• Quand la survie d’entreprises est menacée
• Diversifier les activités pour mieux résister
• Eponger la dette intérieure
Dans un Burkina post Covid-19 et éprouvé par une crise sécuritaire qui dure depuis huit ans, la question est plus que jamais d’actualité : comment les entreprises s’adaptent ou doivent-elles s’adapter au contexte du moment ? A Ouagadougou, ce 25 avril 2023, cette problématique de la résilience a fait l’objet d’un café thématique, à l’initiative de la Maison de l’entreprise du Burkina Faso (MEBF). Autour du thème de la « Résilience de l’entreprise en période de crise », cette rencontre-débat a réuni plusieurs représentants et responsables d’entreprises. Objectif : créer un cadre de réflexions et d’échanges sur les leviers d’une entreprise résiliente.
Dans un exposé qui a campé le décor, le principal communicateur, Dr Amadou Nébila Yaro, juriste en Droit des affaires et Directeur du cabinet CERE, a partagé avec ses interlocuteurs du jour des recettes à même de permettre la résilience des entreprises en période de crise. Mais avant, une définition des concepts d’entreprise résiliente et celle en crise s’est imposée. Selon ce juriste, par ailleurs ancien ministre de l’Economie numérique et ex-Directeur général de l’ENAREF, une entreprise résiliente est avant tout « celle qui planifie et investit en fonction des perturbations et capable de s’adapter, de résister et de rebondir rapidement, ce qui lui permet non seulement d’avoir du succès par la suite, mais également d’ouvrir la voie à une meilleure normalité ».
Quid de l’entreprise en crise ? Selon Dr Yaro, on en parle lorsque la gestion quotidienne est perturbée sur le long terme. « Une crise en entreprise est susceptible de menacer le succès et la santé de l’entreprise en ternissant sa réputation, en nuisant à ses activités commerciales et en ayant un impact négatif sur ses finances », a-t-il expliqué. Et de distinguer plusieurs types de crises, dont la crise opérationnelle (lorsque l’entreprise n’arrive plus à produire un bien ou un service) et la crise sécuritaire quand l’entreprise n’arrive plus à étendre ou à atteindre ses partenaires pour des raisons sécuritaires.
Dr Yaro l’a affirmé et des participants au café thématique l’ont confirmé, ce dernier type de crise est le plus important que vivent aujourd’hui la plupart des entrepreneurs burkinabè, au regard de la dégradation du tableau sécuritaire. Une situation qui menace la survie de nombre d’entreprises quand elle n’a pas contraint certains à mettre la clé sous le paillasson. En exemple, Tébo Yaméogo est un entrepreneur dans le domaine des assurances qui a dû fermer boutique il y a quelques années, suite à l’effet combiné de difficultés internes et externes liées, notamment, à la crise sécuritaire et à la pandémie de Covid-19.
Comment gérer donc cette crise sécuritaire ou, plus précisément, ses impacts sur les entreprises. En insistant sur les impacts et non la crise elle-même, Dr Yaro estime que « l’entreprise à elle seule ne peut pas juguler cette crise sécuritaire dont la solution réside avant tout entre les mains des pouvoirs publics ». Pour cela, le Directeur du cabinet CERE a suggéré deux solutions qui consistent à anticiper la crise quand elle n’est pas encore là et la gérer lorsqu’elle s’installe. Pour lui, anticiper veut dire : mettre en place une équipe dédiée ; développer des stratégies de réponses aux risques et surtout diversifier les activités de l’entreprise. Une diversification qui ne doit pas se limiter aux activités pour prendre en compte l’espace géographique. Diversifier, car, toujours selon Amadou Yaro, la crise sécuritaire n’a pas le même impact en fonction des secteurs d’activité.
S’agissant de la gestion de la crise, elle commence, selon le communicateur, par le fait de ne pas paniquer, à la seule fin de prendre les bonnes décisions et se doter des outils modernes de management en période de crise. Gérer la crise s’entend également, selon le communicateur, l’identification des difficultés et leurs causes ; la réduction drastique des charges de l’entreprise ; la stabilisation de la trésorerie ; la mise en place d’une communication de gestion de crises, mais aussi des opportunités que proposent des textes pour les cas de difficultés en entreprise. Qu’à tout cela ne tienne, « la fermeture de l’entreprise doit être la dernière des solutions quand on a tout essayé ».
Béranger Kabré
Encadré
Le paiement de la dette intérieure comme solution
Parmi les solutions envisageables pour des entreprises plus résilientes, Dr Amadou Yaro cite en bonne place le paiement de la dette publique, notamment, intérieure. Il s’agit, dit-il, de plaider pour une politique budgétaire orientée vers la soutenabilité des engagements internes de l’Etat. Et de rappeler qu’à la fin mars 2022, la dette publique burkinabè se chiffrait à 9,7 milliards de dollars, dont près de 47% détenus par des créanciers internationaux et 53% par des créanciers intérieurs. « La dette intérieure est relativement importante, au regard de ses impacts sur les opérateurs économiques nationaux », a-t-il souligné, non sans suggérer que les organisations d’appui ou d’accompagnement des entreprises initient des plaidoyers en faveur du règlement de cette dette intérieure.