• Plus de déjeuner pour les participants délocalisés
• Les perdiems couvrent déjà cette dépense
• Un manque à gagner pour les restaurateurs
Le Dr Albert Ouédraogo, Premier ministre, a de nouveau pris une note circulaire le 16 septembre dernier, demandant à ses ministres et aux présidents d’institutions de mettre fin à la pratique des pauses-déjeuners. Pour le Premier ministre, continuer de les servir en l’état actuel constitue « une double dépense effectuée au détriment du budget de l’Etat ». Et pour cela, il s’appuie sur les rapports des missions de contrôle et l’audit de contrôle de l’ASCE-LC ( Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption) qui ont conclu à la quasi-permanence des dépenses relatives aux déjeuners servis aux participants, lors des activités délocalisées. Pour les contrôleurs, cette pratique est non seulement préjudiciable au budget de l’Etat, mais elle enfreint les dispositions des articles 2 et 3 du décret N°2012-735/PRES/PM/MEF du 21 septembre 2012, portant indemnité de mission à l’intérieur du pays applicable aux agents de l’Etat (voir encadré). Il s’agit donc des pauses-déjeuners et non des pauses-café.
L’autorité est donc dans son droit d’exiger la fin des déjeuners servis aux agents publics, lors des activités délocalisées, et utilise opportunément cette mesure d’interdiction pour conforter sa politique de réduction du train de vie de l’Etat. « Cette pratique étant contraire aux orientations du gouvernement relatives à la réduction du train de vie de l’Etat, vous voudrez bien instruire vos différentes structures à y mettre fin et à observer toute bonne pratique entrant dans le cadre de l’utilisation rationnelle des ressources publiques ». Il y a, cependant, un hic. Cette mesure ne va pas plaire à tout le monde. Les agents publics en premier, qui devront désormais puiser dans leurs perdiems pour déjeuner. Ce ne serait alors qu’un juste retour aux choses.
Le véritable manque à gagner de cette mesure, si elle est appliquée à la lettre, viendrait des restaurateurs et des hôteliers qui hébergent les ateliers et autres séminaires délocalisés. C’est une manne non négligeable qui va leur échapper. Ce sont les oubliés de la circulaire du Premier ministre. Pour atténuer l’impact de la mesure sur leurs finances, ces derniers devraient être plus agressifs dans leurs offres de menu déjeuner, afin de garder les participants sur place. C’est à eux de proposer une alternative aux organisateurs dont l’un des soucis, en offrant le déjeuner, est de maintenir les participants sur place et de tenir les horaires. Les organisateurs d’ateliers et de séminaires également devraient pouvoir s’adapter à cette nouvelle exigence en ajustant les agendas des ateliers pour tenir compte du fait que le déjeuner devient libre.
Joel BOUDA
Encadré
Que disent les textes
Voici les dispositions des articles 2 et 3 du décret N°2012-735/PRES/PM/MEF du 21 septembre 2012 portant indemnité de mission à l’intérieur du pays applicable aux agents de l’Etat.
Article 2 : l’indemnité de mission à l’intérieur du pays est une allocation financière servie aux agents des établissements publics de l’Etat, afin de leur permettre de faire face aux frais occasionnés par une mission d’intérêt pour l’établissement se déroulant hors de leur lieu de résidence habituelle.
La mission qui donne droit à l’indemnité est celle qui est effectuée par un agent de l’établissement qui se déplace à l’intérieur du pays, dans le cadre du service public, soit :
dans une province autre que sa résidence habituelle ;
à l’intérieur d’une même province, sur une distance d’au moins 50 kilomètres.
Les déplacements entrant dans le cadre des activités ordinaires et habituelles propres à certains établissements publics de l’Etat et donnant droit à l’indemnité de chantier ou de tournées sont exclus du champ d’application de ce décret.
Article 3 : l’indemnité servie à l’occasion des missions à l’intérieur du pays comprend :
– les frais d’hébergement ;
– les frais de restauration.
Encadré
L’arbre ne doit pas cacher la forêt
On suppose que la circulaire sera d’application immédiate. Les agents publics de l’Etat, dans des activités délocalisées, devront donc s’attendre à ne plus déjeuner aux frais de la princesse. On le sait ; il y a un écosystème autour du marché des pauses. Ce que la circulaire du Premier ministre ne dit pas, c’est le montant faramineux des factures de pauses-déjeuners payées sur le budget de l’Etat, et souvent avec un rapport qualité prix douteux, qui laisse croire quelquefois, à des surfacturations. Mais à ce niveau, seul le rapport de l’ASCE-LC pourrait en dire plus. Pour les restaurateurs inquiets, selon nos informations, les pauses-déjeuners peuvent être servis quand les participants le souhaitent et sur la base des perdiems reçus à cet effet. Les pauses-café ne sont pas concernées par la mesure.