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Poulet bicyclette: un espoir à Boussé

• La question de la disponibilité de la race pure reste une équation à résoudre

• Cependant, le centre de sélection de Boussé apparait comme un éclairci

• Les poules passent de 40 à 100 œufs en moyenne par an

Poulet rustique à croissance lente, élevé en plein air, possédant des pattes et un bec de couleur noire, une crête pointue et vive, commercialisé sur pieds, en pièces entières ou en découpe, frais ou surgelés. (Ph: Yvan SAMA)

Poulet rustique à croissance lente, élevé en plein air, possédant des pattes et un bec de couleur noire, une crête pointue et vive, commercialisé sur pieds, en pièces entières ou en découpe, frais ou surgelés. Dans la mise en œuvre du « label poulet bicyclette », la principale question demeure l’identité : qu’est-ce que le poulet bicyclette ? Si tous les acteurs sont unanimes sur les caractéristiques ci-dessus, ce n’est pas encore le cas pour les autres étapes du processus.  Pour une production à grande échelle, la question de la sélection reste une équation à résoudre, au regard de la multiplicité des races importées et des métissages incontrôlés. Le cahier des charges spécifique du label poulet bicyclette précise d’ailleurs que « les poussins doivent provenir d’une seule souche ou d’un seul croisement. La sélection porte sur les variétés suivantes : le poulet de Dori ou « poulet peulh », qu’on retrouve dans la région du Nord-Sahel ; le poulet gris du Centre, qu’on retrouve dans toutes les régions du pays ; le poulet Kondé, localisé dans la région du Centre-Est. Les reproducteurs doivent être exempts de toutes maladies à transmission verticale et être assortis d’un certificat sanitaire délivré par les autorités compétentes. Les reproducteurs et les poussins sélectionnés doivent avoir un code identifiant ».

Principal bémol, où faut-il aller pour obtenir ces races pures ?

On pourrait tourner les regards vers la région du Plateau central, dans le chef-lieu de la province du Kourwéogo, Boussé, à une cinquantaine de km au nord de la capitale burkinabè. Là, la coopérative des fermiers et agriculteurs de la localité 0 mis en place un centre de sélection du nom de « Coq du Faso » (CDF). Ce centre de sélection Coq du Faso a intégré les techniques de pointe en matière de sélection, de production, de biosécurité et de gestion sanitaire, afin de garantir des produits de qualité sanitaire et génétique irréprochables et totalement adaptés à l’élevage au Burkina Faso et dans la sous-région.

Les animaux issus du centre ont des performances bien au-dessus des poulets des basses cours traditionnelles. Un coq peut servir de pour 13 poules. (Ph: Yvan SAMA)

Le centre CDF bénéficie de partenariats avec Ceva Santé Animale, top 5 des leaders mondiaux en matière de santé animale et Sasso-Hendrix Genetics, leader de la génétique à croissance lente. « C’est un centre qui a été mis en place pour répondre à un certain nombre de préoccupations vécues par les éleveurs. Il s’agit de partir d’abord des souches de poulet local, sélectionner des sujets indemnes de toute maladie, surtout les maladies à transmission verticale. Les sujets issus de notre centre offrent deux possibilités : ceux qui veulent élever des animaux purs locaux peuvent prendre des coqs et des poules pour se lancer. Ceux qui veulent faire du métissage, comme le poulet du Faso, peuvent prendre les coqs et les accoupler avec les poules venues d‘ailleurs », indique le président de la coopérative, Boureima Sawadogo. 

Le centre de sélection « Coq du Faso » reste à ce jour l’unique et le premier à faire un travail de sélection sur la race locale burkinabè, afin de produire des volailles qui sont parfaitement adaptés aux besoins de l’aviculture moderne et traditionnelle. Même si le nom du centre peut laisser penser que la sélection s’effectue uniquement sur le coq, les poules sont également concernées par le tri, comme le précise Boureima Sawadogo : « L’une de nos préoccupations était d’augmenter le taux de ponte qui est de 30 à 40 œufs par an, par poule, dans les élevages traditionnels. Aujourd’hui, nous avons des poules qui font 100 œufs en moyenne l’année. Nous avons aussi amélioré le poids des poussins par rapport à leur âge et le travail d’amélioration se poursuit actuellement sur la conformation ».

Le travail du centre a démarré en 2017, par un regroupement de milliers de sujets en provenance de toutes les régions du Burkina Faso. Un premier tri a permis d’évacuer les poulets mal formés. Le laboratoire a pris le relais pour s’assurer que les sujets apparemment sains ne trainent pas de maladie. Les échantillons ont été envoyés en Europe pour le traitement et tous les porteurs positifs de la leucose ont été éliminés. Le travail de sélection s’est poursuivi au sein des sujets bien portant, et la génétique est entrée en action pour le reste. La capacité de production actuelle du centre est de 20 à 30.000 poules et 10.000 coqs l’année.

