape depuis le lancement de l’IPPA.

Les 22 milliards sont le budget estimatif dans lequel il était prévu des tracteurs, des forages pour les casernes pour que les FDS puissent produire au compte des cantines. Pour payer ces tracteurs, nous sommes en relation avec une société indienne, afin qu’elle nous livre les machines contre des payements en plusieurs tranches. Quand on veut quelque chose, on estime le coût et on commence à courir. On réalise des requêtes de fonds dans les différentes Ambassades, les banques, les organismes pour mobiliser le financement. On demande également à l’Etat sa cote part. Le président de la Transition  nous appuie avec des lettres de recommandations pour motiver davantage les gens sur l’Initiative.

Quelle est la différence avec la culture du coton ?

Nous avons pris la pratique dans la production céréalière à contre-pied. On n’a pas voulu prendre de l’argent, aller payer des vivres pour combler le déficit, parce que cela crée de la dépendance et la disponibilité des vivres n’est pas toujours garantie. L’idée du chef de l’Etat est de faire produire aux producteurs ce qu’ils consommment. Le surplus sera cédé à la SONAGESS et les subventions qui leur avaient été accordées y seront déduites. Avec l’Initiative, les labours ne sont pas monnayés, alors qu’un hectare se laboure ordinairement en moyenne 25 000 FCFA. Avec les autres projets, il faut payer cash avant d’avoir droit aux subventions.

Si nous voulons l’autosuffisance alimentaire, il faut changer nos façons de faire. Ce que nous prenons pour payer les vivres à l’extérieur peut servir à doter les producteurs. Ils seront occupés, car ils auront du travail ; ce travail va servir à les nourrir et avec le surplus, ils pourront vendre pour d’autres besoins.

Quel est le bilan attendu au moment de la récolte ?

L’objectif principal de l’Initiative est de 190 000 tonnes pour la première année.  Pour l’hivernage, on s’attend au minimum à 60 000 tonnes pour les céréales, 5 000 tonnes pour les tubercules et 5 000 tonnes pour les proténo-oléagineux. La production va se poursuivre au cours de la contre-saison pour les légumes. L’objectif sera atteint, car les rendements au  niveau de la culture maraîchère sont très élevés.

Quelles sont les perspectives pour l’IPPA ?  Est-ce une initiative spontanée ou à reconduire annuellement ?

Nous sommes en train de faire le point des périmètres irrigués que nous pouvons exploiter à partir de novembre : où est-ce qu’on peut mettre quoi et sur quelle superficie ? L’objectif final, c’est  booster au maximum la production agricole, dans le but d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dans un bref délai.

Nous comptons faire beaucoup plus l’année prochaine.  Nous prévoyons, par exemple, 10 000 hectares d’agriculture intelligente à Samandéni. Il s’agira de mettre en place une grande parcelle de production pour le compte de l’Etat et y diriger les jeunes diplômés, dans des espaces cloisonnés. Les machines passeront faire le travail qui leur est dévolu pour chaque jeune installé. Cela va permettre à ces jeunes de gagner leur vie et réduire ainsi le taux de chômage tout en augmentant notre capacité de production, dans le but d’atteindre l’autosuffisance alimentaire.

Et là où il y a des barrages, on prévoit d’aménager des périmètres complémentaires pour pouvoir appuyer la production agricole et avoir plus de superficies en utilisant des  variétés améliorées de la recherche qui sont mieux contrôlées et mieux adaptées à notre écosystème, avec des rendements intéressants.

De nombreux Burkinabè se plaignent de la présence de cailloux ou d’autres déchets dans le riz local. Nous avons échangé sur la question avec les unités de transformation qui ont reconnu le problème et proposé des solutions. Nous avons donc commandé des trieuses optiques pour écarter tout ce qui est déchet dans le riz local, afin de le rendre compétitif sur le marché.

Existe-t-il une complémentarité entre l’IPPA et l’Offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 du ministère en charge de l’agriculture ou s’agit-il de rivalité ?

Nous travaillons en synergie. Ce sont les mêmes agents du ministère de l’Agriculture qui suivent également les travaux de l’Initiative. La différence se trouve au niveau des procédures ou mécanismes de fonctionnement. L’Initiative étant logée à la Présidence, elle bénéficie de plus de flexibilité de décaissement. C’est pourquoi, nous avons pu rapidement acquérir les intrants en un temps record et exploiter la saison des pluies. Au niveau du ministère, rien que pour la passation des marchés, on peut prendre des mois.

Moumouni SIMPORE

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