• Bon voisinage Viim Neeré, un exemple à suivre
• Nous construisons progressivement notre bonheur…
• Avec un financement 100% communautaire
Du côté des accaparements des terres rurales qui constituent une menace pour la sécurité alimentaire, un autre phénomène menace la vie socioéducative dans nos villes. Il s’agit des accaparements de réserves administratives. Ce phénomène est devenu monnaie courante dans la plupart des Communes et Arrondissements du Burkina Faso, détournant ainsi des espaces dédiés à de futures infrastructures scolaires, sanitaires, sportives et bien d’autres de leur finalité.
Nichée au milieu des habitations au secteur 39 de l’Arrondissement 9, plus précisément dans le quartier Bang Poore, cette réserve administrative de forme rectangulaire et vaste d’environ 1500m² n’a pas échappé à une tentative d’accaparement. En effet, Il y a quelques années de cela que les résidents de Bang Poore se sont réveillés avec une effroyable découverte. Un particulier, et de surcroît un haut cadre de la municipalité, lors de la Transition de 2014, était en train de faire de cet espace sa propriété en y érigeant des murs.
Mais c’était sans compter sur la vigilance des riverains. L’affaire s’est très vite retrouvée à la police puis à la Mairie d’où le verdict final tombera. Selon le plan d’aménagement de l’Arrondissement consulté, le site est dédié à un espace vert. Recommandation est donc faite aux voisins d’y planter des arbres.
Cette victoire a sans doute rapproché les riverains. Pour la mise en valeur du site et une meilleure défense de leurs intérêts, une association dénommée bon voisinage Viim Neeré verra le jour, en août 2022.
Le site à ce jour
A ce jour, grâce aux cotisations des riverains et de certaines bonnes volontés, le site abrite un château d’eau, une centaine de plantes de diverses espèces, un terrain de volley-ball sur terre battue et des bancs publics fixes en granite taillée.
Sur cet espace reconquis, une aire de jeux pour les enfants, constituée de balançoires, de toboggans et de jeux de rotation, a été inaugurée le 25 mars 2023. Le tout est protégé par une clôture en grillage haute de 2 mètres environ, pour un coût global approximatif de 10 millions FCFA, selon Zoromé Abdoulaye, président de l’association : « Ce site devenu un jardin au grand bonheur des habitants permet une consolidation des liens et représente également l’espoir que les riverains de Bang Poore peuvent créer leur bonheur en faisant de ce cadre un poumon de vie », laisse-t-il entendre.
En cette matinée du samedi 1er avril 2023, nous sommes très vite impressionnés par l’hygiène qui règne sur les lieux. Des enfants ont pris d’assaut l’aire de jeu qui leur est dédiée, sous la supervision de quelques parents en train d’échanger à un coin du jardin. L’un des parents faisait des va-et-vient pour arroser les plantes en croissance. Son geste est immédiatement imité par un tout petit âgé d’environ quatre ans. Comme quoi, la leçon est assimilée.
Des projets en perspectives
« Nous construisons progressivement notre bonheur et nous sommes très contents de la mobilisation des voisins, parce que c’est vraiment un projet communautaire. Ce n’est pas une idée d’un individu mais d’une communauté qui a décidé de prendre sa destinée en façonnant son cadre pour le meilleur », foi du premier responsable de Viim Neeré. Pour les années à venir, son association a en projet l’électrification de l’espace pour mieux la sécuriser, mais aussi permettre la pratique du sport la nuit.
La réalisation d’un plateau omnisports pour permettre aux jeunes du quartier de se retrouver dans ce cadre sain et avoir du bon temps, la réalisation d’un contour en pavé au profit des adeptes de la marche.
En matière de soutien à l’éducation, l’association envisage de fixer des tableaux d’étude, et de mettre en place une bibliothèque. Cet espace de vie va connaitre un aménagement, afin de pouvoir y tenir des projections cinématographiques, des concerts et des cérémonies familiales comme les baptêmes, les mariages et les funérailles. Le besoin de financement est de 40 millions FCFA pour ces investissements.
Idrissa ZIDA (Stagiaire)
Encadré
Les espaces verts ne sont pas clairement signalés
Comme nous avons pu le constater, plusieurs réserves administratives se retrouvent envahies par des dépotoirs d’ordures, des camions qui les exploitent comme garages ou lieux de stock d’agrégats, des lieux de culte ou de détente pour adultes communément appelés maquis. Le manque de définition claire et d’attribution précise du type d’activité qui peut y être mené constitue un des facteurs encourageant ces pratiques. Sur le terrain, cela s’observe par l’absence de panneau indiquant clairement ce à quoi le site est réservé. Egalement, les communautés méconnaissent très souvent les plans d’aménagement des territoires communaux et par ricochet, ne savent pas la finalité de réserves administratives qui se trouvent au cœur de leurs habitations. Cet état de fait rend les réserves administratives très vulnérables aux détournements.
Encadré
L’arbre des dix mille FCFA
Il s’agit d’un raisinier adjacent à la clôture du jardin. Actuellement, il fait le bonheur de la communauté, car c’est sous l’ombre de son feuillage que se tiennent la majorité des rencontres. On raconte que dans le passé, un monsieur avec une hache en main s’était présenté pour abattre le raisinier, estimant que l’arbre lui appartient, étant donné qu’il se trouve sur son ancien champ. Ce dernier fut interpellé par un membre de la communauté. Après échanges, un terrain d’entente fut trouvé et l’arbre fut épargné contre une somme de 10 000 FCFA.
Encadré
Un financement 100% communautaire
A la question de savoir comment bon voisinage Viim Neeré pourra réunir le montant nécessaire pour les projets envisagés, Abdoulaye Zoromé réplique : « Le coût n’est pas le plus important, mais l’investissement long terme. »
« C’est important que les gens puissent définir leur bonheur et donner du contenu à ce bonheur. Ici, on est sur cette lancée (…). Nos épouses aussi sont impliquées et ça nous permet de rêver, de dire que dans ce Burkina Faso où on aime dire très souvent que ça ne marche pas, on peut avoir des initiatives qui marchent, d’où notre fierté et notre engagement à poursuivre », ajoute-t-il.
« Je rêve qu’on puisse trouver ce genre de projet dans tous les quartiers, dans tous les villages, dans toutes les Communes. Aujourd’hui, nous voyons une fracture au niveau social, parce que nous n’avons pas su construire sur nos valeurs. Ce projet est comme une école communautaire, un cadre d’enseignement. Quand on se retrouve pour échanger pendant que nos enfants s’amusent sous notre supervision, on ne peut qu’être satisfait. Nous avons malheureusement des communautés aujourd’hui qui sont colonisées par le bruit (maquis et bars). Avoir un cadre où nos enfants peuvent apprendre et grandir sainement est un rêve que je nourris et j’espère qu’il sera répliqué partout», conclut-il.
