• Responsabilité collective
• Des résultats toujours attendus
• Une dose de lucidité
Comme il l’avait promis en avril dernier, le président du Faso, le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, a fait son bilan à mi-parcours de son action à la tête du pays. S’il a établi un diagnostic sans complaisance de l’affaissement du Burkina Faso avant sa prise du pouvoir, il reste toutefois à donner les gages d’une volonté de ramener la quiétude et de ne pas sombrer dans une autosatisfaction aveuglante.
Le Burkina Faso est à la croisée des chemins. L’éclaircie née du changement intervenue en 2014 s’est évanouie en moins d’une décennie. Le constat fait par le président du Faso, lors de son adresse le 4 septembre 2022, est interpellateur à plus d’un titre. « Le mal qui nous ronge est la résultante de plusieurs années de compromissions politiques, de contradictions sociales et d’amalgames de tous genres, qui ont fini par porter un coup fatal à l’équilibre délicat, que nos devanciers avaient réussi à trouver, pour permettre aux différentes communautés de vivre ensemble malgré leurs différences. Incapables d’initier le moindre sursaut collectif, nous avons laissé notre pays sombrer. A tous les niveaux, nous avons failli », a-t-il établi. Même la grande muette dont il est issu est passée à la loupe critique du chef de l’Etat. L’état de désagrégation dans lequel se trouve le pays des Hommes intègres est la conséquence de l’incurie générale de ses différentes composantes sociales. La faillite du pays est la résultante de nos manquements à tous. En filigrane, le président du Faso interpelle tous ses compatriotes à cet examen de conscience salvateur qui pourrait déciller l’horizon d’un Burkina nouveau. Une introspective s’impose à chaque Burkinabè à quelque niveau de responsabilité qu’il soit. En ayant l’humilité et la lucidité de se regarder dans le miroir de sa propre conscience, chacun pourrait prendre le pari de s’engager résolument vers une optique d’un changement qualitatif dans ses actions au quotidien. Ce sursaut attendu de tous devrait être incarné par l’autorité. Au-delà de nos responsabilités collectives dans le malheur commun qui nous étreint, c’est la faillite morale de l’autorité qui a favorisé cette dégénérescence actuelle. L’œuvre de refondation chère aux autorités actuelles devrait se faire sentir par une exemplarité sans faille au sommet. De la volonté des nouveaux dirigeants à imprimer une bonne cadence dans la conduite des affaires publiques découlera une émulation dans tous les compartiments de la société. Il est bien de peindre la réalité dans sa laideur et son ampleur, mais il reste à montrer cet élan qui vise à insuffler une nouvelle dynamique porteuse d’un renouveau salvateur.
Si le président du Faso a évoqué des décisions majeures qui ont permis un tant soit peu de déstabiliser les groupes armés terroristes dans leur projet nihiliste, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Une bonne partie du territoire national demeure sous emprise terroriste. La récente attaque contre un convoi de ravitaillement sur l’axe Bourzanga-Djibo, qui a fait plus de 35 morts, illustre la permanence du danger. C’est dire que l’on doive redoubler encore d’efforts dans l’offensive contre le péril terroriste. Plus de deux millions de Burkinabè sont encore exilés sur leur propre terre et livrés à la compassion mondiale. Des milliers d’élèves ont renoncé à leurs rêves de faire de longues études. Des familles sont dans l’expectative et l’incertitude étouffante de leurs proches portés disparus depuis des lustres. Des forces de défense et de sécurité sont détenues entre les mains de leurs ravisseurs. Leurs proches ont perdu le sommeil et espèrent qu’ils soient libérés. La morosité qui vrille le secteur économique a fait surenchérir le coût de la vie. Sans denier les sacrifices consentis et les initiatives louables entreprises, il y a lieu de reconnaitre que le bout du tunnel peine à être perceptible. C’est pourquoi, il serait suicidaire de dormir sur des lauriers éphémères. L’essentiel consiste à agir avec l’engagement et le sens du devoir pour que les petits efforts fournis çà et là participent à inverser durablement la tendance. Le Burkina Faso a mal partout, et il urge de se serrer les coudes pour qu’advienne l’accalmie tant rêvée. Paul Henri Sandaogo Damiba l’a clairement compris. « Il ne s’agit pas ici de s’autocongratuler sur les succès engrangés, car, nous en sommes conscients, la dynamique est à peine en train de s’enclencher. Il faudra tout mettre en œuvre pour la consolider et faire en sorte que le processus devienne irréversible », a-t-il souligné.
Une raison de plus pour se méfier des discours flatteurs de certains responsables politiques et d’organisations de la société civile qui sont passés maîtres dans l’art du replâtrage de la réalité. Aveuglés par des querelles de leadership et des rancœurs entretenues inutilement, ils ont trouvé une occasion pour se venger en appréhendant la situation nationale avec un manichéisme béat. En opportunistes, ils débordent d’énergie pour chanter à gorge déployée les louanges des puissants du moment. Cette politique de la courte échelle et de la vaticination ne peut rien augurer de bon pour le Burkina qui recherche ses repères. Il appartient aux autorités de ne pas tomber dans le piège de ces clameurs éhontées formulées du bout des lèvres. Des voix lucides et nuancées portent un regard empreint de sincérité et d’objectivité sur le mal qui ronge le Burkina. Ces derniers ne prêchent que pour une chapelle : un Burkina Faso intègre et résolument tourné vers son devenir. Ils n’ont qu’une seule prière : que le pays puisse retrouver sa quiétude d’antan. C’est donc un impératif pour les autorités de savoir être à l’écoute de ces citoyens qui font preuve de discernement dans cette tornade qui charrie tout. L’erreur à éviter, c’est de succomber aux incantations laudatives de maîtres chanteurs qui se prennent pour des illuminés. o
Jérôme HAYIMI