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Une politique expansionniste pour la paix au Faso

Souleymane OUEDRAOGO, Ingénieur statisticien, Economiste.

L’économie burkinabè agonise, le peuple burkinabè souffre, la dégradation des conditions économiques des Burkinabè est perceptible et les affaires vont au plus mal. Ces maux sont en grande partie imputables à la crise sécuritaire qui secoue le pays et dont la résolution est la première priorité du gouvernement. S’il ne faut pas perdre de vu cet ultime objectif, des chantiers non moins importants sont à conduire de façon concomitante pour faciliter le retour rapide d’une paix durable. Et, nous pensons que la condition économique des populations est un facteur important pour la stabilité. Aussi, nous semble-t-il important d’encourager la mise en œuvre de toute politique pouvant permettre d’améliorer le niveau de revenu des ménages.

La première prescription que nous conseillons à l’Exécutif burkinabè est de lancer de grands projets ambitieux et structurants. En effet, ce sont les grands chantiers de l’après-seconde Guerre mondiale, nécessaires à la reconstruction de l’Europe, qui sont à l’origine de la forte croissance enregistrée pendant 30 ans ! Les projets à proposer dans le cas du Burkina ne doivent pas être limités par l’importance des ressources à mobiliser, bien au contraire, car, comme l’a si bien illustré l’ancien président français Nicolas Sarkozy : « C’est le projet qui fait l’argent, ce n’est pas l’argent qui fait le projet. ». Chacun des secteurs (route, énergie, immobilier, industrie, hydraulique, agriculture, élevage, etc.) doit identifier des projets d’infrastructures et engager la réalisation des études de faisabilité si elles n’existent pas déjà.

Les études, conduites par des experts qualifiés à titre bénévole en trois (03) mois maximum, devraient permettre d’aboutir à la production de documents de projets bancables qui seront soumis aux partenaires techniques et financiers. Le lancement de ces grands travaux donnera un nouvel élan à l’économie nationale, grâce à l’espoir, à l’emploi et la saine occupation de nos laborieuses populations. A titre illustratif, la région du Sahel, malgré son potentiel, manque cruellement d’énergie. Pourtant, l’énergie est indispensable pour le développement de projets industriels (abattoir, tannerie, etc.), la chaîne de froid, la mobilisation des ressources en eau souterraine, etc. La construction de la ligne haute tension (225 kV) Ouaga – Kaya – Dori permettra de donner un nouveau visage à la région du Centre-Nord et à celle du Sahel durement touchées par le terrorisme.

La réalisation de ces chantiers nécessitera certainement la mobilisation d’une main d’œuvre locale qui permettra de résoudre des problèmes cruciaux de chômage et de sous-emplois. La deuxième prescription est relative à la stimulation de la consommation locale. Elle doit se faire par deux politiques majeures, à savoir l’intensification des mesures destinées à doper la consommation de produits locaux et l’institution d’une taxe de soutien à l’effort de guerre, qui ciblera exclusivement les importations de produits de luxe (parfums, vins, voitures, etc.) et de produits exerçant une concurrence ruineuse pour les produits locaux (jus, meubles et autres mobiliers, etc.).

Aujourd’hui plus que jamais, le slogan du consommons local doit passer de la parole à l’acte ! Quand des femmes déplacées internes, organisées en association, présentent, sur les ondes des médias, la mévente des pagnes qu’elles tissent comme principale difficulté, il y a assurément un recadrage à faire. Imaginons que dès à présent, l’Etat décide que les élèves, le personnel de santé, des établissements financiers, des sociétés d’Etat, le personnel de l’armée, etc. soient habillés avec les pagnes locaux, la chaîne de valeur induite (filage, teinture, tissage et couture) est inouïe ! En outre, nous encourageons fortement la délocalisation de certaines activités (ateliers, réunions, Conseil des ministres, etc.) de l’administration publique, des PTF et même du secteur privé.

