• Des mouvements d’avions russes et américains
• Un jet privé à Ouaga dans la soirée du 30 septembre
• Le Falcon 8X de Liza Transport international sur le tarmac le 2 octobre
Paul Henri-Sandaogo Damiba était-il à Ouagadougou, au moment du coup d’Etat de fin septembre 2022 ? La rumeur circule depuis le début de la semaine du 3 octobre : l’ex-président était à Abidjan, au moment où le jeune Capitaine s’emparait de son fauteuil à Kosyam.
Comment vérifier une telle info ? L’on sait, de sources sûres, que la garde présidentielle était au domicile de l’ancien patron, juste après la prière de midi du vendredi 30 septembre 2022. « A la fin de la prière, ils se sont repliés et ne se sont plus montrés », affirment les voisins de quartier de Damiba. Selon nos sources, c’est le moment où le Lieutenant-Colonel, ayant appris ce qui se passait au pays, a décidé de revenir. Cette heure correspond à peu près au moment où un Dassault, un avion privé, atterrissait sur le tarmac de l’aéroport de Ouagadougou. Il est resté une heure sur le tarmac avant de regagner Abidjan. Ceci explique, selon nos sources, pourquoi la riposte de ses éléments n’a pas été immédiate. Pour vérifier ces dires, il nous faut retracer la semaine de Damiba. Après la tenue du Conseil des ministres du 28 septembre, le Lieutenant-Colonel s’est rendu à Djibo, en fin de matinée. L’objectif était de témoigner de sa compassion à ses frères d’armes du 14e RIA, victimes d’une embuscade, le 26 septembre à Gaskindé.
Après cette sortie, plus de nouvelles de Damiba, dans la nuit de jeudi à vendredi. Il faut attendre autour de midi, le 30 septembre, pour lire un communiqué sur la page Facebook de la Présidence du Faso. Ce message, signé de la Direction de la communication de la Présidence, a été supprimé après que le Capitaine Traoré s’est reconnu nouvel homme fort du MPSR. C’est le 30 septembre qu’un message, attribué à l’ex-Président Damiba, a été publié sur la page Facebook de la Présidence du Faso (message qui a été supprimé par la suite). Aucune trace de ce message sur la page officielle du président du Faso. En était-il le commanditaire ? Des doutes subsistent. Le lendemain 1er octobre, un communiqué de l’Etat-Major général des armées invitait les parties au calme, afin de donner une chance à une sortie négociée de la crise. Ainsi, des négociations étaient en cours entre les deux parties. L’intervention des leaders coutumiers et religieux a été des plus saluées. Le seul hic, durant ces négociations, nulles traces de Damiba. Interrogé sur les ondes des radios, le Capitaine Ibrahim Traoré explique avoir parlé au téléphone deux fois de suite avec Damiba. Il déclare, par la suite, ne l’avoir pas rencontré physiquement. Pour confronter l’information selon laquelle le Lieutenant-Colonel Damiba était hors du pays pendant le coup d’Etat, L’Economiste du Faso a remonté les historiques des avions au départ et à l’arrivée du Burkina, durant la période du 27 septembre au 1er octobre 2020. Deux faits marquants ressortent :
Des mouvements d’avions russes et américains
Le premier, un jet Bombardier russe (reg. RA-67242 – 1506AA), a atterri à Ouagadougou, après avoir quitté Moscou, puis Istanbul. L’avion serait lié à l’entreprise publique 🇷🇺 Rostec/KRET (fabricant d’armes et de munitions). Toujours, le 27 septembre, un DHC 8 (immatriculé N428MS – A51A7B) de l’entrepreneur militaire américain 🇺🇸 «Berry Aviation» a fait une visite plutôt d’une heure à l’aéroport de Cotonou, en provenance de Ouagadougou. Selon l’horaire des vols, cet avion devait quitter Ouaga pour Niamey.
Le lendemain, 28 septembre, deux hélicoptères Airbus H225 (immatriculés N551AC & N576AC), liés à l’armée américaine, ont volé de Niamey à Ouagadougou et ont réatterri à Niamey 4 heures après. Il s’agit du type d’hélicoptères utilisés pour le transport de troupes américaines ou de plus petites cargaisons, par exemple, des fournitures.
