• 19 points de vente dans la ville de Ouagadougou
• 86 personnes pour assurer le service
• 4 000 miches de pain vendues par jour
Lorsqu’Adama Tapsoba s’installait avec sa table de 1,5 m de long, ses deux bancs et son fourneau un jour de l’année 2007, sur l’avenue Pr Yembila Abdoulaye Toguyeni, en face du Lycée technique de Ouagadougou (rebaptisé Lycée technique Aboubacar Sangoulé Lamizana), il ne s’imaginait pas qu’une décennie plus tard, il serait à la tête d’une chaîne de vente de sandwich « pain-bro », c’est-à-dire du pain fourré aux brochettes. Et pourtant ! En octobre 2022, le jeune homme de 36 ans dispose de dix-neuf (19) points de vente dans la capitale, emploie quatre-vingt-six (86) personnes et arrive à écouler entre 3000 et 4 000 miches de pain par jour. D’où tire-t-il son succès ? « L’innovation, l’abnégation et la grâce divine », répond-il.
Alors qu’il vient de boucler son année scolaire de la classe de 6e , à Zorgho, dans la région du Plateau central, et doit aller en classe supérieure, il dut se résoudre à abandonner les bancs, faute de moyens. Il met en exergue son talent de dessinateur au profit des élèves en quête du certificat d’études primaires pour leurs cahiers de présentation. Mais la périodicité d’une telle activité ne lui permet pas de subvenir à ses besoins. Il rejoint son père, boucher au marché de la cité An II, dans l’Arrondissement 1 de Ouagadougou. Là, il se rend vite compte que la vente de la viande crue ne procure pas non seulement beaucoup de bénéfice, mais n’occupe pas non plus toute la durée de la journée. Il décide alors de se lancer aussi dans la grillade de viande. Les premières démarches pour trouver un emplacement sont infructueuses. Grâce à un ami étudiant, il obtient partiellement son emplacement actuel, 4m2 , devant une cour. Les premiers moments de cohabitation avec les occupants de la cour sont sulfureux. Voir un fourneau, une table et deux bancs devant la porte ne plaît pas à tout le monde, le jeune homme d’à peine 20 ans et son ami soufflent le chaud et le froid pour se faire accepter. A cela, il fallait intégrer les réalités propres aux novices : « Il y avait des moments où, lorsque je vendais aujourd’hui, le lendemain, je ne sortais pas, car je n’avais pas l’argent nécessaire pour acheter ce qu’il fallait. Je n’arrivais pas à rentabiliser. A ce moment aussi, je travaillais avec deux personnes, qui, un jour, m’ont abandonné sans m’informer, parce que je n’arrivais pas à les rémunérer convenablement », affirme-t-il. Pour le label, le calligraphe avait déjà troqué « Adama » pour « Adams » qu’il avait fièrement gravé déjà sur la table de vente de son père. Il ajouta « pain bro » au diminutif de son prénom, pour faire maintenant « Adam’s pain bro » ou le pain brochette de chez Adama.
En ce qui concerne la recette, il libère constamment son génie créateur. Au traditionnel « pain, morceau de viande, huile, piment en poudre », il ajoute successivement des légumes, de la mayonnaise, du ketchup….
Il personnalise son emballage : « Quand j’utilisais le papier, j’ai remarqué que les clients devaient en plus payer des mouchoirs pour s’essuyer, après avoir mangé. J’ai alors commencé à emballer le pain avec des mouchoirs pour leur faciliter la tâche. Par la suite, j’ai fait graver mes contacts sur les mouchoirs et cela a fait voyager mon nom, car il arrivait que des gens m’appellent d’autres provinces pour faire des commandes, parce qu’ils sont tombés sur mes emballages », explique-t-il. Le service est aussi bien organisé avec des départements précis : accueil, vente, découpe oignon, découpe viande, piquage viande, grillade, préparation de la vinaigrette et plonge.
Aujourd’hui, le siège d’Adams pain bro, c’est un espace d’environ 20 m2 , équipé de ventilateurs, d’écran plasma, de six (06) guichets de vente, avec 40 places assises. Le client, sur place, peut également se faire servir une boisson chaude ou fraîche. Vingt-cinq (25) personnes y sont constamment dans un travail à la chaîne où chacun sait ce qu’il a à faire mais aussi ce que l’autre doit faire.
En termes de chiffre d’affaires, il ne faut pas s’attendre à avoir un chiffre rond. Adams jure que lui-même ne le sait pas. « En temps normal, je devrais avoir un cahier de compte où on peut voir le point de l’année, du mois et de chaque jour, mais je ne fonctionne pas comme cela. Chaque soir, je fais le point de ce qui a été vendu et je réinvestis immédiatement pour le lendemain », avoue-t-il. Pour avoir une idée donc, il faut se lancer dans une évaluation de ses matières premières. 120 et 130 kg de viande de bœuf, 3000 à 4 000 miches de pain, 4 sacs de 100 kg de concombre, 6 sacs de 50 kg d’oignons, l’huile, la mayonnaise, le ketchup….
Le promoteur d’Adam’s pain bro, marié et père de trois enfants, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. La prospection dans la ville de Koudougou et de Bobo-Dioulasso est en cours, pour installer des points de vente. « Si j’arrive à faire ma propre boulangerie, cela me soulagerait, car on est trop dépendant de celles qui sont là. J’aimerais aussi avoir mon propre supermarché, pour faciliter mon approvisionnement », projette-t-il, à moyen terme.
Martin SAMA