La chaîne hôtelière et les restaurants se meurent dans certaines régions, les routes y sont tristes, car très peu fréquentées, les activités commerciales en bordure de voies sont absentes, l’économie locale dépérit et les populations résidentes ont l’impression d’appartenir à un autre monde. Nous sommes convaincus que des villes comme Dori, Gorom-Gorom, Titao, etc. présenteraient un autre visage si elles étaient permanemment fréquentées. Poser le problème des ressources pour interdire ces activités ne nous semble pas probant, car la vitalité des entreprises de ces localités accroîtrait inéluctablement les recettes de l’Etat ; ce n’est donc pas une perte, juste une redistribution de revenus. Cela fait la énième fois que l’axe Kaya-Dori subit des dommages causés par le terrorisme. A notre avis, si cet axe était bien fréquenté, l’infrastructure serait moins vandalisée. Les commandes (mobiliers de bureau, consommables, etc.) des entités décentralisées (Administration, banques, sociétés d’Etat, etc.) doivent également se faire localement !

Les commandes centralisées à Ouagadougou pour soit disant réduire les coûts ne permettent pas l’éclosion d’un tissu économique local solide. La troisième prescription consiste à valoriser, encourager et protéger les entreprises locales. La dégradation du climat des affaires et l’absence d’une réelle politique volontariste pour rassurer et séduire les opérateurs économiques, même les plus modestes, ont engendré une expatriation et/ou la fermeture progressive de plusieurs entreprises. Certains grands opérateurs ont été inutilement humiliés et l’Etat ne semble pas garantir la sécurité ni de leurs activités, ni de leur intégrité physique. Les lois économiques sont malheureusement impitoyables : la frustration et le mauvais présentiment d’un acteur qui emploie des centaines de personnes se paient cash et cher !

Nous pensons qu’il faut éviter d’asphyxier l’économie en imposant une austérité qui n’aura d’autre effet que de plomber l’économie burkinabè. Il faut plutôt laisser le choix aux populations de dépenser leur revenu, honnêtement acquis, à leur convenance, sans les stéréotyper. o

Souleymane OUEDRAOGO, Ingénieur statisticien, Economiste

Note de l’auteur : La littérature économique est prolifique sur les politiques à mettre en œuvre pour redresser la situation économique d’un pays. Notre écrit pourrait s’appuyer sur une pléiade d’éminents économistes dont les prescriptions ont fait leurs preuves dans maintes économies. Mais, dans un souci de concision et de pragmatisme pour éviter d’ennuyer nos éventuels lecteurs, nous citerons seulement l’économiste britannique John Maynard Keynes, qui disait en substance que « mieux vaut encore employer des gens à creuser des trous et à les reboucher, plutôt que plonger dans la récession et laisser le chômage s’installer ». Nous tirons également de riches enseignements des trente (30) glorieuses soutenues par une politique expansionniste. 

 

Encadré

Donner de l’espoir à nos populations

La stigmatisation du style de vie de certaines personnes (comme ce fut le cas sous la Révolution) poussera beaucoup de Burkinabè, dans un souci de conformisme et/ou de populisme, à réduire les dépenses dites ostentatoires qui permettent pourtant de subvenir aux besoins d’autres familles. Laissez les Burkinabè aller au cinéma, aux concerts, au glacier, au maquis, dans les discothèques et dans les bars ! Laissez-les dépenser leur argent au Burkina, pour construire de grandes maisons avec d’immenses jardins qui mobiliseront plusieurs ouvriers responsables de la scolarité de plusieurs enfants. Cette stratégie, en plus d’assurer une contribution honorable des entreprises visées au budget de l’Etat, fera vivre des milliers de familles et sera le gage de la résilience de notre pays. L’absence de perspective et d’espoir constitue un véritable handicap pour endiguer l’hydre terroriste. Les injustices, les frustrations et les humiliations que certains de nos concitoyens ont vécues et / ou vivent constituent le cocktail explosif qui peut faire basculer certains d’entre eux dans le tortueux chemin des forces obscurantistes.

Il nous faut, sans laisser faiblir notre défense, trouver les mécanismes pour donner de l’espoir à nos populations, par la mise en œuvre de projets concrets et inclusifs. Peut-être qu’avec un peu d’espoir, ceux qui ont pris les armes les déposeront et ceux qui étaient sur le point de s’y engager y renonceront. Notre profonde conviction est qu’une politique expansionniste sera plus efficace qu’une politique d’austérité. o

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