Le secteur privé burkinabè peut profiter des retombées financières liées aux activités minières, telle est la certitude du président de l’Alliance des fournisseurs burkinabè de biens et services miniers (ABSM), Yves Zongo.
C’était lors des rencontres du patronat burkinabè (REPAB), les 2 et 3 juin 2022, où il a animé un panel portant sur le contenu local. Il dit en vouloir pour preuve, toutes les opportunités qu’offre la chaîne de valeur de l’industrie minière. De la recherche du filon à la construction de la mine, son exploitation et sa fermeture constituent des niches d’affaires. Les nationaux excellent dans la location des voitures mais moins dans le carburant et lubrifiants qui occupent 51% de tous les achats miniers.
S’organiser par secteur d’activité
Sur l’exploration minière, Yves Zongo exhorte le patronat burkinabè à se doter d’équipements adaptés. Il souligne que le besoin de foreuses, par exemple, est criard. Et pour cause, d’après lui, les 17 mines en exploitation ont besoin, par mois, de 10 sociétés de foreuses. Autre niche à exploiter est la phase de construction de la mine, qui a besoin des équipements lourds. Sur les équipements, il a souhaité que les entrepreneurs s’organisent par secteur d’activité pour bénéficier plus des marchés. Enfin, l’étape de la fermeture de la mine qui requiert de l’expertise et des équipements adaptés dont les nationaux peuvent soumissionner aux appels d’offres.
Occuper toute la chaîne de valeur
De l’avis d’Yves Zongo, le secteur privé pourrait mieux profiter de ces opportunités si les textes d’application des articles 101 et 102 du Code minier de 2015 sur le contenu local venaient à être totalement adoptés. Il a souhaité que dans les prochaines années, le Burkina Faso puisse avoir des champions nationaux dans les prestations minières. D’autres défis à relever est le changement de mentalité et surtout l’approche du patronat envers les sociétés minières. Le président de l’ABSM demande que les hommes d’affaires ne se contentent pas d’achats/vente des biens et services. Mais d’innover en étant dans la production, la transformation, la distribution…des biens et services. Car, dit-il, la captation financière à tirer de l’industrie minière est énorme.
Les nationaux ne tirent que 3 à 4% des 500 milliards FCFA
Selon une étude faite par le cabinet CARD et publiée en 2018, sur 500 milliards FCFA, les fournisseurs locaux n’ont pu capter que 16%, soient 80 milliards FCFA. Les multinationales du pétrole et du lubrifiant représentent 51% des achats de toutes les mines, soient 255 milliards FCFA. Il a mentionné que la part que tirent les sociétés au capital 100% burkinabè était de 3 à 4%.
Une approche de partenariat entre secteur privé et société minière
Priscille Zongo de la Chambre des mines du Burkina (CMB) a expliqué sur la base d’une étude commanditée en 2018 que 47% des biens achetés étaient faits auprès des entreprises immatriculées au Burkina Faso. Malheureusement, elle a déploré le fait que cette opportunité au secteur privé burkinabè soit basée essentiellement sur l’achat-vente. Pour améliorer cette situation, elle a insisté sur l’organisation du secteur de la filière fournisseurs locaux. Pour elle, ceux-ci doivent avoir une approche de partenariat entre secteur privé et société minière. Travailler sur les perceptions (préjugés). L’industrie minière est spécifique, sur ce, elle demande que les fournisseurs puissent appréhender la psychologie des miniers. Pour faciliter tout cela, la CMB travaille à la mise en place d’un mécanisme d’accompagnement.
Lequel pourrait être un fonds d’accompagnement au profit des fournisseurs locaux et une formation spécifique. Priscille Zongo a plaidé pour une disponibilité en main d’œuvre qualifiée ; car, dit-elle, une mine, c’est 70 à 80% de main d’œuvre qualifiée. Les ingénieurs pas plus de 10 à 15%. Elle a souhaité voir la création d’une école des métiers de mine.
Le contenu local acté
Le ministère en charge des mines, à travers son représentant, Jean Baptiste Kaboré, s’est appesanti sur la loi portant contenu local. Il a relevé que cette loi autorisait que 100% des produits alimentaires soient attribués à des fournisseurs locaux. Désormais, 30% sur les 51% habituellement accordés aux multinationales du pétrole et du lubrifiant reviendront à des sociétés d’intérêt burkinabè (capital ouvert à au moins 51% à des Burkinabè). Dans le domaine de l’assurance, il est prévu que 40% des contrats reviennent à des sociétés d’intérêt burkinabè. Ces dispositions portant fixation des conditions de la fourniture locale dans le secteur minier sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022. « Le contenu local : allongement des chaînes de valeurs, développement du marché intérieur, création d’emplois et de richesse », a été abordé le 3 juin 2022, à la faveur de la première édition du réseau de la rencontre des patrons burkinabè.
Ambèternifa Crépin SOMDA
Encadré
Les projections de la fourniture locale des biens
En 2025, le chiffre d’affaires total des fournisseurs locaux de biens & services miniers atteindra 208,2 milliards FCFA, soit 26% des 800 milliards FCFA de la commande annuelle en biens & services des sociétés minières à cet horizon. La part de la fourniture locale dans les commandes alimentaires et agroalimentaires des sociétés minières sera de 25%.
A l’horizon 2030, la fourniture locale aux sociétés minières générera un chiffre d’affaires de 389 milliards FCFA, soit 32% des 1216 milliards FCFA de commande annuelle en biens & services miniers par les sociétés minières à cet horizon 2030. La part de la fourniture locale dans les commandes alimentaires et agroalimentaires des sociétés minières sera de 30%.o
Source : « Analyse de l’écart entre les opportunités de fournitures locales aux sociétés minières et la capacité des fournisseurs locaux à y répondre et pour l’élaboration d’un cadre national de promotion de la fourniture locale », publiée en septembre 2018 et réalisée par le Cabinet africain d’études et de recherche pour le développement (CAERD).