• Danger pour l’écosystème aquatique
• Stratégies de lutte peu efficace
• Opportunités économiques inexploitées
En cette matinée du mardi 4 octobre 2022, le barrage N°2 de Ouagadougou, communément appelé « Tanghin barrage », grouille de monde. Vu l’heure (10h passé), c’est sûr, il ne s’agit pas de pêcheurs. Ces derniers préfèrent la pénombre pour se mettre à la tâche. Bien loin de la discrétion, une équipe d’hommes vêtus en gilets orange et munis de pelles, de fourchettes et d’autres dans une pirogue se livrent à l’arrachage de la jacinthe d’eau qui, depuis, pollue le barrage. Cette activité se menait sur la côte extrême de cette étendue d’eau, tout juste à côté du pont séparant le barrage n°2 de celui n°3 de Ouagadougou.
Des jeunes et certains hommes d’un âge un peu avancé travaillent en parfaite complicité. Certains aux abords du barrage, chaussés de bottes et trempés dans l’eau, arrachent la jacinthe d’eau avec les fourchettes et procèdent à l’évacuation à l’aide de pelles. D’autres, en position un peu avancée, sont dans des pirogues au bord desquels, ils font l’arrachage. Ces derniers poussent la jacinthe d’eau détruite vers le bord, afin de faciliter son évacuation. La jacinthe d’eau arrachée est déversée au bord de la route voisine au barrage. Cet état de fait empêche tout arrêt à ces niveaux de la voie. D’où des plaintes de certains riverains. La raison de cette opération de nettoyage tient au fait que la jacinthe d’eau perturbe l’écosystème et est à l’origine de plusieurs problèmes aux conséquences économiques énormes.
L’équipe d’arrachage, qui est à la manœuvre, est constituée de membres de la société coopérative dénommée « Song-taaba n°1 ». Il s’agit plus exactement d’un groupement de pêcheurs constitué de 23 membres. Salif Kagambega est le vice-président de la société coopérative et pêcheur de profession. Ce quinquagénaire, mince, de teint noir et vêtu en gilet orange, est assis sur un banc placé au bord du barrage, en train de fumer de la cigarette. Il estime que c’est en 2016, que la Jacinthe d’eau a envahi complètement le barrage. « Cette situation a été dramatique et a affecté considérablement la pêche. Les poissons mouraient en nombre élevé et les revenus issus de notre activité ne dépassaient plus 750 FCFA par jour. Pourtant, en dehors de cette situation, je pouvais avoir entre 2000 et 2.500 par jour », a-t-il déclaré.
Selon lui, le nettoyage du barrage a commencé en 2017, avec l’appui du Comité local de l’eau du Massili Nord (CLE/MN). Une aide financière et matérielle a été d’un soutien important pour le nettoyage, a-t-il poursuivi. De temps à autre, l’ONG donne 2.000 FCFA à chaque personne. Cette somme est parfois revue à la hausse en fonction des possibilités financières de notre partenaire. Cette activité est facilitée par des partenaires qui passent souvent encourager l’association pour ses efforts affichés dans le cadre de la lutte contre la jacinthe d’eau. Nous avons eu la chance de tomber sur l’un d’eux.
M. Etienne Méda est superviseur relevant du CLE/MN. Il dit être passé pour voir l’état d’avancement des travaux et encourager l’équipe pour le travail fourni. Le superviseur nous fait savoir que son organisme et la société coopérative « Song-taaba n°1 » sont en partenariat pour le nettoyage du barrage depuis un bout de temps. Il déclare que l’Agence de l’eau du Nakambé (AEN) apporte un soutien important pour le nettoyage du barrage. « Nous nous sommes fait pour mission le nettoyage du barrage, mais vu que c’est une activité qui se mène dans l’eau, il faut des gens qui s’y connaissent. Il y a des puits à l’intérieur du barrage, des serpents, des varans. C’est au regard de tout cela que nous avons décidé d’appuyer les pêcheurs qui maîtrisent l’eau pour ce travail », a laissé entendre le superviseur. Mais, l’arrachage de la jacinthe d’eau, bien que présenté comme utile, occasionne des grincements de dents chez certains riverains.
Des riverains mécontents
Pour M. Issa Soré, vendeur de chaussures aux abords du barrage, cette activité d’arrachage est une bonne chose. Mais, il affirme que le déversement des déchets affecte sérieusement son activité. La raison est qu’il n’y a plus d’espace pour les clients de s’arrêter. Au moindre arrêt, les usagers de la route hurlent et insultent, les obligeant ainsi à continuer. Il souhaite que le ramassage des déchets soit plus rapide pour qu’il puisse bien mener à bien son activité.
Cette plante, qui engendre des difficultés majeures, n’est pas très bien connue. Des spécialistes se sont consacrés à son étude pour bien la cerner.
Pourtant, le danger est bien réel
Selon Dr Adama Ilboudo, Directeur de l’Eau et de l’Environnement de l’Agence de l’eau du Nakambé, la présence de la jacinthe d’eau constitue un danger qui menace l’écosystème aquatique et la santé humaine. Il poursuit que sur le plan économique, elle nuit à la pêche en réduisant les concentrations d’oxygène et les rendements en poissons, ainsi qu’en obstruant les filets de pêche. Et représente également une grave menace à la production agricole, car provoquant l’obstruction des canaux d’irrigation. De l’avis de l’expert, la jacinthe d’eau favorise le développement de certaines maladies telles que le paludisme, la bilharziose, et abrite de nombreux serpents. Se fondant sur les propos de notre expert, les pertes d’eau, estimées par évapotranspiration due à la plante dans le barrage n°2 de Ouagadougou, s’élèvent à 292.320 m3 par an, soit une perte annuelle chiffrée de 55 millions FCFA. En moyenne, l’Agence de l’eau du Nakambé dépense 30 millions par an dans le cadre de la lutte contre la plante. Bien que nuisible sur le plan économique, sanitaire, environnemental et à la mobilisation des eaux, la jacinthe d’eau représente quelques opportunités économiques.
Rahim OUEDRAOGO (Stagiaire)
Filet
Les opportunités économiques de la plante
Pour Dr Adama Ilboudo, Directeur de l’Eau et de l’Environnement de l’Agence de l’eau du Nakambé, la jacinthe d’eau possède des propriétés diverses dont la communauté peut bénéficier. Elle peut être utilisée dans :
- la fabrication du compost comme engrais « vert » ;
- la production du biogaz à partir de la fermentation de la jacinthe ;
- la fabrication des briquettes à partir de la matière organique séchée à base de jacinthe d’eau ;
- la vannerie pour fabriquer du papier, des nattes, des meubles, des toitures, des chapeaux, des grilles de production d’arbre… ;
- la fabrication des fourrages d’animaux….
« Nous sommes à la recherche de partenaires susceptibles de nous appuyer dans la mise en œuvre des techniques de valorisation », conclut-il.