Un Falcon 8X, jet d’affaires privé
Mais revenons à la journée du vendredi 30 septembre. En fin de soirée, 17h-18h, un jet d’affaires, Dassault Falcon 8X (immatriculé F-OLTI – 3A2E68), atterrissait à l’aéroport de Ouaga. Selon son plan de vol, il venait de Lomé, au Togo, et s’est posé en gros une heure sur le tarmac burkinabè, avant de continuer sur sa trajectoire. Il appartient à Dassault Falcon Service, une entreprise qui propose de nombreux services, notamment, des vols charters avec «confidentialité VIP». Après avoir quitté Ouagadougou, le F-OLTI a atterri à Dakar Yoff, aéroport militaire sénégalais, utilisé par les avions cargo, militaires et charter. Notons que l’homme d’affaires burkinabè, Mahamadou Bonkoungou , dispose d’un Falcon 8X dans sa flotte.
Dans la nuit du 30 septembre 2022, le Capitaine Ibrahim Traoré, nouvel homme fort du MPSR décide de fermer les frontières terrestres et aériennes jusqu’à nouvel ordre. Le NOTAM (information pour les pilotes) indique que les atterrissages et décollages sont interdits, sauf pour les vols militaires burkinabè, les aéronefs en détresse, les évacuations sanitaires, les vols humanitaires et les vols avec autorisation. Notons que les survols sont autorisés.
C’est dans ce cadre que le 1er octobre, un C-130H de l’armée de l’Air nigérienne (immatriculé 5U-MMS – 062F05) a quitté l’aéroport de Bobo-Dioulasso pour Niamey. Le C-130H s’était rendu à Bobo, le 27 septembre dernier, et y a séjourné occasionnellement. Des sources contactées parlent d’un exercice militaire de parachutage à Bobo-Dioulasso. Le même jour, les Ouagalais ont pu suivre le survol de la capitale par deux hélicoptères XT-MES et XT-MEP.
Dernier point marquant, le 2 octobre 2022, juste avant l’ouverture des frontières aériennes, un jet charter Dassault Falcon 8X (immatriculé LX-EBO) de Liza Transport international a atterri à l’aéroport de Ouagadougou, en début soirée (17h), selon les données consultées sur Flightradar24. Celui-ci est resté aussi une heure sur le tarmac avant de poursuivre, lui aussi, son vol vers Dakar, au Sénégal. Ce vol a été effectué alors que les décollages et atterrissages ne sont autorisés qu’avec une autorisation spéciale des autorités. Il semble que le jet avait changé son plan de vol de manière inattendue, après avoir quitté Lomé.
Ainsi, au vu de ce ballet aérien, on peut supposer que le Lieutenant-Colonel Damiba est rentré à Ouagadougou dans l’après-midi du 30 septembre, avant de repartir de la capitale, dans la soirée du 2 octobre 2022, pour Lomé. Cela ne reste que des suppositions. o
JB
Encadré
Le Capitaine Ibrahim Traoré, nouveau chef de l’Etat
Le Burkina Faso a le président le plus jeune au monde. A 34 ans, le Capitaine Ibrahim Traoré peut se targuer de rentrer dans l’histoire à pas de géant. Celui qui préside désormais à l’avenir des Burkinabè s’est investi président dans la soirée du 5 octobre 2022.
« Le président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) assure les fonctions de chef de l’État, chef suprême des Forces armées nationales », indique l’Acte fondamental, qui complète la Constitution du Burkina, « en attendant l’adoption d’une Charte de la Transition ». Cette déclaration a été lue par le Capitaine Kiswendsida Farouk Azaria Sorgho, porte-parole du MPSR, la junte au pouvoir, lors d’une émission spéciale à la Télévision nationale.
Le nouveau président expédiera les « affaires courantes » jusqu’à la désignation d’un nouveau président de la Transition, civil ou militaire, par des Assises nationales, réunion qui doit se tenir avant la fin de l’année, selon le communiqué.