Une opportunité pour la production à grande échelle

Depuis le 11 novembre 2022, le Burkina Faso dispose d’un logotype du label poulet bicyclette. Il s’agit d’un processus démarré en juillet 2021, pour favoriser une meilleure valorisation du produit et faciliter son positionnement sur le marché international. Le gouvernement, à travers le ministère en charge des ressources animales et celui du commerce, devrait accompagner les acteurs de la filière à travailler à l’amélioration de la qualité et à l’identification des caractéristiques spécifiques du poulet bicyclette, afin de les positionner sur les segments de marché les plus rémunérateurs, tout en sécurisant le consommateur et en sauvegardant ce patrimoine national dont la renommée s’étend au-delà des frontières du Burkina Faso.

Le travail du centre a démarré en 2017, par un regroupement de milliers de sujets en provenance de toutes les régions du Burkina Faso. Un premier tri a permis d’évacuer les poulets mal formés. Le laboratoire a pris le relais pour s’assurer que les sujets apparemment sains ne trainent pas de maladie. (Ph: Yvan SAMA)

La production à grande échelle présente deux options : un élevage composé de reproducteurs, d’accouvage, de poussins, d’une part, et d’autre part, un élevage à partir uniquement de poussins. Au regard des implications de chaque option, des réticences se font voir. « Acheter des reproducteurs, c’est occuper toute la chaîne de production et c’est lourd. Les gens préfèrent avoir des poussins de qualité qu’ils ne vont élever que durant un temps donné et mettre sur le marché », reconnait M. Sawadogo, ajoutant qu’« avec le travail de sélection, nos produits reviennent chers aux yeux de l’éleveur lambda, sans se poser des questions sur les propriétés du coq.

Ce qui fait que nos clients sont des acteurs de l’aviculture moderne, qui procède aux métissages. Nous vendons aussi à des rares éleveurs de la filière traditionnelle, qui ont compris la nécessité d’utiliser des reproducteurs de qualité pour faire prospérer leurs élevages ». La tendance actuelle n’est donc pas à l’élevage à grande échelle de « poussins bicyclettes », qui ne sont même pas encore disponibles sur le marché.

Ce n’est pas pour autant qu’il faut s’en inquiéter à écouter les acteurs. Sié Seydou Coulibaly, président de l’Interprofession aviculture moderne (IPAM-B), est catégorique : « Nous ne sommes pas du tout concurrents, mais complémentaires ».

Son homologue de l’Interprofession de la filière volaille locale du Burkina (IPVL) est plus optimiste : « Quand les aviculteurs mettent leurs moyens dans une race, ils attendent des résultats, et si les résultats ne suivent pas, ils passent à autre chose. Nous avons vu des gens qui étaient dans les races importées, mais lorsque le poulet du Faso (un métissage entre le coq local et une poule française) est arrivé, ils ont transformé leurs poulaillers en élevage de poulet du Faso. Il suffit seulement qu’à un moment donné, le poulet bicyclette soit rémunérateur et les gens vont s’y lancer sans réserve ». Selon les statistiques du Centre de promotion de l’aviculture villageoise (CPAVI), la volaille est estimée à un peu plus de 50 millions de têtes en 2021, et les races locales représentant plus de 90%. Malgré donc les importations de poussins tous azimuts, la race locale domine et ce, de manière écrasante.

Pour améliorer la race locale, le travail doit consister à améliorer ses conditions de production, notamment, l’habitat, l’alimentation et le suivi sanitaire… afin de la rendre plus productive, d’une part, et d’autre part, maîtriser le phénomène des métissages.

Moumouni SIMPORE

Encadré

Obligations de lexploitant du label « Poulet bicyclette »

Le poulet bicyclette doit être élevé sur le territoire burkinabè ;

– Tout exploitant du label « Poulet bicyclette » doit être attributaire d’un code d’identification de l’organe habilité ;

– Tout exploitant du label « Poulet bicyclette » doit appliquer les guides de bonnes pratiques ;

– Tout exploitant du label « Poulet bicyclette » doit tenir et renseigner une fiche technique qui ressort des informations sur son exploitation ;

– Tout exploitant du label « Poulet bicyclette » doit tenir et renseigner un registre clients, permettant de donner des informations, entre autres, sur la destination des produits ;

– La production du « Poulet bicyclette » doit respecter les conditions légales et règlementaires en vigueur au Burkina Faso ;

– Aucun opérateur ne peut exposer, vendre, livrer ou exporter sous le label « Poulet bicyclette », des produits qui ne sont pas conformes aux dispositions du présent cahier des charges.

Source : Cahier des charges spécifique du label poulet bicyclette

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