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Dégradation des ouvrages hydrauliques du Burkina: l’action de la faune aquatique en question

Seïmata Oubian/Derra, Directrice générale des infrastructures hydrauliques (DGIH). (DR)
Le chargé de mission, Ismaël Tou, a présidé les travaux. (DR)

C’est une lapalissade : le Burkina Faso souffre dans la mobilisation des ressources en eau. Selon l’inventaire de 2011, on dénombre plus d’un millier de barrages avec une proportion relativement importante d’ouvrages dégradés à des degrés divers. Les sources de ces dégradations sont à rechercher, entre autres, dans les insuffisances de conception, de construction, d’exploitation et d’entretien….Il n’est pas fait mention d’un facteur, moins documenté, certes, mais dont l’impact négatif sur les ouvrages n’est pas à négliger. Il s’agit de l’action d’une certaine composante de la faune aquatique. L’eau et les milieux humides constituent des écosystèmes où vivent et interagissent la faune aquatique (poissons, invertébrés, larves, reptiles), les plantes aquatiques et des micro-organismes comme les bactéries. L’action de certains de ces êtres aquatiques tels que les caïmans, constitue à bien des égards, une menace contre l’intégrité et la durabilité des ouvrages de stockage de l’eau. La question de la protection des ouvrages hydrauliques contre les effets de l’action de la faune aquatique constitue une problématique assez complexe, en raison du caractère parfois sacré de cette faune ou de son statut d’espèce protégée.
Cet état de fait constitue un véritable obstacle au maintien de l’intégrité physique de ces ouvrages dont la contribution au développement socioéconomique des populations est assez importante. C’est pourquoi, la Direction générale des infrastructures hydrauliques (DGIH) a initié un atelier de réflexion sur la problématique de la faune aquatique et la sécurité des ouvrages hydrauliques. Le mercredi 20 juillet 2022, les techniciens du domaine, les garants de la tradition se sont retrouvés sur le sujet. Au cours de cette rencontre, les communications ci-dessous citées ont fait l’objet des travaux et ont été assorties d’échanges. Il s’agit d’une présentation des espèces aquatiques vivant dans les retenues d’eau et pouvant endommager les ouvrages hydrauliques ; d’une présentation des types de dégradations provoquées par leur présence ; d’une présentation de mesures d’adaptation aux effets de la faune aquatique sur les ouvrages hydrauliques ; d’une présentation de techniques et technologiques pour la protection de la faune aquatique sans un impact dommageable sur son milieu physique.
Le diagnostic a permis d’identifier trois principaux types de menaces sur les ouvrages hydrauliques. Le piétinement/érosion des digues et déversoirs: ces actions peuvent fragiliser ces infrastructures, réduire leur durée de vie et les espèces qui engendrent ces menaces sont les hippopotames, les éléphants, les buffles et les grandes antilopes.
La perforation/ constitution de galerie: ces menaces sont engendrées par les crocodiles, les varans, les oiseaux piscivores, certaines espèces de poisson. Le déplacement des agrégats et la destruction de la végétation : les babouins et les éléphants sont à l’origine de ces menaces.
Les participants ont recommandé trois principales mesures pour endiguer les menaces de la faune aquatique sur les ouvrages hydrauliques : la surveillance continue des ouvrages hydrauliques pour déceler les menaces ; la réfection des ouvrages endommagés et la prise en compte des aspects écologiques dans le dimensionnement de certains ouvrages hydrauliques.

Le caractère sacré de la faune aquatique rend complexe l’utilisation de certaines mesures de protection des ouvrages hydrauliques. (DR)

Le Bureau d’étude CETECH Consult, commis à la réflexion sur une réponse adéquate, a particulièrement préconisé le « rip-rap » pour protéger les digues en terre contre les dégradations dues à la faune aquatique. Il s’agit d’une technique qui consiste à recouvrir les digues des ouvrages de blocs de granit. Le seul bémol de cette solution est le coût élevé par rapport à la pose du perré sec en moellon. Et dans une moindre mesure, l’esthétique, car avec la taille et le poids de ces blocs, il est bien souvent difficile de les ranger manuellement. A titre d’exemple, le mètre carré de moellon posé sur un talus coûterait 8 000 à 10 000 FCFA, alors que le rip-rap coûterait 35 000 à 50 000 FCFA. Le coût d’exploitation peut être partagé avec d’autres ministères tels que le ministère de l’Agriculture, qui pourra mettre les blocs de petite taille à la disposition des paysans pour la réalisation des cordons pierreux. Il faut reconnaitre que les blocs de moellon autrefois disponibles en quantité et en qualité sont devenus de nos jours, assez rares, rendant ainsi la confection des cordons pierreux très difficile, voire impossible.
« Les propositions issues de cette rencontre seront prises en compte dans les nouvelles réalisations. Pour le barrage existant, un plan d’urgence de réhabilitation de ces ouvrages va également intégrer les propositions. Pour 2022, nous avons déjà reçu des financements du budget de l’Etat pour réaliser nos infrastructures, comme nous aurons des propositions avant les travaux, nous allons les mettre en œuvre », a rassuré Seïmata Oubian/Derra. »
Martin SAMA

 

Encadré

Les espèces aquatiques

Mammifères : éléphants, hippopotames, buffles, grandes antilopes (hippotragues, bubales et cobes défassa): le babouin (babouin doguera)
Reptiles : crocodiles, tortues, varans
Oiseaux : les oiseaux piscivores principalement sont inféodés aux zones humides et s’y reproduisent,
Ichtiofaune : elle est très variée et certaines espèces peuvent atteindre de grande taille (anguilles, silures).

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