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Grand oral du président de la Transition: une détermination à toute épreuve

• La grande offensive attendue

• Une diplomatie pragmatique

• Haro sur les discours de division

Comme lors de son face-à-face avec les responsables des partis politiques aux premières heures de sa prise de pouvoir, le président de la Transition, le Capitaine Ibrahim Traoré, aura marqué les esprits, lors de son entretien accordé, le 03 février 2023, à la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB) et Savane Média, par sa franchise et sa sincérité. Aucune question n’a été éludée. La volonté de reconquête du territoire national, écumé par la morve terroriste, demeure tenace. C’est plus qu’un impératif de survie de sévir ardemment contre les forces obscurantistes qui s’en prennent impunément aux populations. Au-delà de quelques opérations dans certaines zones sous emprise terroriste, le chef de l’Etat pense que la grande offensive n’a pas encore commencé. « La reconquête comporte plusieurs phases. Actuellement, je peux dire que dans notre stratégie globale, le combat n’a pas encore commencé. Nous avons une première phase d’établir une base de données en matière de renseignement qui est très importante pour nous ; parce qu’une bonne partie de la guerre, c’est le renseignement qu’il faut exploiter en même temps. Ce qui nous amène à mener des opérations aéroterrestres de temps en temps pour attaquer certaines bases », a-t-il détaillé. Il n’en fallait pas pour que certains trouvent à redire. Pour eux, le préalable consiste à parler après que l’on aura constaté la réalité sur le terrain. Qu’à cela ne tienne ! La démarche adoptée par le chef de l’Etat épouse la logique d’une certaine transparence vis-à-vis de ce qui est fait concrètement sur le terrain pour relever le défi sécuritaire. Même si l’on est en temps de guerre où tout ne devrait pas être dit publiquement, il y a quelque part aussi un effort de rassurer l’opinion. Dans l’offensive déclenchée contre les groupes terroristes, il ne s’agit pas uniquement de casser du terroriste. Il est également question de redonner espoir aux populations libérées du joug nihiliste, à travers le redéploiement de l’administration publique et le développement de certaines activités. Il y a lieu d’occuper le terrain dans la perspective de consolider ce qui a été fait. Même si toute négociation est exclue pour l’instant avec les combattants terroristes qui s’en prennent sans raison à des populations désarmées qui ne demandent qu’à vivre tranquillement, il ne s’agit pas non plus de mener une guerre aveugle comme l’ennemi. « La vocation n’est pas de tuer. Aujourd’hui, nous souhaitons que ceux qui se sont engagés avec ces groupes-là, qui ne sont vraiment pas convaincus, sachent qu’ils ne défendent rien », a précisé le Capitaine Traoré. Face au tollé relatif aux violations de droits de l’Homme soulevé par certaines organisations, le président estime  que le pays respecte ses engagements pris vis-à-vis de certaines conventions internationales. C’est dans cette dynamique qu’un accent particulier est mis sur la question du respect des droits de l’Homme dans la formation des volontaires pour la défense de la patrie (VDP), y compris celle des Forces de défense et de sécurité (FDS).

Contrairement à une opinion qui voudrait faire penser que le Burkina s’inscrit dans la même dynamique de rupture de ses relations diplomatiques avec la France, à l’instar du Mali voisin, le Capitaine Traoré s’est voulu clair. 

Le départ de la force française Sabre de Ouagadougou, voulu par les autorités, a pris appui sur un article de l’accord de coopération militaire qui stipule qu’il peut être dénoncé à tout moment par une partie. En lieu et place de rupture, il est désormais question de s’affranchir d’une tutelle diplomatique qui a été le plus souvent au désavantage du Burkina.

Il est temps d’asseoir une nouvelle forme de coopération qui prenne en compte les intérêts de chaque partie dans un esprit d’équité. Dans le nouvel ordre qui se dessine, le Burkina veut imprimer sa revendication de souveraineté à son partenaire historique qu’est la France, c’est désormais sous le prisme d’un partenariat décomplexé, gagnant-gagnant, que le président de la Transition entend traiter avec l’ancienne puissance coloniale. La position du chef de l’Etat s’écarte de la posture belliqueuse que certains voudraient adopter vis-à-vis avec la France. Dans les relations entre Etats, il y a des hauts et des bas, il convient de savoir agir avec lucidité et responsabilité.

L’on ne revendique pas sa souveraineté de façon désinvolte à l’encontre d’un partenaire qu’on voudrait charger de tous les péchés d’Israël. Nos propres incuries face à la déliquescence de nos Etats ne sauraient être occultées en chargeant les autres. Il est trop facile de tomber dans le piège de la victimisation. Le plus important est de  tracer les sillons de notre véritable émancipation fondée sur nos réalités endogènes, longtemps restée un vœu pieux.

C’est dans une attitude respectueuse de l’autre, en dépit de nos incompréhensions, que l’on saura se frayer le chemin que nous voulons. Déchaîner des passions haineuses qui occultent bien des belles histoires entre les peuples pour affirmer sa souveraineté est une grosse méprise. Il faut oser le changement qualitatif sans pour autant tomber dans la  mesquinerie infantile. Sur la question de la présence de Wagner au Burkina, l’on a été heureux d’entendre le chef de l’Etat soutenir que Wagner, ce sont d’abord  nos VDP. Une manière de dire que si le pays s’est plus tourné vers la Russie ces temps-ci, il s’agit plutôt de chercher de l’équipement militaire que de  faire intervenir des militaires russes au Burkina.

Jérôme HAYIMI

 

Encadré

Mettre des gardes-fous contre certains discours

La question religieuse et celle ethnique ont été longuement abordées dans cet entretien. Certes, le chef de l’Etat a insisté sur le fait que le  Burkina est un Etat laïc et que le dialogue religieux  y est bien une réalité, mais il est de l’intérêt de tous de mettre des garde-fous contre certains discours qui ont tendance à étiqueter d’autres citoyens.

Il y a quelques semaines, la sortie d’un responsable d’une communauté religieuse a suscité non seulement des interrogations chez ses propres coreligionnaires, mais pour les autres une sorte de gêne et de confusion. D’autres zélateurs font un véritable amalgame entre leur foi et leur sympathie pour le chef de l’Etat, au point de verser dans une certaine hystérie laudative. Ce sont des agissements qui sont de nature à compromettre l’harmonie qui a toujours régné entre les différentes confessions religieuses dans notre pays. Il n’est de l’intérêt de personne, dans ce contexte si précaire, d’activer les ressorts d’une quelconque appartenance religieuse ou ethnique pour mettre le feu aux poudres. Transcendons souvent nos élans plus ou moins partisans pour résister à la tentative de confusion qu’exploitent savamment les forces du mal pour détricoter la cohésion entre les communautés. Comme le souligne si bien le Pr Jacques Nanema : « La cohésion de la Nation doit devenir chez nous comme dans tous les grands pays qui se respectent, au-delà des différents clivages possibles, un sens commun, une valeur non négociable et l’égalité entre tous les citoyens du Burkina, un impératif catégorique républicain que l’Etat et la société considèrent comme la prunelle de leurs yeux. »

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